Archives

FPT - Droit de voler : un DGS alerte sur le risque d'une jurisprudence

La révocation d’un agent pour vols répétés et revente de sacs poubelles appartenant à sa collectivité est-elle une peine proportionnée ?  Telle est la question juridique posée à travers une affaire sur laquelle doit statuer le Conseil d’Etat. Le rapporteur du Conseil d’Etat estime que non, “compte tenu de la valeur vénale modeste des objets volés”. Le directeur général des services de la collectivité concernée s’insurge, craignant une potentielle “jurisprudence du droit de voler”. 

“Nous risquons de marcher sur la tête sous peu avec une probable jurisprudence du Conseil d’Etat donnant un droit de voler à nos agents”, alerte le Directeur général des services (DGS) de la Communauté de communes de Beaucaire Terre d’Argence (CCBTA) dans un courrier du 23 janvier 2019. L’affaire concerne un agent de la CCBTA qui a volé régulièrement, durant deux ans, 49 cartons contenant des sacs poubelles appartenant à l’EPCI pour en revendre sur le marché d’une commune voisine. Les faits ont été condamnés d’une amende par le tribunal correctionnel (TC) de Nîmes le 8 mars 2017. Dans le même temps, l’agent a été révoqué par sa collectivité, justifiant sa décision par le fait que ces vols “s’ajoutent à de précédents actes d’insubordination, de menaces et d’altercations violentes”, peut-on lire dans la décision du TC de Nîmes.    

Quid des obligations particulières de probité et d’intégrité des fonctionnaires ? 

Pourtant, le 21 janvier 2019, un rapporteur au Conseil d’Etat a proposé, dans cette affaire, de retenir un “doute sérieux quant à la légitimité de la révocation compte tenu de la valeur vénale modeste des objets volés”. “Cela reviendrait à créer une jurisprudence du droit de voler pour les fonctionnaires, à condition que ce soit des sommes modestes", s’étrangle-t-on à la CCBTA. L’association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) dont le DGS de la CCBTA est vice-président, rappelle que les fonctionnaires ont “les obligations particulières, notamment de probité et d’intégrité", récemment consacrées par la loi déontologie de 2016, auxquelles s’ajoutent “les grands principes et les valeurs fondatrices du service public”. Le président de la collectivité, Julien Martinez, dénonce pour sa part un risque de rupture du principe d’égalité : “un agent du secteur privé qui vole serait licencié rapidement et cette décision serait confirmée devant les Prud’hommes, la cour d’appel, voire de Cassation alors qu’un fonctionnaire, lui, aurait toute latitude de voler? “, s’insurge-t-il.  “Cette jurisprudence donnerait raison à nos détracteurs, alors qu’il ne s’agit que d’une infime minorité qui nuit gravement à l’image et à l’action de nos agents et de nos services publics”, conclut-il. 
Reste à savoir si le CE va plutôt suivre l’avis du rapporteur du 21 janvier 2019 qui propose donc de retenir un “doute sérieux quant à la légitimité de la révocation, compte tenu de la valeur vénale modeste des objets volés”, ou se ranger dans la lignée de la jurisprudence de la cour d’appel administrative (CAA) de Bordeaux. Dans sa décision, la CAA avait estimé que les “vols multiples réalisés par l’agent dans l’exercice de ses fonctions [...] sont contraires à la probité et de nature à dégrader l’image de la communauté d’agglomération [...]. Même si l’agent est reconnu jusqu’en 2010 comme disponible et sérieux, une révocation apparaît proportionnée”.  Affaire à suivre, donc. 


Référence 
CAA Bordeaux n° 15BX01815 M. A du 13 juin 2017.
 

 

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis