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Social - En panne de moyens, les associations restent circonspectes

Confronté à des gels budgétaires successifs et à la fin des emplois-jeunes, le monde associatif accueille diversement l'annonce gouvernementale d'une rallonge de 100 millions d'euros en faveur des associations. La CPCA insiste notamment sur la nécessité de disposer d'emplois pérennes et qualifiés.

"Aujourd'hui les 14.000 associations subventionnées par l'Etat constituent un formidable réservoir d'idées et d'initiatives. En matière d'insertion, de soutien scolaire, d'accueil des populations étrangères, d'accès à la culture et au sport, elles sont le complément indispensable à l'action de l'Etat. Or les aides dont elles bénéficient ont diminué ces dernières années : nous voyons aujourd'hui qu'il faut inverser cette tendance. J'ai donc décidé de renforcer les moyens dont disposent les associations en débloquant 100 millions d'euros supplémentaires pour elles en 2006." Ce diagnostic et cette annonce, formulés par Dominique de Villepin le 8 novembre à l'Assemblée nationale lors de sa déclaration sur "la situation créée par les violences urbaines", n'ont pas manqué d'être relevés par les milieux associatifs. Lesquels espèrent qu'il ne s'agit pas d'un simple "effet d'annonce" et continuent d'insister sur leurs difficultés récurrentes en termes de moyens humains et financiers.
Ainsi, la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), qui regroupe 16 coordinations associatives, soit près de 400.000 associations, dit accueillir "favorablement" le "changement opéré dans la prise en considération du rôle positif joué par les associations pour la cohésion sociale". Mais considère que cette annonce de rallonge financière, "si importante et attendue soit-elle, n'est qu'un élément de la réponse" qu'elle attend du gouvernement.


En attendant la Conférence nationale de la vie associative

"Si rien ne change, l'année 2006 s'annonce sous de mauvais auspices avec la fin accélérée des emplois-jeunes et les gels budgétaires attendus", poursuit la CPCA, qui demande à être associée "à la concertation sur la politique gouvernementale en faveur des quartiers et de la politique de la ville". Autres exigences : que la Conférence nationale de la vie associative, promise pour "le dernier trimestre 2005", soit effectivement convoquée dans un cadre interministériel et s'appuie bien sur les propositions déjà formulées par trois groupes de travail ; qu'une table ronde de l'emploi dans les associations soit organisée pour "examiner la mise en oeuvre et la cohérence des politiques publiques en matière d'emploi aidé".
"Les mesures annoncées par Dominique de Villepin ? C'est l'inventaire de Prévert alors que nous avons avant tout besoin de continuité", a pour sa part réagi Nicole Maestracci, présidente de la Fnars, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, qui regroupe 750 associations, 2.200 établissements et 12.000 travailleurs sociaux. "On attendait 12 millions en septembre pour les centres d'hébergement d'urgence pour pouvoir simplement fonctionner, mais nous n'en avons obtenu que 6 dans le budget 2006. Quant aux 50 millions promis au moment des incendies de cet été, nous ne savons pas où ils sont budgétisés", témoigne-t-elle, en parlant de "trois années perdues."


Quand les associations disparaissent

Jean-Marie Petitclerc, responsable de l'association Le Valdocco, à Argenteuil dans le Val-d'Oise (travail de rue auprès des adolescents, aide à la réussite scolaire, écoute et accompagnement des parents?) se "réjouit" toutefois des annonces du Premier ministre : "Cela faisait trois ans que l'on coupait de 20% par an les crédits du FIV (Fonds interministériel pour la ville). Dans l'urgence et pour le court terme en tout cas, c'est une très bonne chose."
"Reconnaître que des subventions avaient été supprimées et vouloir les rétablir, c'est bien, mais quand les associations ont disparu, ce ne sera pas si simple de rétablir le tissu social", regrette toutefois Pierre Henry, directeur de France Terre d'asile. Ainsi, pour Sadia Sahali, qui dirigeait depuis 1991 l'association des jeunes de Sartrouville (Yvelines), centrée sur l'insertion des Rmistes, les annonces du gouvernement "arrivent trop tard" : son association est "en liquidation judiciaire à la suite du non-renouvellement des subventions".
Autre exemple : l'Association pour la fondation étudiante pour la ville (Afev), centrée sur le soutien scolaire et présente dans nombre de quartiers dits sensibles, doit, comme d'autres, faire face à l'extinction des emplois-jeunes : "On essaie de trouver de nouvelles formes de financement. On discute avec les collectivités locales, mais elles sont elles-mêmes dans une situation de tension financière", explique Christophe Paris, son directeur, qui a malgré tout décidé de garder la plupart de ses 50 salariés (sur 75 au total) embauchés en emplois-jeunes.


Besoin "de qualifications, d'expérience"

Du côté du ministère de la Cohésion sociale, on rappelle que les subventions auparavant attribuées par le ministère de la Ville ont été déléguées localement "pour plus de rapidité" ? et on fait valoir que les communes les plus pauvres voient leurs moyens accrus via la dotation de solidarité urbaine, qui augmente de 220 millions d'euros chaque année.
Dans le cadre du plan de cohésion sociale, les associations sont par ailleurs invitées à embaucher 45.000 personnes en contrat aidé d'ici fin 2005. Mais "les nouveaux contrats concernent soit des gens qui sont au RMI, qui n'ont pas travaillé depuis très longtemps, ou qui ont d'importantes difficultés d'insertion professionnelle", souligne Christophe Boyer, chargé de mission à la CPCA. Or pour leurs missions, insiste-t-il, les associations ont besoin "de qualifications, d'expérience".
A ce titre, la CPCA a justement présenté le 7 novembre une plateforme de propositions devant permettre de "développer des emplois associatifs de qualité pour remplir ses missions de cohésion sociale" dans les quartiers difficiles ou auprès des personnes fragiles. Rappelant que les associations emploient 1,6 million de personnes, soit 900.000 équivalents temps plein, elle insiste entre autres sur la nécessité de généraliser les conventions pluriannuelles d'objectifs. Elle souhaite aussi que des concertations soient organisées au niveau régional entre associations et représentants de l'Etat, du service public de l'emploi et des collectivités. Car si la CPCA salue "l'engagement de nombreuses collectivités locales, notamment les conseils régionaux avec les programmes d'emplois tremplins", elle constate que "la multiplicité d'acteurs, dont certains apprécient mal les enjeux associatifs, crée à tous les échelons une confusion."


C.M., avec AFP
 

 

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