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Engagement et proximité : le Sénat campe sur ses positions sur le transfert des compétences eau et assainissement

L'examen du projet de loi  Engagement et proximité - dont l’article 5 aménage un dispositif de délégation de la compétence eau et assainissement des EPCI - fournit une nouvelle occasion au Sénat de rompre avec la logique du transfert obligatoire promue par la loi Notr. 

 

Sans surprise, le Sénat, qui poursuivait ce 10 octobre l’examen en première lecture du projet de loi Engagement et proximité, a retoqué l’aménagement proposé par le gouvernement des modalités de prise de compétence eau et  assainissement par l’intercommunalité prévue par la loi Notr de 2015, par le biais d'un mécanisme de délégation. Avec l'adoption de l'article 5 du projet de loi, communautés de communes ou d'agglomération pourraient déléguer tout ou partie des compétences eau et assainissement à l'une des communes membres dans le cadre d’un mécanisme conventionnel. Sur le rapport de Mathieu Darnaud (LR) et Françoise Gatel (UC), la commission des lois a toutefois rejeté la main tendue par le ministre des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, préférant suivre la position constante du Sénat sur le sujet, en supprimant purement et simplement le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement à l’intercommunalité. "Pour des raisons de massification de l'investissement, je persiste à penser que l'échelle intercommunale n'est pas une mauvaise échelle pour l'eau, même si le ‘tout ou rien’ est trop rigide", s’est défendu en séance le ministre pour plaider en faveur de la rédaction initiale du texte, assurant également que  "le CIF [coefficient d’intégration fiscale] ne sera pas impacté car l'intercommunalité reste propriétaire de la compétence et délègue ce qu'elle veut, tarifs, investissements, gestion, où elle veut". "La qualité du service public de l'eau est-elle satisfaisante dans notre pays ? La réponse est non, notamment en ce qui concerne l'eau claire. Nous perdons un litre sur quatre dans des fuites", a-t-il encore argumenté, faisant valoir qu’avec le changement climatique "les besoins d'interconnexion et de solidarité vont aller croissant". 

"Épopée législative"

Cet énième assouplissement "bienvenu mais insuffisant" n’a pas emporté la conviction des sénateurs qui ont acté en séance la rupture avec la logique du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement à l’intercommunalité. Et pour cause le débat n’a fait que raviver les souvenirs d’une "épopée législative", dont le dernier acte s’est joué avec l’adoption de la loi Ferrand-Fesneau le 3 août 2018. À cette occasion, le Sénat avait déjà tenté, sans obtenir gain de cause, de dévier de la trajectoire du transfert obligatoire, mais n’avait obtenu qu’un report transitoire (fixé à 2026) et réservé aux seules communautés de communes ayant actionné le mécanisme de minorité de blocage proposé. Une solution de "repli" d’autant plus mal perçue, qu’elle faisait suite au camouflet infligé par le renvoi en commission, en octobre 2017, d’une proposition de loi LR votée par le Sénat. Un épisode rappelé en séance par le corapporteur, Mathieu Darnaud. "Le 23 février 2017, nous avions voté à l'unanimité moins une abstention le caractère facultatif de la compétence eau et assainissement. Cette compétence a un caractère tout à fait singulier. (…) Notre constance n'est pas une posture ; le caractère facultatif est profondément moderne car plus que toute autre, la compétence eau doit s'adapter aux problématiques territoriales", a-t-il insisté. Le groupe PS a pour sa part proposé de faire un pas de côté, en maintenant la trajectoire issue de la loi du 3 août 2018, tout en aménageant "des délais" pour sa mise en oeuvre.  

Tarification sociale

Repoussé en commission, l’amendement du président de la commission du développement durable, Hervé Maurey - retravaillé avec les services de l’Etat -  visant à prévoir le transfert concomitant à l’EPCI du solde de trésorerie du service d’eau ou d’assainissement, en fonction de l’état des réseaux transférés a finalement été adopté. "Lorsqu'il y a transfert de la compétence eau à l'EPCI, il doit y avoir transfert de l'excédent. Cela s'entend lorsque l'état du réseau est satisfaisant, pas quand il nécessite des travaux", s’est-il expliqué. Le texte prévoit ainsi que lorsque le schéma de distribution d’eau potable fait apparaître un taux de perte en eau supérieur à un taux fixé par décret, le solde de trésorerie est transféré pour réaliser des travaux. Le Sénat a par ailleurs donné une base légale à la tarification sociale de l’eau pour les plus démunis. Pour rappel, la loi Brottes de 2013 en a prévu l’expérimentation - et la loi de finances pour 2019 sa prolongation- , avant que le Premier ministre, Édouard Philippe, n’en annonce la généralisation, notamment à travers le "chèque eau" sur le modèle du chèque énergie, pour toutes les collectivités volontaires lors des conclusions du premier volet des Assises de l'eau le 29 août 2018. "Il est apparu que beaucoup de communes, de CCAS, de syndicats et d'intercommunalités qui exercent la compétence de l'eau ont mis en place des dispositifs sociaux de toute nature tels que des chèques Eau, ou des tarifs préférentiels. Il manque cependant une base légale à ces initiatives", a reconnu Sébastien Lecornu en soutien à son amendement identique à celui des socialistes. 

 

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