Archives

Elections européennes : après le scrutin, place aux grandes manoeuvres

Si en France, les élections européennes ont surtout vu la victoire du Rassemblement national devant la liste de la majorité (LREM/Modem), au niveau européen, il faut retenir l’érosion des deux principales formations, le PPE et le PSE, au profit des libéraux/centristes et des Verts. Débutent à présent les négociations en vue des principaux postes clés, dont celui du futur président de la Commission. Un dîner informel est déjà prévu entre les chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles, mardi.

 

Le renouvellement du Parlement européen intervient à une période charnière de l’Union européenne qui doit adopter son budget pluriannuel pour la période 2020-2027 et doit encaisser les effets du Brexit. Les résultats du scrutin (qui a enregistré une hausse de la participation à 51%) rebattent la carte des rapports de force au sein de l’hémicycle, même si le nombre de groupes (9 actuellement) ne devrait pas changer. Au niveau européen, on constate surtout la fin du duopole constitué par le Parti populaire européen (PPE) et les sociodémocrates qui comptaient jusqu’ici respectivement 216 et 185 eurodéputés sur un total de 751. Ils en auront désormais 182 et 147, selon les dernières projections du Parlement, et resteront à ce titre les deux premiers groupes, mais ils devront se coaliser avec d’autres forces européennes.

Erosion des deux principaux groupes

Cette érosion assez forte des deux grands partis a avant tout profité aux libéraux et centristes (ALDE) passant de 69 à 107 sièges, forts du score enregistré par LREM en France (22,41%) malgré sa 2e place derrière le Rassemblement national. Mais aussi aux Verts qui enregistrent une forte poussée passant de 52 à 70 députés, notamment grâce aux scores obtenus en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
A droite de l’échiquier, deux formations tirent les marrons du feu : l’Europe des nations et des libertés (ENL), portée par les succès du RN en France (23,33%) et de la Ligue de Matteo Salvini en Italie (34,33% des suffrages) et les souverainistes de l’ELDD, avec le succès du Brexit Party de Nigel Farage a fait course en tête récoltant 31,7% des voix. Ils engrangent une assez forte poussée (passant respectivement de 36 à 58 sièges et de 42 à 54), mais qui est compensée par un recul des eurosceptiques du CRE (77 à 59) rétrogradés de la 3e à la 5e place.
Au Royaume-Uni, le succès du Parti du Brexit a sans doute précipité la démission de Theresa May puisque les électeurs britanniques ont été amenés à se prononcer jeudi. En cas de Brexit et de "no deal", les 73 sièges des députés seront redistribués.
La Gauche unitaire européenne à laquelle est affiliée La France insoumise n’obtient pour sa part que 38 sièges contre 52 auparavant.

Réunion informelle mardi soir

Voilà pour les forces en présence. A présent, les grandes manœuvres vont commencer pour tenter de constituer une majorité. Les députés devront aussi élire leur nouveau président pour succéder à l'Italien Antonio Tajani (PPE).  En parallèle, dès mardi soir un conseil informel va réunir à Bruxelles les chefs d'Etat et de gouvernement pour commencer à choisir les nouveaux dirigeants des institutions européennes : Commission, Banque centrale européenne, président du Conseil européen, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères. Qui succédera au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, à l’italien Mario Draghi ? Au polonais Donald Tusk ? A l’italienne Federica Mogherini ? Les pronostics vont bon train. Malgré sa demi-défaite, la liste de la majorité Renaissance (LREM/Modem) s’estime en position de force au plan européen. "La future majorité au Parlement européen passera par nous, incontestablement. Il n'y en a pas sans nous", a ainsi affirmé sur France Inter Pascal Canfin, numéro deux de la liste. Le président Français qui s’est fortement impliqué dans cette campagne et qui avait fait de "la refondation de l’Europe" l’une des priorités de son quinquennat entend jouer les arbitres. Il multiplie les discussions pour tenter de constituer une majorité "progressiste".  Rappelons toutefois que l’Allemagne aura 96 sièges, la France 74. Et que le PPE demeure la première formation.

Une nouvelle Commission

Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker laissera son siège le 31 octobre après six années marquées notamment par la crise migratoire. Chaque grand parti doit présenter son "spitzenkandidat" pour ce poste. Au moins six candidats sont en lice. Ceux qui ont le plus de  chances de l’emporter sont l'Allemand Manfred Weber (pour le PPE) ou le Néerlandais Frans Timmermans, actuel vice-président de la Commission, pour le PSE. On parle aussi pour l’ALDE de la Danoise Margrethe Vestager (actuelle commissaire à la Concurrence) ou de l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. Emmanuel Macron a jusqu’ici soutenu la candidature de Michel Barnier, deux fois commissaire, actuel négociateur pour l’UE sur le Brexit, et candidat malheureux de 2014 face à Jean-Claude Juncker… 
Depuis le traité de Lisbonne, le président de la Commission est "élu" par le Parlement européen sur proposition du Conseil. Une fois élu, il devra proposer la répartition des différents portefeuilles des commissaires entre les 27 candidats présentés par les Etats membres. Chacun d’entre eux devra au préalable être auditionné par le Parlement. Il arrive qu’ils soient écartés, en cas de conflits d’intérêts par exemple.

Les 74 députés français

Si la Commission a le monopole de la proposition des nouveaux textes, le pouvoir législatif du Parlement européen est partagé avec le Conseil. Le Parlement a un rôle clé dans le vote du budget pluriannuel qui englobe les crédits de la Politique agricole commune et de la politique de cohésion. Ces élections sont intervenues en pleine négociation sur le budget 2020-2027 à partir des propositions mises sur la table par la Commission en mai 2018. L'enjeu est à présent de parvenir à un accord rapide pour espérer démarrer en 2020.
On notera que sur les 74 députés français dans l'hémicycle, 17 sont des députés sortants dont 6 du Rassemblement national et 5 de LR. Le site Contexte a mis en ligne un trombinoscope avec une fiche pour chacun d'eux. Certains ont été très présents dans la mandature passée. C’est le cas de Michèle Rivasi, 2e sur la liste EELV. "Je continuerai à batailler contre les lobbies qui nous empoisonnent, le nucléaire, la malbouffe, les pesticides... Je me battrai avec l'ensemble des écologistes pour la santé, la transparence démocratique et scientifique. Pour une autre Europe : celle des communs, celle de  demain", a-t-elle déclaré dans un communiqué mardi. Le socaliste Eric Andrieu s’est lui aussi mobilisé lors de la précédente mandature sur la Politique agricole commune ou les perturbateurs endocriniens. Elu "meilleur député européen" en 2018 par le magazine du Parlement européen, le Réunionnais Younous Omarjee (LFI) s'est fortement impliqué dans la politique régionale, en particulier pour les régions ultrapériphériques. Parmi les nouveaux venus, on notera dans les rangs du RN la présence de l’essayiste Hervé Juvin, président de l’Observatoire Eurogroup et auteur de plusieurs ouvrages visant à concilier souverainisme et écologie.

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis