Elisabeth Borne fournit un agenda touffu pour les mois à venir

Emploi, formation, industrie, énergie et environnement, transports, logement, ruralité, éducation, services publics, sécurité... La feuille de route pour les "100 jours à venir" (et au-delà, jusqu'en 2024) présentée ce 26 avril par Elisabeth Borne compile l'ensemble des chantiers que le gouvernement entend privilégier, souvent avec des précisions en termes de calendrier. Certains sont d'ordre législatif, d'autres pas. Et certains font écho aux discussions qui doivent être engagées avec les collectivités dans le cadre de l'Agenda territorial.

Une déclaration de politique générale bis ? L'allocution d'Elisabeth Borne devant la presse ce mercredi 26 avril à l'Elysée à l'issue du conseil des ministres en avait un peu l'allure. Quelques instants auparavant à Matignon, son entourage en détaillait le contenu et diffusait un document d'une trentaine de pages (à télécharger ci-dessous) présentant la "feuille de route" du gouvernement pour les mois à venir, sur les pas des "100 jours" – soit jusqu'au 14 juillet – esquissés par Emmanuel Macron… tout en se projetant au-delà, jusqu'en 2024. "Les 100 jours ne sont pas une durée totem", mais l'idée est bien qu'"il faut qu'on accélère, avec des résultats concrets", dit-on à Matignon. La Première ministre a elle-même insisté là-dessus : il s'agit, dans les trois prochains mois, d'"accélérer la mise en œuvre des engagements du président de la République", en veillant à ce que "chaque mesure", "chaque décision", vienne "régler un problème, améliorer le quotidien". Le tout autour de quatre "priorités" : emploi et réindustrialisation, transition écologique, "nouveaux progrès" et services publics, "ordre républicain" et "engagement".

Le programme de travail est d'abord un agenda parlementaire, qui sera "extrêmement chargé" : industrie verte, justice, France Travail, régulation numérique… sans compter les textes (projets de loi ou propositions de loi) déjà engagés. Mais sans, pour l'heure, l'immigration. Ceci dans la mesure où le projet de loi immigration déjà présenté au Sénat, que le gouvernement voulait "équilibré", n'aura pas l'appui de LR pour réunir une majorité. "Par ailleurs, ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays", a ajouté Elisabeth Borne. Certaines mesures "techniques" liées aux "procédures" en matière d'immigration, qui ont déjà fait l'objet d'un "travail transpartisan", pourraient en revanche donner lieu à un projet de loi dédié "à l'automne".

La feuille de route comprend aussi une part de réglementaire. Ainsi que des mesures n'ayant à passer ni par le Parlement ni par le Journal officiel, dont celles "laissées à la discussion avec les partenaires sociaux et les élus locaux". Matignon a d'ailleurs évoqué l'Agenda territorial qui avait donné lieu le 12 avril à une rencontre entre la cheffe du gouvernement et neuf associations d'élus locaux (voir notre article). "Avec les élus locaux, nous bâtissons, en commun, des agendas territoriaux. Je souhaite donner aux territoires plus de marges de manœuvre pour adapter les règles nationales aux réalités locales. La différenciation et l’adaptation sont des clés pour notre réussite", a déclaré Elisabeth Borne ce mercredi. Le document précise en outre que "la réunion de la conférence des exécutifs locaux sera le cadre commun pour suivre le déploiement de l’ensemble de l’Agenda territorial formalisé avec les collectivités", sous la forme de "rencontres trimestrielles avec les ministres concernés et les neuf associations d’élus".

  • EMPLOI

- Le projet de loi transposant l’accord entre les partenaires sociaux visant à étendre à toutes les entreprises de plus de 11 salariés (et non plus 50) l’obligation de proposer un dispositif de "partage de la valeur" sera présenté d'ici cet été.

- Le gouvernement compte discuter avec ces mêmes partenaires sociaux d'un "agenda social" pour élaborer d'ici le 14 juillet un "pacte de la vie au travail" qui abordera entre autres certains des aspects écartés de la réforme des retraites : emploi des séniors, usure professionnelle, reconversions…

- Le projet de loi "plein emploi" sera présenté début juin. Il faut en réalité comprendre "projet de loi France Travail". Le texte sera en effet centré là-dessus, Elisabeth Borne a décrit France Travail comme "un service public de l’emploi plus efficace, au niveau national comme territorial, avec une gouvernance partagée entre l’État, les collectivités et les partenaires sociaux". Et, "avec les départements", l'objectif d'"inciter à la reprise d’activité les personnes les plus éloignées de l’emploi, comme les bénéficiaires du RSA". Les autres "sujets" qui auraient dû figurer dans ce projet de loi plein emploi seront, donc, travaillés avec les partenaires sociaux et devraient donner lieu à un autre texte "travail" d'ici début 2024. Voir à plusieurs textes.

