Economies d'énergie : plein feu sur l'éclairage d'Albi

A Albi, cinq artères principales de la ville viennent d'être équipées de luminaires permettant des économies d'électricité de plus de 40% par rapport aux lampadaires précédents. Résultat d'un partenariat avec des chercheurs et industriels, cet éclairage innovant intéresse déjà d'autres communes.

L'éclairage public est un poste important de dépenses pour les communes. Pourtant, impossible de réduire le nombre de lampes ou leur luminosité (les citoyens se sentent alors moins en sécurité et protestent vigoureusement). Seule solution : améliorer l'efficacité de l'éclairage, pour dépenser moins à service égal. D'autant que toute réduction de la consommation d'énergie a évidemment un impact environnemental. D'où l'intérêt que suscite le projet européen LumeLite, qui rassemble onze partenaires de six pays européens.
Ce projet vient d'aboutir à l'inauguration d'un nouvel éclairage dans cinq artères principales d'Albi (Tarn), qui permet d'économiser plus de 40% de la consommation d'électricité par rapport aux anciens luminaires. L'installation des 123 luminaires dans ces cinq artères, dont quatre situées en centre-ville, a commencé en mars 2004 et s'est achevée récemment.
L'intensité des lampes est commandée à distance, ce qui permet de contrôler la quantité de lumière fournie. Les premiers tests indiquent que les économie d'électricité sont conformes aux prévisions, grâce à la combinaison d'une meilleure efficacité lumineuse (plus de lumière produite pour une même puissance), d'une meilleure distribution de la lumière vers la route et d'un éclairage au plus près des besoins grâce à une gestion centralisée. Enfin, la durée de vie de ces lampes est estimée à 4 ans, tandis que le luminaire devrait durer 20 à 30 ans.

Retours positifs

Pour la ville, le coût de l'opération s'est élevé à 350.000 euros pour l'ensemble des luminaires et la station centrale de gestion. "Mais nous allons recevoir une subvention européenne de 100.000 euros qui réduira d'autant notre contribution", précise Michel Franques, adjoint au maire d'Albi chargé de la vie des quartiers et de la proximité. Il est cependant encore impossible de calculer le temps de retour sur investissement, l'installation n'ayant été mise en place qu'il y a quelques semaines. "Nous devrons attendre le retour d'expérience pour connaître précisément les économies réalisées grâce à cette installation." D'autre part, on ne connaît pas encore bien les coûts réels de cet éclairage innovant, dans la mesure où les entreprises impliquées dans le projet ont fourni le matériel testé. Mais dès que ces luminaires seront fabriqués au niveau industriel, il sera possible de calculer les coûts et donc les temps d'amortissement de l'investissement.
Les premiers retours, en tout cas, sont plutôt positifs. "Plusieurs Albigeois nous ont fait part de leur satisfaction, notamment sur l'intensité lumineuse, témoigne Michel Franques. L'aspect positif sur l'environnement compte également beaucoup. Par ailleurs, plus de dix communes nous ont contactés pour nous demander des renseignements sur cet éclairage et des particuliers nous ont écrit pour nous féliciter et espérer que ce projet fasse des émules chez eux."

Luminaires intelligents à tout faire

Reste une question clé : ce système est-il utilisable partout, notamment dans les petites communes ? "La gestion des éclairages est certes plus complexe que dans les systèmes classiques, mais la gestion centralisée n'est pas indispensable", précise Alexis Febrer, directeur de la voirie d'Albi. Ces luminaires sont en effet bien plus économes que les lampadaires classiques, même sans en moduler la puissance. Alexis Febrer se veut aussi rassurant sur la fiabilité de l'installation : "L'ordinateur central ne fait qu'envoyer des informations aux luminaires, mais n'est pas indispensable au fonctionnement du lampadaire. Donc en cas de bug informatique, l'éclairage continue !"
Le raccordement de ces lampadaires à un ordinateur central situé en mairie offre de nombreux avantages. "Nous connaissons l'état de chaque luminaire sans avoir besoin de faire des tournées de nuit pour vérifier l'éclairage", indique le directeur de la voirie. Il est ainsi possible de déployer les opérations de maintenance de manière optimale, en sollicitant moins les agents et en réparant plus vite les zones affectées par un éclairage défectueux. Mieux : les services techniques peuvent profiter du fait que chaque lampadaire communique par radiofréquence vers le poste central pour gérer d'autres services. "Une fois la fiabilité de cette communication vérifiée, j'envisage de raccorder la gestion des feux de carrefours à ces luminaires", explique ainsi Alexis Febrer.

Cécile Michaut / Victoires-Editions pour Localtis

"Albi possède l'éclairage le plus performant d'Europe"

Michel Franques, maire adjoint d'Albi chargé de la vie des quartiers et de la proximité, raconte pourquoi et comment Albi a participé au projet européen NumeLite en partenariat avec des chercheurs de Toulouse.

Pourquoi les chercheurs de Toulouse ont-ils choisi Albi pour ce projet ?

Plusieurs raisons ont concouru à ce choix. Albi est très portée sur l'expérimentation, que ce soit en matière d'urbanisme, de social ou de technique. D'autre part, le laboratoire coordinateur du projet souhaitait expérimenter cet éclairage dans une ville à taille humaine, plus accessible qu'une grande cité. Mais il souhaitait néanmoins une ville à vocation universitaire, à proximité de Toulouse. Il s'est donc assez naturellement tourné vers nous, car nous répondions à tous ces critères : Albi compte 50.000 habitants, et c'est la deuxième ville universitaire de Midi-Pyrénées. En 2001, nous avons donc été contactés par Georges Zissis, qui coordonne le projet européen NumeLite. Et aujourd'hui, nous sommes la seule ville d'Europe à avoir un éclairage aussi performant.

Quel était l'intérêt de cette expérimentation pour Albi ?

Nous souhaitions diminuer notre facture d'éclairage. Celle-ci s'élève à 400.000 euros par an rien qu'en électricité, sans compter la maintenance. Nous avons donc d'abord chiffré le projet : même si nous étions favorables à l'expérience, nous ne souhaitions pas qu'elle nous coûte trop cher. Puis nous avons étudié les avantages sur la vie quotidienne des Albigeois. La diminution de la consommation était estimée à 30%. En fait, elle semble même plus forte que cette première estimation. Par ailleurs, nous sommes sensibles au concept de développement durable et tout ce qui peut améliorer l'environnement dans la ville nous intéresse. Enfin, ce projet nous offre aussi un éclairage de meilleure qualité, donc une meilleure mise en valeur de l'espace et une meilleure sécurité. L'éclairage contribue en effet énormément au sentiment de sécurité des habitants.

Quel a été le rôle respectif des services techniques d'Albi et du Centre de physique des plasmas de Toulouse ?

Tous deux ont travaillé ensemble. Nous avons bien sûr mené les travaux classiques de génie civil pour installer les lampadaires et nous avons beaucoup travaillé sur la conception de l'ordinateur central, point névralgique de l'installation. Il permet de régler la luminosité soit manuellement, soit en fonction des horaires (par exemple en diminuant l'intensité de l'éclairage entre minuit et cinq heure du matin), soit en fonction de la luminosité naturelle. Cette installation est certes plus compliquée que les systèmes d'éclairage classiques, mais elle offre beaucoup de souplesse. De son côté, le laboratoire a conçu l'éclairage innovant. Celui-ci est basé sur des lampes de nouvelle génération et le lampadaire est conçu pour refléter la lumière vers le sol de manière optimale. On évite ainsi d'éclairer inutilement le ciel.
 

Les luminaires, un produit de haute technologie

L'amélioration des performances des luminaires est le fruit de recherches poussées combinant plusieurs disciplines, ainsi que la participation d'industriels.

Trois ans pour concevoir des éclairages innovants. Qui eût pensé qu'un luminaire puisse concentrer autant recherches et de technologies ? Mais il ne s'agit pas d'une banale lampe.
"Dans ce nouvel éclairage, chaque composant a été optimisé", raconte Georges Zissis, enseignant-chercheur au Centre de physique des plasmas de Toulouse et coordinateur du projet. Les lampes de nouvelle génération, à halogénures métalliques avec enveloppe céramique, offrent une lumière blanche de très bonne qualité, avec une excellente efficacité. "Pour concevoir ces luminaires, nous avons en effet couplé les connaissances physiologiques sur le fonctionnement de l'oeil et les connaissances sur l'éclairage, si bien que l'oeil humain ne remarque pas la diminution de puissance lorsqu'elle est inférieure à 40%. Par ailleurs, nous avons entièrement revu l'enveloppe céramique des lampes, afin que la paroi résiste à des températures de 1350 °C, contre 900 °C pour les lampes à décharge classiques. L'efficacité et la couleur en sont améliorées", précise le chercheur. Les luminaires comportent des réflecteurs afin de distribuer le plus efficacement possible la lumière sur la route, et d'éviter la pollution lumineuse vers le ciel. Les ballasts électroniques qui équipent les lampes permettent une variation de l'intensité lumineuse et sont commandés à distance par la station centrale installée en mairie.

L'efficacité lumineuse, une nécessité

La part de l'éclairage dans la consommation d'électricité est substantielle. D'où, entre autres, la mobilisation de l'Union européenne pour optimiser les luminaires.

L'éclairage mondial consomme plus de 2.000 térawatt-heures (TWh) d'énergie électrique chaque année, soit plus du dixième de la production mondiale d'électricité. C'est dire combien il est crucial d'améliorer l'efficacité des 30 milliards de lampes électriques en service dans le monde. Certes, toute cette lumière n'est pas de l'éclairage public. En France, par exemple, l'éclairage public et routier représente 10% des 41 TWh électriques consommés en 1999 pour l'éclairage (contre 30% pour les particuliers et 60% pour le secteur tertiaire). Sachant que la durée de vie d'un éclairage public est de 20 à 30 ans, les choix faits aujourd'hui auront des répercussions pendant longtemps. Dans ce contexte, il n'est guère étonnant que l'Union européenne se préoccupe d'efficacité lumineuse. Objectif affiché du projet NumeLite, qui rassemble onze partenaires publics et privés de six pays européens : "Concevoir et réaliser un système d'éclairage urbain innovant, économique, et démontrer ses potentialités sur site." Il a duré trois ans, pour un coût total de 6,6 millions d'euros, dont 2,8 subventionnés par la Communauté européenne.

Aller plus loin sur le web

La ville d'Albi décrit l'historique de son éclairage public, depuis les réverbères à huile du 19e siècle, puis les premiers lampadaires électriques en 1901, jusqu'au projet innovant NumeLite.
http://www.mairie-albi.fr/evenements/numelite.html
 
Sur le site du projet NumeLite (en Anglais), on trouve notamment la structure du projet ainsi que quelques applications déjà réalisées.
http://www.efficient-lighting.org/Numelite/More/project.htm
 
Le CNRS, partenaire du projet NumeLite, explique le principe de cet éclairage innovant et le déroulement de ce projet.
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/597.htm
 
Le site du laboratoire de physique des plasmas et de leurs applications à Toulouse décrit les recherches menées dans ce centre spécialisé notamment dans les sources de lumière et le transport du rayonnement.
http://cpat.ups-tlse.fr/

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