Les élus locaux reçus à Matignon pour engager l'Agenda territorial

Élisabeth Borne a reçu ce 12 avril à Matignon les représentants de neuf associations d'élus locaux. Cet échange avait notamment pour objectif de lancer l'Agenda territorial, ce programme de travail commun gouvernement-collectivités, qui englobera trois volets :  institutions, finances, cohésion territoriale. Avec dans l'immédiat une attention particulière portée aux ruralités et aux quartiers politique de la ville. Côté planification écologique, il a été confirmé que le fonds vert sera reconduit après 2023. On saura aussi qu'il n'y aura pas de retour des "contrats de Cahors".

Dans le contexte post réforme des retraites, Élisabeth Borne reçoit et consulte beaucoup pour "proposer au président de la République un programme de gouvernement et un nouvel agenda parlementaire". Ce mercredi 12 avril, c'était au tour des associations d'élus locaux. Neuf d'entre elles* avaient été conviées à Matignon pour une réunion de deux heures. Le rendez-vous se voulait "politique". L'idée étant d'avancer avec elles sur un certain nombre de sujets qui viendraient nourrir cette nouvelle phase du travail gouvernemental. Le tout en présence des ministres Christophe Béchu, Dominique Faure et Olivier Klein.

Il a logiquement été question de l'"Agenda territorial", ce cadre de concertation et de "coconstruction" que la Première ministre avait évoqué dès juillet dernier lors de sa déclaration de politique générale mais dont on parle encore au futur. Ce planning de travail commun "donnera la visibilité et la clarté indispensables pour favoriser la mobilisation commune de l’État et des collectivités face aux attentes des Français", assure Matignon dans un communiqué diffusé à l'issue de la rencontre. Parmi les élus présents, Gil Avérous, le président de Villes de France, dit avoir "salué (…) le lancement de l’Agenda territorial qui permettra de travailler ensemble sur de nombreux sujets comme le statut de l’élu, la transition écologique, les mobilités, l’évolution de la dotation globale de fonctionnement ou la décentralisation du logement". Le maire de Châteauroux appelle toutefois à "une meilleure lisibilité et organisation des différentes réunions de concertation qui se tiennent en ce moment pour qu’elles soient opérationnelles". On se souvient notamment qu'il y a à peine un mois, Emmanuel Macron avait lui aussi invité les associations d'élus pour évoquer avec elles le volet territorial de la réforme des institutions, sachant que "deux à trois" autres réunions sur le sujet sont prévues à l'Élysée d'ici cet été (voir notre article du 14 mars).

France Ruralités et Quartiers 2030, ZRR et QPV 

Au titre de l'Agenda territorial, deux thématiques auraient été particulièrement mises en avant ce mercredi, rapporte Matignon. Tout d'abord, la situation des élus locaux eux-mêmes avec, d'une part, la "valorisation" de leur engagement – à l'heure où l'on évoque de plus en plus de démissions d'élus – et, d'autre part, l'enjeu des violences dont ils font de plus en plus souvent l'objet (voir notre article). Deuxième thématique, beaucoup plus large : comment "garantir l’égalité des chances dans tous les territoires".

Derrière cet enjeu de "justice territoriale", Élisabeth Borne avait prévu d'aborder deux dossiers particuliers : les ruralités et les quartiers politique de la ville. Dans les deux cas, des "plans" ont été promis et sont attendus avec une certaine impatience. France Ruralités et Quartiers 2030. La Première ministre a confirmé ce jour qu'ils seraient tous deux présentés "d'ici l'été". Et que côté politique de la ville, un Comité interministériel (CIV) se tiendra bien en juin (les élus de Ville et Banlieue notamment commençaient à s'impatienter - voir notre article du 30 mars). En outre, la révision des zonages zones de revitalisation rurale (ZRR) et quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sera bien "engagée au printemps en vue de son adoption législative d’ici la fin d’année".

Michel Fournier, le président de l'Association des maires ruraux (AMRF), estime toutefois que le plan France Ruralités, qui "a pris du retard", reste encore flou. La réunion à Matignon lui a en tout cas permis de rappeler quelques-unes des demandes des élus ruraux : la prise en compte des aménités rurales dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (Christophe Béchu se montrerait plutôt ouvert à cette idée), des tours de table État-région-départements pour financer les projets, la mise en place d'un programme "Villages d'avenir"… Quant aux ZRR, l'AMRF continue de plaider pour "la maille communale", comme vient de nouveau de le faire un rapport du sénateur Rémy Pointereau (voir notre article).

Selon nos informations, le plan France Ruralités pourrait en fait inclure trois "niveaux" : une cinquantaine de mesures (donc plus ou moins dans le même esprit que l'Agenda rural), la réforme des ZRR et un dispositif de soutien à l’ingénierie pour les villages les plus fragiles. Les arbitrages budgétaires seraient en cours.

Agenda territorial :  institutions, finances, cohésion

Mais l'Agenda territorial va évidemment au-delà de ces sujets liés à des territoires spécifiques. Le gouvernement entend visiblement en faire le cadre transversal de ses discussions avec les représentants des collectivités. Élisabeth Borne et Christophe Béchu en ont dressé les grandes lignes ce mercredi. Trois volets seraient à l'ordre du jour : institutions, finances, cohésion territoriale.

En parallèle des discussions avec le président de la République sur la décentralisation, les associations d'élus locaux auront donc bien des échanges avec le gouvernement en matière institutionnelle. Avec un menu très hétéroclite, puisque seront abordés en vrac : "le statut de l'élu", "les parrainages" des candidats à l'élection présidentielle, le fonctionnement de l'État déconcentré, les lieux de concertation entre l'État et les collectivités (comité des finances locales, conseil national d'évaluation des normes…), les communes nouvelles et le fonctionnement des intercommunalités. Christophe Béchu n'a pas précisé quelles sont les intentions de l'exécutif sur ce dernier point, mais aurait glissé qu'il n'est pas question de laisser à penser que les intercommunalités "ne fonctionnent pas", indique Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France, qui représentait l'association lors de la réunion.

En matière de finances, la revue des dépenses publiques que le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncée au début de l'année, occupera une place prépondérante. Un cycle de trois rencontres entre les représentants de Bercy et ceux des associations d'élus locaux débutera dès ce 14 avril. Des Assises des finances publiques se tiendront dans la foulée, "avant l'été", avait indiqué, fin mars, Bruno Le Maire. "Notre objectif, c'est que dès le projet de loi de finances pour 2024, nous puissions afficher plusieurs milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques", avait-il dit lors de son audition par des députés. Une "refonte des critères" de la dotation globale de fonctionnement (DGF), jugée actuellement injuste, serait aussi au programme, selon l'un des participants de la réunion. Qui relève qu'à la question de "l'indexation de la DGF" soulevée par l'Association des maires de France, la réponse du gouvernement "n'a pas été très satisfaisante".

Selon plusieurs sources, l'exécutif aurait aussi exclu l'éventualité d'établir un "nouveau contrat de Cahors". La menace du retour de ce dispositif destiné à maîtriser les dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités, en particulier dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques, inquiète on le sait les associations d'élus locaux. Johanna Rolland, la présidente de France urbaine, a salué cette annonce, ayant redit "sa totale opposition à toute tentative de contractualisation" financière de ce type. Le président de Départements de France, François Sauvadet, a lui aussi insisté sur ce point et, alertant sur "la fragilité des dépenses départementales", a jugé nécessaire de "réfléchir au financement des investissements liés aux transitions énergétiques et climatiques et à la résorption de la fracture territoriale", en cessant de "laisser croire que cela peut se faire à périmètre constant".

Sur le volet cohésion territoriale, on retiendra notamment l'intention du gouvernement d'avancer sur la décentralisation de l'habitat, avec un programme que Intercommunalités de France qualifie d'"ambitieux".

Le fonds vert pérennisé

La planification écologique était également au programme. Le contrat de relance et de transition écologique (CRTE) mis en place en 2021 "est le bon endroit pour sa mise en œuvre", aurait indiqué la Première ministre. Ce dont se félicite le président délégué d'Intercommunalités de France, lequel a insisté pour que le soutien assuré par l'État dans ce cadre ait un caractère pluriannuel.

"La réussite de la planification écologique se jouera avec les collectivités territoriales, responsables d’une part essentielle de la mise en œuvre des grands chantiers du plan France Nation verte", souligne Matignon. En sachant qu'Élisabeth Borne a confirmé "la pérennisation du fonds vert au-delà de la seule année 2023", ce qu'elle avait déjà plus ou moins laissé entendre le 3 avril en présentant les 150 premiers "lauréats" de ce fonds (voir notre article).

Véritable feuille de route, donc, des discussions de l'exécutif avec les associations d'élus locaux, l'Agenda territorial va à présent être décliné au cours de nombreuses réunions jusqu'à la fin du printemps 2024. Ainsi, entre quatre et six réunions sont prévues sur le volet institutionnel. Selon Michel Fournier, des réunions avec Élisabeth Borne devraient avoir lieu "chaque premier jeudi du mois".

À la veille d'une énième journée de grèves et de manifestations, cette première réunion avait aussi pour objectif d'entendre les élus sur ce qu'ils perçoivent du terrain, sur "l’état du pays", les doutes qui s'expriment et les priorités qu'ils identifient : pouvoir d’achat, santé, transports, éducation… Le président de Villes de France a par exemple aussi évoqué "la fragilité du commerce de cœur de ville" et "l’accès aux services publics" parfois mis à mal par la dématérialisation. Son homologue de l'AMRF a particulièrement mis l'accent sur l'accès aux soins, soulignant la nécessité de "mesures coercitives". "La France a besoin d’être apaisée, elle a besoin de cohésion sociale et territoriale", a pour sa part déclaré Johanna Rolland, mettant en avant le fait que la transition écologique ne doit pas être menée au détriment de la justice sociale. Et la maire de Nantes de poursuivre : "Les zones à faibles émissions (ZFE) en sont un exemple emblématique et France urbaine sera vigilante, bien qu’elle soutienne la démarche, à ce qu’elles ne deviennent pas des zones à forte exclusion". Des annonces du gouvernement sur le sujet sont attendues en juin prochain.

"Nous avons eu un échange très large avec un vrai tour d'horizon", a résumé Christophe Béchu devant la presse. De leur côté, les élus ont semblé globalement satisfaits de la teneur et de la tonalité de ce rendez-vous. "Une réunion constructive et constructrice", a ainsi jugé Renaud Muselier, le président délégué de Régions de France, qui plaide pour "un pacte de gouvernement État-territoires".  Selon lui, sur plusieurs des sujets évoqués, il sera possible d'avancer "par la réglementation plus que par la loi", laissant ainsi entendre que l'exécutif pourrait, avec les collectivités, privilégier les réformes ne nécessitant pas de passage par le Parlement. Michel Fournier a lui aussi perçu ce souhait de "se passer de lois". On se souvient que lors de son interview télévisée du 22 mars (voir notre article), Emmanuel Macron avait estimé que l'on passait "trop par la loi".

Six associations d'élus étaient représentées par leurs présidents respectifs : l'Assemblée des départements de France (François Sauvadet), France urbaine (Johanna Rolland), l’Association des petites villes de France (Christophe Bouillon), Ville et Banlieue (Gilles Leproust), Villes de France (Gil Avérous), l’Association des maires ruraux de France (Michel Fournier). L'Association des maires de France l'était par sa secrétaire générale, Murielle Fabre, Régions de France par son président délégué, Renaud Muselier, et Intercommunalités de France par son président délégué, Sébastien Miossec.

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis