Finances locales - Emprunts toxiques des collectivités : le gouvernement ne tendra pas la main une seconde fois
Bercy vient de faire savoir que le fonds de soutien de 3 milliards d'euros mis en place pour aider les collectivités territoriales en prise avec les emprunts toxiques ne sera pas réouvert.
C'est discrètement que le gouvernement vient d'annoncer qu'il ne réouvrira pas le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts toxiques. "La réouverture du fonds, fermé depuis le 30 avril 2015 selon les termes de la loi, n’est pas envisageable", a écrit le ministère de l'Economie et des Finances en réponse à la question d'un sénateur. Une telle décision "serait de nature à introduire une rupture d’égalité entre les collectivités bénéficiaires du dispositif par le passé, celles qui souhaiteraient le solliciter aujourd’hui et potentiellement celles qui sont sorties d’emprunts à risque sans bénéficier de l’aide du fonds de soutien", explique Bercy dans ce texte publié au Journal officiel du Sénat du 4 janvier dernier. "Ce risque de rupture d’égalité emporterait des conséquences contentieuses et financières non maîtrisables, qui pourraient se révéler préjudiciables à l’ensemble des parties prenantes", poursuit-il. En faisant valoir aussi que "la réouverture du fonds génèrerait une situation d’aléa moral en conduisant à favoriser in fine des collectivités qui ont mis en risque le succès de l’ensemble du dispositif en choisissant la voie contentieuse."
C'est donc un "non" catégorique de la part d'un exécutif, qui a pourtant envisagé, dans un premier temps, d'entrebâiller la porte. Le 2 octobre dernier, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, et la ministre auprès du ministre de l'Intérieur, Jacqueline Gourault, avaient en effet signé un communiqué commun, dans lequel ils dévoilaient la décision du gouvernement d'ouvrir une session de rattrapage pour "les collectivités issues de fusion". Ils précisaient au passage que, dans ce cadre, la collectivité territoriale unique de Corse [ndlr : résultat de la fusion au 1er janvier 2018 des deux départements et de la collectivité territoriale de Corse] serait "naturellement éligible" au fonds.
Dans les semaines suivantes, le gouvernement a fait preuve de plus de prudence, affirmant examiner "les conditions de réouverture du fonds de soutien aux collectivités territoriales au regard des risques juridiques identifiés". "A ce stade, aucune décision n’a été prise", déclarait Jacqueline Gourault le 22 novembre au Sénat.
10 à 20 collectivités dans une situation d'impasse
Bercy rappelle que "676 collectivités éligibles" ont déposé une demande d’aide au fonds de soutien avant la date limite de dépôt des dossiers "fixée par la loi au 30 avril 2015", et que que parmi elles, "578 ont effectivement accepté l’aide proposée". Ces collectivités ont bénéficié d'une prise en charge, à hauteur de plus de 50 % en moyenne, de l'indemnité de remboursement anticipé réclamée par la banque, permettant de transformer les prêts structurés en prêts à taux fixe. Au total, le fonds a permis la désensibilisation de "4,5 milliards d'euros d’encours d’emprunts à risque". Un bilan que Bercy qualifie de "véritable succès".
Les collectivités ayant choisi de ne pas déposer de dossier auprès du fonds de soutien, seraient, elles, en nombre limité. Dans une interview qu'il a accordée en mars dernier à Localtis, Maurice Vincent, ancien président de l'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques en a recensé entre 100 et 150. Ces collectivités ont notamment refusé de renoncer aux actions contentieuses qu'elles ont engagées contre les établissements de crédit, comme l'exigeait Bercy pour le bénéfice du fonds. Toutes ne connaissent pas le même degré de difficultés du fait des emprunts structurés risqués. Selon l'ex-maire de Saint-Etienne, seulement "dix à vingt" collectivités seraient dans une situation financière très tendue. Pour elles, la réouverture du fonds de soutien aurait été probablement une bouée de sauvetage.
Référence : question écrite n° 01963 de Mathieu Darnaud publiée dans le JO Sénat du 16 novembre 2017 ; réponse du ministère de l'Economie et des Finances publiée dans le JO Sénat du 4 janvier 2018.