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Emplois aidés : le parcours emploi compétences jugé insuffisamment attractif pour les collectivités

Dans un rapport sur les contrats aidés, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale estime que les employeurs publics locaux ne devraient pas se ruer sur le nouveau dispositif des parcours emploi compétences (PEC) destiné à permettre l'insertion professionnelle des publics en difficulté. L'instance dresse par ailleurs un bilan positif des contrats aidés en vigueur ces dernières années et de leur utilisation par les collectivités.

Le parcours emploi compétences (PEC) lancé en janvier dernier par le gouvernement dans le but de favoriser l'insertion professionnelle de publics en difficulté "est dissuasif pour les collectivités territoriales", estime le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) dans un rapport sur "l’impact des contrats aidés sur le fonctionnement et l’organisation des services des collectivités territoriales". Avec des "critères très sélectifs", le dispositif qui se substitue aux CUI-CAE, CUI-CIE et emplois d’avenir "est trop complexe et contraignant pour les petites collectivités", affirme l'instance dans ce rapport, qui a obtenu, lors de la séance plénière du 28 novembre, un vote favorable à une large majorité (pour tout savoir sur cette séance, lire notre article dédié).
Selon le Conseil supérieur, le PEC est aussi "trop coûteux pour l’ensemble des employeurs territoriaux". Le montant de l'aide accordée par l'Etat aux employeurs ne serait pas assez attractif : il va de 30% à 60% du Smic brut, contre un taux de prise en charge qui pouvait grimper à 95% pour les CUI et 75% pour les emplois d'avenir. En outre, aucun financement n’est aujourd'hui prévu pour les collectivités territoriales sur le volet formation des bénéficiaires du PEC. Le financement pose d'autant plus question que l'Etat se montre "exigent" en matière d'encadrement et de formation des bénéficiaires, pointe le CSFPT.
Ce dernier déplore aussi que le PEC s'adresse à "des publics plus restreints", aux "difficultés d'insertion très affirmées" et "plus éloignés de l'emploi" que les bénéficiaires visés par les précédentes formes de contrats aidés. Par "manque de compétence", les "petites et moyennes collectivités" ne seraient pas en capacité d'accueillir ces personnes.

Pas d'"effet d'aubaine"

La décision qu'a prise le gouvernement, à l'été 2017, de réorienter la politique des contrats aidés, n'est fondée sur aucune évaluation, regrette le CSFPT. Or, une trentaine d'employeurs territoriaux ayant répondu à un questionnaire de l'instance ont tiré "un bilan positif" de la mise en œuvre de ces dispositifs. Les responsables de ces collectivités territoriales partagent le sentiment qu'ils ont aidé les personnes concernées à retourner vers un emploi ou une formation qualifiante ou certifiante. Selon le CSFPT, "la majorité" des employeurs publics territoriaux ont ainsi "joué le jeu", en mettant en place "des organisations efficaces pour accompagner les publics concernés, dans une double démarche de lutte contre le chômage sur leur territoire et d’insertion des jeunes dans la vie professionnelle". En particulier, les collectivités ont "très majoritairement" respecté l'obligation de former les personnes en emploi aidé. Le CSFPT observe au passage que les collectivités ayant le plus recouru aux emplois aidés, proportionnellement à leurs effectifs, se situent dans les territoires où le taux de chômage était le plus élevé (DOM-TOM, Hauts-de-France).
Autre point positif dans ce bilan : les contrats aidés ont joué "un rôle de soutien social et solidaire". Les bénéficiaires de ces contrats ont, en effet, été principalement employés "au contact des publics les plus vulnérables et les plus dépendants" (enfants, adolescents, personnes âgées).
La critique entendue en 2017, selon laquelle les contrats aidés auraient été "une aubaine" pour les collectivités, n'est pas fondée, estime le CSFPT. Dans l'ensemble, "peu" d'organismes du secteur public local auraient eu recours de manière massive aux emplois aidés ou "ont prolongé ces contrats par un nombre significatif de recrutements sur des emplois permanents".

Remise en cause des contrats aidés : des services déstabilisés

La décision de l'Etat de réduire drastiquement le nombre des emplois aidés (de 494.000 au premier trimestre 2017 à 214.000 un an plus tard) a affecté le fonctionnement de nombreux services et établissements locaux. Ont été en particulier touchés : l’accueil des personnes dépendantes, les services scolaires et périscolaires et ceux de l’entretien des espaces publics. "On constate également l’abandon de la réponse à l’émergence de nouveaux besoins (…) notamment dans les territoires ruraux", indique le CSFPT. Les contraintes budgétaires ne permettent pas toujours aux collectivités territoriales de remplacer les emplois aidés dont les contrats se sont achevés. Lorsqu'elles le peuvent, elles font souvent appel à des agents contractuels.
Pour améliorer "le système actuel", le CSFPT suggère notamment de supprimer les critères d’âge, pour l’accès aux contrats aidés et d'aménager le volet formation (hors dispositifs d'alternance), ou encore de mieux reconnaître le temps effectué par les contrats aidés au moment du recrutement par la collectivité.
Parmi les 7 membres du CSFPT qui se sont prononcés contre le rapport, les représentants de Force ouvrière ont regretté que certaines propositions du rapport tendent à "normaliser les contrats aidés".

En 2017, la réduction des contrats aidés aurait provoqué 77.000 suppressions d'emploi

Le nombre de personnes en contrat aidé a diminué de 140.000 en 2017, ce qui aurait provoqué 77.000 suppressions d'emploi et 55.000 inscriptions à Pôle emploi, selon une estimation de la direction des statistiques du ministère du Travail (Dares) publiée le 29 novembre.
Fin 2017, les effectifs de contrats aidés - contrats uniques d'insertion (CUI) et emplois d'avenir - avaient diminué de 35% et atteignaient 260.900 personnes contre 401.000 fin 2016. Selon la Dares, "les variations du nombre de contrats aidés ont des impacts à court terme sur l'emploi" car "selon les dispositifs, une part plus ou moins importante des embauches n'aurait pas eu lieu sans l'aide de l'État". Dans le secteur non marchand, qui représente près de 90% des contrats aidés, "on suppose que le seul frein au recrutement est la contrainte financière. L'impact de la baisse des coûts est donc maximal: un contrat pris en charge à 70% induira la création de 0,7 emploi à court terme", explique l'auteure de l'étude, Lisa Mourlot. Sur la base de ces hypothèses, la diminution du nombre de bénéficiaires "aurait entraîné une baisse de l'emploi de 77.000 et une hausse du nombre de demandeurs d'emploi de 55 000 en 2017", estime-t-elle.
En 2017, 293.200 contrats aidés ont débuté - recrutements initiaux et reconductions - et ont concerné des demandeurs d'emploi de longue durée, des personnes de 50 ans ou plus, des bénéficiaires de minima sociaux ou des jeunes peu qualifiés (25%). La part des recrutements dans les quartiers prioritaires de la ville est de 14%. La diminution des contrats aidés, voulue par la nouvelle majorité arrivée au pouvoir en 2017, s'est poursuivie en 2018. Selon le gouvernement, au maximum 150.000 auront été mis en place cette année (sur 200.000 budgétés). Pour 2019, environ 130.000 parcours emploi compétences (PEC, nouvelle version des contrats aidés) ont été budgétés, dont 30.000 pour l'Education nationale.
AFP