  • FORMATION

La feuille de route liste entre autres :

- La réforme des lycées professionnels (dès la prochaine rentrée scolaire).

La "transformation" de la carte des formations professionnelles.

La poursuite du plan d'investissement dans les compétences (PIC) "avec un nouveau cycle de contractualisation avec les régions à compter de 2024".

  • REINDUSTRIALISATION

- Le projet de loi industrie verte sera présenté en conseil des ministres à la mi-mai et débattu au Parlement cet été.

- Les feuilles de route de la décarbonation des grandes filières industrielles et des "50 sites les plus émetteurs" devront avoir été finalisées d'ici juin et "déclinées par territoire".

- Un Conseil national de l'industrie se réunira en juin, notamment, pour valider la stratégie hydrogène.

- "Je ne comprends pas pourquoi on tarde à relancer Territoires d'industrie, cela fait presque deux ans qu'on devrait le relancer et il ne se passe rien !", déclarait il y a quelques jours à Localtis le président d'Intercommunalités de France, Sébastien Martin. Le gouvernement a aujourd'hui bien inscrit dans sa feuille de route sa volonté de "relancer" ce programme pour "intégrer de nouvelles priorités (transition écologique, sobriété foncière, innovation, médicaments) et l’adapter à de nouvelles politiques, comme France 2030".

- Pour 2024, le gouvernement met au programme l'application de la loi industrie verte… et confirme, si besoin était, que la réforme de la CVAE, autrement dit la suppression de ce qu'il en reste, sera bien menée à son terme. Il insiste à ce titre sur le fait qu'il sera tenu compte de la "dynamique" de la TVA prévue en compensation, ceci "à travers un fonds national d’attractivité économique des territoires". Et que les critères possibles de répartition "seront concertés avec les associations d’élus et arrêtés en amont du prochain projet de loi de finances".

  • ENERGIE / ENVIRONNEMENT

- Les textes d'application de la loi Energies renouvelables devront être publiés dans les six mois.

- Le parcours du projet de loi Nucléaire doit bientôt s'achever (commission mixte paritaire début mai).

- Dans le cadre du dispositif "Mon accompagnateur Rénov", la labellisation des professionnels se fera à partir de mai via l'Anah.

- La proposition de loi sénatoriale sur la prévention des incendies arrivera à l'Assemblée à la mi-mai.

- "Au cours du mois de juin, nous présenterons une vision d’ensemble de notre action, avec : un projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, c’est-à-dire notre stratégie énergétique pour les prochaines années ; un projet de stratégie nationale bas-carbone, c’est-à-dire notre stratégie de réduction des gaz à effet de serre ; et un projet de stratégie nationale biodiversité", a indiqué Elisabeth Borne.
Et c'est dans un deuxième temps, à l'automne, que sera présenté le projet de loi de programmation énergie-climat, celui-ci impliquant des "échanges avec nos territoires et les filières économiques". "C'est avec les collectivités que nous voulons travailler pour adapter les leviers à la réalité de chaque bassin de vie (…), pour simplifier les procédures et débloquer les financements", a-t-elle aussi déclaré.

- Le "travail spécifique avec les collectivités" portera notamment sur les budgets verts et la pérennisation du fonds vert ("dont les modalités restent à définir").

  • TRANSPORTS

- Les mandats du volet transport des Contrats de plan Etat-régions (CPER) seront adressés aux préfets d'ici fin avril pour être négociés sous trois mois.

- La "trajectoire d'investissement" sera annoncée "cet été", suite aux discussions menées avec les collectivités dans le cadre de l'Agenda territorial.

- Un Comité interministériel du vélo sera organisé en mai.

- La proposition de loi élargissant les missions de la Société du Grand Paris pour accélérer le déploiement des "services express métropolitains" est mentionnée, sans précision de calendrier.

  • AMENAGEMENT

- Une circulaire est attendue dans les prochains jours pour lancer la révision des "documents stratégiques de façade".

