Sécurité - Djihadisme : Bernard Cazeneuve veut un audit des actions de prévention
1.600 Français sont impliqués dans les filières irako-syriennes, a indiqué le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, le 19 mai. Auditionné par les députés de la commission d'enquête sur la surveillance des filières djihadistes qui doit remettre son rapport la semaine prochaine, le ministre s'est livré à un bilan extrêmement précis de la situation. "457 Français" dont de nombreux jeunes se trouvent actuellement en Irak ou en Syrie, a-t-il détaillé, parmi lesquels 137 femmes, 80 mineurs dont 45 filles. "278 volontaires ont quitté la Syrie dont 213 sont déjà revenus en France", 320 ressortissants français sont en "transit vers la zone", 521 autres auraient "manifesté des velléités de départ". "105 sont décédés sur zone dont 8 dans le cadre d'opérations suicides", a-t-il poursuivi. Enfin, 2 Français sont détenus en Syrie.
Depuis le 1er janvier 2014, le nombre de Français impliqués est ainsi passé de 555 à 1.683, soit une progression de 203%, parmi eux, le nombre total de combattants est passé de 224 à 457, soit une progression de 104%, a encore précisé le ministre. Selon lui, les candidats au djihad sont principalement originaires de six régions : l'Ile-de-France, Rhône-Alpes, Paca, le Languedoc-Roussillon, le Nord-Pas-de-Calais et Midi-Pyrénées.
Mieux associer les maires aux cellules de suivi
Parlant de "continuum de radicalisation", le ministre a rappelé les dispositifs mis en place depuis le plan de prévention d'avril 2014 jusqu'au plan du 21 janvier pris à la suite des attentats du début d'année, en passant par la loi antiterroriste du 13 novembre 2014 (sans parler de la loi sur le renseignement en cours d'examen au Parlement). Les actions de préventions sont pilotées aujourd'hui par le comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD). Dans ce cadre, la plateforme téléphonique est aujourd'hui en "pleine maturité fonctionnelle". Elle a permis 1.900 signalements, soit "plus de la moitié des 3.800 cas signalés aux autorités".
Par ailleurs, les cellules de suivi pilotées par les préfets dans chaque département sont à présent "toutes installées et montent en puissance". Ces cellules sont chargées d'organiser "la prise en charge des personnes radicalisées ou en cours de radicalisation en leur proposant des dispositifs de réinsertion individualisés". Placées sous l'autorité du préfet et du procureur, elles "réunissent tous les services de l'Etat concernés : sécurité publique, protection judiciaire de la jeunesse, renseignement territorial, éducation nationale, services sociaux, ainsi que leur partenaires parmi lesquels les collectivités locales jouent un rôle déterminant, notamment au regard de leurs compétences sociales". Il a par ailleurs assuré vouloir mieux associer les maires à ces cellules. "Je vais essayer de renforcer cela", a-t-il répondu au député socialiste de l'Orne Joaquim Pueyo. "Nous les élus, quelquefois, on n'est pas bien informés de ces dispositifs mis en place dans les états-majors de sécurité autour du procureur, a constaté le député-maire d'Alençon. "Ce serait bien que les maires qui sont officiers de police judiciaire soient associés à ces travaux (…) Le travail de prévention et de diagnostic sur les territoires me paraît fondamental."
Un audit des dispositifs de prévention dans six mois
Bernard Cazeneuve a aussi rappelé l'existence d'une équipe mobile d'intervention sous l'autorité de Dounia Bouzar chargée de traiter les situations individuelles les plus difficiles, ainsi que la création d'un "centre d'accueil pour les personnes qui reviennent des zones de conflit".
L'ensemble de ce dispositif de prévention paraît "tout à fait pertinent" a souligné le ministre, estimant "cependant nécessaire d'en évaluer en permanence et en continu l'efficacité opérationnelle". Bernard Cazeneuve a annoncé avoir confié à l'IGA "le soin de coordonner une mission d'audit pour proposer des pistes d'amélioration sur la détection des situations à risque, les modalités de prise en charge et de soutien aux familles". La mission remettra ses propositions dans six mois.
Le ministre a par ailleurs détaillé le travail des services de police pour le démantèlement des filières : "Depuis le 1er janvier 2014, 138 procédures judiciaires concernant 673 personnes sont en cours pour des activités liées au terrorisme. 272 personnes ont été interpellées, 161 ont été mises en examen, 111 ont été écrouées. Douze mandats d'arrêts internationaux ont été délivrés et neuf ont été exécutés." "Nous démantelons régulièrement des filières, des attentats sont évités", s'est-il félicité, alors que de nombreux couacs ont pu être observés dans les affaires récentes.
Le ministre a insisté sur la nécessité du renforcement de la lutte contre la propagande sur internet et appelé à une convergence des législations européennes dans ce domaine. "Nous devons développer sur internet un contrediscours visant à contrecarrer les phénomènes de radicalisation et d'endoctrinement", a-t-il développé, prenant l'exemple d'une "équipe de communication stratégique sur la Syrie" mise en place avec des financements européens.
Le député UMP des Yvelines Jacques Myard a mis en garde contre "la partie de poker menteur" de certains Etats de la région (avec lesquels la France signe de juteux contrats, ndlr). "Je m'interroge grandement sur la réalité de notre politique extérieure", a-t-il lancé.