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DSP : précisions sur le retour des biens acquis avant le contrat

Dans un arrêt du 29 juin 2018, le Conseil d'Etat a précisé le régime des biens de retour, et notamment leur indemnisation quand ces biens ont été acquis par le concessionnaire avant la signature de la concession.

En l’espèce, la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye (CCUV) avait conclu une délégation de service public (DSP) pour l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques du Sauze-Super Sauze-La Rente sur la commune d’Enchastrayes. A la fin du contrat et selon la jurisprudence en la matière, le juge des référés a ordonné au concessionnaire de remettre à la collectivité les biens affectés à l’exploitation du service public, autrement appelés biens de retour. Un accord amiable a ensuite été trouvé entre les deux parties pour arrêter l’inventaire et l’évaluation de ces biens. Le conseil communautaire a, par une délibération, approuvé le rachat des biens en cause par la CCUV pour un montant de 3,7 millions d’euros. Estimant que cette délibération était illégale, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence l’a déférée devant le tribunal administratif (TA) de Marseille. Ni ce dernier, ni la cour administrative d’appel (CAA) n’ont fait droit à sa requête sur la question de l’indemnisation de ces biens. Le préfet a alors porté l’affaire en cassation devant le Conseil d’Etat.
Réunis en section, formation solennelle de jugement, les juges de cassation ont tout d’abord rappelé le régime des biens de retour. Selon la jurisprudence Commune de Douai du 21 décembre 2012, de tels biens reviennent, à l’expiration du contrat, à la personne publique selon deux modalités : gratuitement s’ils ont été amortis au cours de l'exécution du contrat ou contre un dédommagement de la part de la collectivité s’ils n’ont pas été totalement amortis.

Biens de retour et loi Montagne : pas de dérogation

En l’espèce, se posait la question de savoir si des biens affectés au service public mais réalisés ou acquis par le concessionnaire avant la signature de la DSP devaient être considérés comme des biens de retours et s’ils pouvaient faire l’objet d’une indemnité.
De plus, ce litige s’inscrivait dans le cadre spécifique de la loi Montagne du 9 janvier 1985. Cette loi a fait des remontées mécaniques un service public industriel et commercial. Elle a mis en place une période transitoire de 14 ans pour laisser aux collectivités le temps de mettre en conformité leurs modes de gestion.
Dans cette affaire, la DSP avait été conclue en 1998, soit un an avant la fin de cette période transitoire. Se posait alors la question de savoir si les biens acquis avant la signature de cette convention pouvaient être considérés comme des biens de retour, alors qu’ils étaient affectés à une activité qui n’était pas encore considérée comme un service public ?
Selon la CAA de Marseille, ces biens ne pouvaient être considérés comme des biens de retour car leur acquisition était antérieure à la conclusion de la DSP. Cette position de la CAA de Marseille n’est pas isolée, la CAA de Lyon ayant rendu des jugements similaires en 2012 et 2013.
Toutefois, le Conseil d’Etat n’a pas confirmé ce mouvement jurisprudentiel. Il a pour sa part considéré qu’en signant cette DSP, l’entreprise avait de fait accepté d’affecter ces biens au fonctionnement du service public.
Concernant l’indemnisation, le Conseil d’Etat a rappelé que si le concessionnaire pouvait être dédommagé de la part non amortie des biens de retour, cela devait respecter "l’équilibre économique du contrat". Quand la durée de la concession est inférieure à la durée de l’amortissement d’un bien, "l’indemnité est égale à la valeur nette comptable inscrite au bilan". Le Conseil d’Etat a donc désapprouvé le raisonnement de la CAA sur ce point, cette dernière ayant commis une erreur de droit en jugeant que le concessionnaire avait droit à une indemnité égale à la valeur vénale de ces biens.

Référence : CE, 29 juin 2018, n° 402251(Lien sortant, nouvelle fenêtre)

 

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