- ZAN : le gouvernement réaffirme simplement sa volonté de trouver "d'ici l'été" un "meilleur dispositif de territorialisation".

  • SANTE

En matière de santé, la feuille de route reprend pour l'essentiel les objectifs déjà énoncés par Emmanuel Macron et évoqués lors des CNR territoriaux : coopération entre professionnels, délégation de tâches, médecin traitant pour tous les patients en affection longue durée (ALD), attractivité de l'hôpital, création de nouvelles places d'infirmières, prévention… Au niveau législatif, le gouvernement se réfère à la proposition de loi Valletoux "relative à la santé et aux territoires".

  • GRAND AGE

- Le gouvernement se réfère uniquement à la proposition de loi "Bien vieillir" dont l'examen à l'Assemblée nationale a été interrompu le 14 avril (voir notre article) et que beaucoup jugent insuffisante malgré les enrichissements apportés. Donc toujours pas de "grande" loi Grand Age en vue.

- S'agissant de l'adaptation des logements aux seniors, on saura qu'une plate-forme unique d'information sur les aides existantes ouvrira en septembre et que "Ma Prime’adapt" sera lancée en 2024.

  • SOCIAL

Sont notamment listés : la déconjugalisation de l'AAH qui sera effective en octobre prochain, le Pacte des solidarités, la lutte contre le non-recours avec "le début du renseignement automatique des demandes de RSA et prime d’activité à l’été 2024 avant déploiement janvier 2025". Est par ailleurs évoqué, pour 2024, le déploiement de la "garantie d'accueil du jeune enfant".

  • LOGEMENT

- "Finalisation des négociations avec les bailleurs sociaux sur le 'pacte de confiance HLM' avant le prochain congrès HLM d’octobre 2023".

- Amélioration de l'offre : "travail avec les collectivités locales à l’augmentation du nombre de logements en zone tendue et à la baisse des coûts du foncier et des coûts de la construction" ; mobilisation de la Caisse des Dépôts "pour racheter des logements neufs qui peinent à trouver des acquéreurs" ; amélioration de l’accès au crédit.

  • VILLE / RURALITE

Le lancement du plan "Quartiers 2030" et la tenue d'un comité interministériel des villes (CIV) en juin sont confirmés, tout comme la présentation du plan France Ruralités "au printemps". Il est au passage indiqué que "l'État apportera un soutien renouvelé au maintien, à l’entretien et au développement des aménités rurales et qu'un "nouveau programme d’ingénierie" en faveur des communes rurales est prévu.

  • EDUCATION

Au-delà des mesures ou des objectifs centrés sur le corps enseignant et la pédagogie (rémunération, remplacement des absences, soutien scolaire…), on saura notamment que :

- Le "plan mixité" sera comme prévu présenté le 11 mai.

- Un "acte II de l’école inclusive" a été annoncé ce 26 avril en clôture de la Conférence nationale du handicap (conférence sur laquelle Localtis reviendra dans sa prochaine édition).

- La part collective du Pass Culture sera élargie aux élèves de 6e et 5e.

  • SERVICES PUBLICS

- Un Comité interministériel de la transformation publique se réunira en mai.

- France Services : leur nombre sera porté à 2.750 à la fin de l’année 2023, "la liste des services publics partenaires élargie et les conseillers France Services mieux valorisés". L'enjeu de la qualité et d'une "meilleure articulation des réseaux territoriaux des acteurs publics de l’État et de la sécurité sociale" devra être poursuivi en 2024.

- La feuille de route affiche un objectif central : "rendre les services publics accessibles sous toutes les formes", notamment au niveau de l’accueil téléphonique et de l’articulation entre les accueils physiques et en ligne.

  • NUMERIQUE

- Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique sera présenté début mai.

- Une "stratégie gouvernementale" renforcée en matière d'intelligence artificielle interviendra "avant l'été".

- "Généraliser progressivement l’identité numérique régalienne".

  • SECURITE

- "Nous allons continuer la montée en puissance des moyens de nos forces de l’ordre, ouvrir 200 nouvelles brigades de gendarmerie, et déployer une 'force d’action républicaine', avec des moyens exceptionnels dans un territoire pour une période donnée", a résumé Elisabeth Borne.

- La sécurité civile est aussi mentionnée, avec un renforcement des capacités des Sdis, la création d'une nouvelle unité militaire de sécurité civile dans le Sud-Ouest ou encore le lancement d'un "plan de mobilisation civile".

 

Téléchargements

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis