Égalité hommes-femmes : gare aux biais dans l’orientation et la formation professionnelles

Les politiques de l’emploi et de la formation peinent à faire progresser la mixité des métiers. Un sujet peu investigué sur lequel certains acteurs tentent d’avancer, mais de manière isolée.

Sur 87 métiers, seuls 18 sont réellement "mixtes", selon l’Insee. La ségrégation professionnelle entretient les difficultés de recrutement de certains secteurs, qui peinent à attirer des femmes ou des hommes, selon le genre "dominant". Dans quelle mesure la formation professionnelle entretient-elle cet état de fait ? Cette question était au centre de la table ronde organisée, jeudi 19 janvier, par l’Association d’échanges et de réflexion sur la formation (Afref).

Responsabilité des prescripteurs de formation

Le secteur du transport et de la logistique compte 18,5% de femmes parmi ses effectifs, une proportion qui n’augmente pas. "Lorsqu’on questionne les acteurs de l’orientation et de l’emploi, on se rend compte qu’ils ne vont pas orienter une jeune fille qui présenterait les compétences et qualités pour travailler dans notre secteur", constate Solenne Rosiau, chargée de mission à l’AFT, l’organisme de développement de la formation professionnelle dans le transport et la logistique, qui a réalisé une enquête interne à ce sujet. Présentes dans le transport sanitaire à 40%, les femmes représentent seulement 29% des effectifs dans le transport voyageurs (29%) et encore moins dans le transport de marchandises ou le déménagement. Les "prescripteurs" de formations - que sont Pôle emploi, les conseillers en orientation professionnelle ou encore les parents – "pensent que nos métiers requièrent des horaires spécifiques qui peuvent poser des difficultés pour les femmes", relève-t-elle.

À la Région Bretagne, on constate depuis des années des déséquilibres entre hommes et femmes. En 2021, 58% des stagiaires dans les formations régionales qualifiantes étaient des hommes, les femmes étant davantage représentées dans les aides à la formation accordées de manière individuelle, les bilans de compétences ou la validation des acquis de l’expérience. Les femmes sont les moins nombreuses dans les cursus visant les secteurs de la métallurgie (12,5%), du BTP (16,6%) ou la pêche mer et nautisme (20%). À l’inverse, elles sont ultra majoritaires dans les services d’aide à la personne (90%) ou la gestion administration (86%).

Peu de données genrées en formation

Dans le cas de sa politique globale d’égalité, la région a décidé de financer le programme MégalitE pour permettre à des organismes de formation bretons de déployer des modules de sensibilisation à l’égalité hommes-femmes. Près de 72.000 stagiaires en ont bénéficié depuis 2016. Des démarches qui ont pu se traduire par des sensibilisations à la mixité, à l’image du Campus des métiers de Brest (Ifac) qui a fait graffer une fresque murale des hommes et femmes cassant les stéréotypes liés à des métiers. Mais l’ambition du programme est bien plus large : pour Frédérique Pondemer, responsable du pôle égalité des droits et innovation sociale au conseil régional de Bretagne, elle vise à "outiller, interroger et interpeller le monde de la formation sur ses propres stéréotypes". 

Difficile, pour autant, de bien cibler les actions à mener, faute de connaissances et d’analyses sur le sujet des femmes et de leur rapport à la formation professionnelle. "Les organismes de formation ne renseignent pas assez de données genrées. […] Il n’y a pas de vision globale de ces données, en amont sur le nombre de contacts et d’accueils, le taux de présence aux informations collectives, le taux de déperdition par type de formation en cas de sélection, les motifs d’abandons, les sorties positives", regrette Françoise Le Rest, codirigeante du cabinet Perfégal, qui accompagne la région Bretagne sur ces politiques d’égalité.

Des formations non-mixtes adaptées aux femmes

Certains organismes de formation comme Simplon.co, spécialisé dans le numérique, cherchent néanmoins à faire bouger les lignes. Se donnant comme objectif d’augmenter la part des femmes dans les formations professionnalisantes, il a conçu le programme certifiant "Hackeuses". Non-mixte, il intègre des ateliers sur la question du genre et de la mixité qui vise "à se préparer à travailler dans un secteur très masculin", explique Marina von Rosenschild, la directrice de l’impact de l’organisme. Pour lever les freins à la participation à ces formations, des partenariats visant à faciliter la garde des enfants ont aussi été noués. L’organisme cherche aussi à augmenter la part de femmes parmi les intervenants de la formation afin de lever au maximum les appréhensions de stagiaires et faciliter la prise de confiance auprès de femmes qui ont tendance à se dévaloriser et à s’autocensurer. "Il faut maintenir l’accompagnement pour que les femmes ne laissent pas de place au doute, ou aux contraintes familiales", souligne-t-elle.

 

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