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Environnement - Développement durable : des indicateurs en construction

Le 20 janvier, une conférence nationale sur les indicateurs de développement durable a fait salle comble au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui a co-organisé l’événement avec le Conseil national de l’information statistique (Cnis). Prévue par la loi Grenelle 1, cette conférence a permis de débattre des travaux engagés par une commission de concertation voulue entre autres par Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable. "Ces indicateurs, il faut qu’ils soient ni trop ni trop peu et les travaux de cette commission vont se poursuivre afin de les améliorer et préciser", a-t-elle annoncé en clôture des débats. "S’ils font l’objet d’une concertation, c’est qu’elle seule permettra leur appropriation par les citoyens. Ils seront en effet rendus publics et présentés au Parlement chaque année à compter de 2010", a pour sa part déclaré Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie.
Complémentaires à la stratégie nationale de développement durable (SNDD) 2009-2013, qui est en voie d’adoption et dont l’élaboration a elle-même fait l’objet d’un effort de concertation, ces indicateurs se présentent sous la forme d’un tableau de bord calé sur les neuf défis qui composent la stratégie. Outils de veille, d’alerte et de suivi, ils permettront d’évaluer la mise en œuvre de celle-ci. Pour l’heure, quatre indicateurs dits de contexte économique et social (revenu national net par habitant, taux de chômage, distribution des revenus, taux de fécondité) sont retenus par la commission. Plus 15 indicateurs phares associés dans deux tiers des cas à des objectifs bien cernés. Pour le tiers restant, les cibles restent à affiner. S’y ajoute une série d’indicateurs jugés "complémentaires", jusqu’à sept dans certains volets de la stratégie. Enfin, preuve qu’il s’agit bien d’un point d’étape, une vingtaine d’autres sont listés comme étant à développer ou à examiner plus attentivement.

"L’ensemble est marqué par un tropisme environnemental, un rééquilibrage restant à opérer en faveur d’indicateurs relatifs aux piliers économique et social du développement durable", a observé Louis de Gimel de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Parmi eux, certains sont toutefois retenus : on note ainsi l’émergence d’indicateurs sur les maladies professionnelles, les accidents du travail, les besoins de soins de santé non satisfaits, les difficultés de logement ou encore la difficulté de lecture chez les jeunes. L’idée d’un indicateur relatif aux risques industriels a également vu le jour et mériterait un "développement ultérieur". "Il y a certains sujets sur lesquels on peut dire que d’ici cinq ans, on sera capable de mesurer, pour d’autres cela prendra dix ans", a éclairé Pierre Radanne, ex-président de l’Ademe aujourd’hui à la tête de l’association 4D. "L’intérêt des indicateurs est qu’ils posent un problème de fond, celui de la gouvernance du développement durable. C'est là un domaine où les collectivités sont en avance sur l’Etat", a ajouté José Muñoz, chargé de mission chez Suez.
C’est effectivement le sentiment qu’on a eu en assistant aux exposés, plus denses et concrets que les précédents, sur les indicateurs territoriaux. Sandrine Fournis, du ministère de l’Ecologie, a ainsi fait le point sur le référentiel d’évaluation des projets territoriaux de développement durable. Conçu en vue "d’aider chaque territoire à construire son propre dispositif d’évaluation", il intègre une quarantaine d’indicateurs élaborés par un groupe de travail comprenant 16 collectivités et divers organismes (Certu, Anru, Ifen, Oree). Une version expérimentale de l’outil est en ligne depuis juin dernier sur le site du ministère et une version "stabilisée" le sera en juin prochain. "Ces indicateurs suscitent un fort intérêt des collectivités et des indicateurs complémentaires vont être explorés", a précisé Sandrine Fournis. Benoît Lemozit, directeur général adjoint de Marmande (Lot-et-Garonne), une ville qui a participé à ce groupe de travail, a souligné que ces indicateurs n’ont de sens que s’ils s’intègrent à une dynamique interne d’évaluation. Or dans les collectivités, on a selon lui "une forte culture du bilan et du diagnostic mais on est moins doué pour animer des démarches de ce type". Il plaide dans ce sens pour un meilleur encadrement et plus de formation des agents à la démarche d’évaluation.

Enfin, Odile Bovar, responsable de l’Observatoire des territoires, a ajouté que les indicateurs ne couvraient pas tout, que des thèmes restaient encore à suivre et que le besoin d’approche innovante se fait sentir dans le domaine - encore tâtonnant - de l’évaluation des stratégies territoriales de développement durable. En juin prochain, une quarantaine d’indicateurs opérationnels seront dans ce sens mis en ligne sur le site de l’Observatoire. En conclusion, s’il y a donc un consensus sur le fait que ces indicateurs territoriaux sont bien à promouvoir et consolider afin qu’ils "fassent sens localement", leur articulation avec les indicateurs qui s’élaborent au niveau national reste un domaine à défricher.

 

Morgan Boëdec / Victoires éditions