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Commande publique - Directive Recours : Bruxelles prévoit une "réflexion" mais pas de réforme

La direction générale Marché intérieur et services (DG Markt) de la Commission européenne organisait ce lundi 26 novembre à Bruxelles une conférence portant sur les procédures de recours dans le domaine des marchés publics et leurs applications dans les Etats membres. L'heure est en effet au bilan de la directive Recours 89/665, modifiée le 11 décembre 2007. Un consensus s'est dégagé lors de cette conférence pour considérer qu'il était encore prématuré de réformer cette législation compte tenu du manque de recul sur son utilisation. Le chef de service des marchés publics de la DG Markt, Joanna Szychowska, a toutefois indiqué qu'il tirerait profit des débats ayant animé cette manifestation du 26 novembre pour étoffer la réflexion de la Commission européenne dans le domaine des marchés publics. Des débats qui ont principalement été alimentés par deux questions.

La répartition délicate des tâches entre instances nationales de recours et Commission européenne

Actuellement, deux types de recours se superposent : le recours devant la Commission européenne et celui devant les instances nationales. Ces procédures peuvent être parallèles, faute pour les requérants d'informer les instances sur l'introduction d'une autre voie de recours. Ces deux procédures sont-elles complémentaires ou contradictoires ?
Selon Joanna Szychowska, les finalités des procédures d'infraction sont mal comprises par les soumissionnaires. La Commission européenne, qui assure un rôle prépondérant et quotidien dans la bonne application de la loi sur les marchés publics (par exemple à travers la mise en œuvre du mécanisme de correction, les procédures d'infractions ou la saisine directe de la Cour, conformément aux articles 258 et 260 du TFUE), peut se saisir de sa propre initiative ou être saisie d'un dépôt de plainte émanant d'un candidat qui s'estime lésé. Dans ce cas, le candidat invoque généralement des hypothèses de non-communication, de transposition incorrecte ou de discrimination. La Commission, elle, dispose d'une large marge d'appréciation pour étendre ces motifs. Cette procédure du recours devant la Commission européenne présente l'avantage de ne pas souffrir de délai de prescription. Le plus souvent, en pratique, les plaintes sont déposées après l'attribution, voire l'exécution, du marché. La procédure est gratuite et anonyme.
Pour le professeur Laurent Richer, avocat au barreau de Paris, le parallélisme des procédures devant les instances nationales et la Commission mérite d'être maintenu... et est de toute façon inévitable. Devant les juridictions françaises, le recours précontractuel est particulièrement efficace, tandis qu'après la signature du contrat, le recours devant la Commission européenne garde tout son intérêt. Et si le premier gardien du droit de l'Union européenne reste le juge national, dans la mesure où celui-ci est le mieux placé pour intervenir spontanément, le juge européen doit continuer à intervenir pour les manquements manifestes ou comme instance de recours des juridictions nationales.

Le recours juridictionnel des marchés publics devant la Cour de justice de l'Union européenne

De façon novatrice, la directive 89/665 a accordé des droits aux soumissionnaires de marchés contre les comportements arbitraires voire discriminatoires des autorités contractantes. Ainsi, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) peut être saisie par un candidat qui a été - ou risque d'être - lésé et qui a ou avait un intérêt à remporter le marché.
Pour le juge de la CJUE Endre Juhász, les contrats attribués directement sans aucune procédure sont une menace pour la bonne application de la loi en matière de marchés publics puisqu'ils sont exclus de la procédure des recours. Ainsi, les conditions des contrats dits "in house" et des contrats mixtes sont interprétées de façon restrictive par la Cour.
Dans la pratique, de nombreuses imperfections persistent. Un représentant de l'Allemagne a par exemple considéré lors de la conférence que le nouveau délai de standstill de 10 jours introduit par la directive 2007/66 est trop court puisque les questions juridiques nécessitent une analyse souvent détaillée. Cette même directive ne prévoit qu'imparfaitement les conditions de réexamen d'une affaire. Enfin, le mécanisme correcteur de l'article 3 de la directive est diversement accueilli par les Etats membres, avec une application quasi inexistante pour ceux qui l'ont transposée.
Autrement dit, le système de recours devant la CJUE n'est pas encore suffisamment optimal. Joanna Szychowska a assuré en avoir pris bonne note. Le choix a été fait, a-t-il résumé, de réformer le "paquet" Marchés publics sans la directive Recours puisqu'il n'y a "pas de nécessité immédiate". Il n'en demeure pas moins que la bonne application de cette dernière conditionne l'effectivité des futures directives Marchés publics et Concessions, attendues pour le début d'année prochaine.

L'Apasp

Références : Directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux ; Directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics.

DIVERSITE DES MECANISMES DE RECOURS NATIONAUX DANS LES MARCHES PUBLICS
Une partie de la conférence du 26 novembre a permis de dresser un bref panorama des différents systèmes de recours en matière de marchés publics. Le panel des intervenants a mis en exergue les conditions de recours en matière de marché public dans plusieurs pays.
Certains Etats membres, comme la Hongrie, prévoient une étape précontentieuse alors que d'autres ont un système de recours juridictionnel direct sans aucune phase préliminaire. Pour l'Espagne et la France, les recours sont portés devant un organe administratif. En Suède et en Hongrie, les recours ont une nature judiciaire. La Pologne se caractérise par une rapidité dans le jugement de ses procédures, les décisions étant rendues en 14 jours, contrairement au système suédois réputé pour être particulièrement long. Enfin, lorsqu'une difficulté se présente, le juge hongrois peut se reporter à des expertises alors que le procès suédois impose aux parties de présenter toutes les informations pertinentes au juge.

 

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