Épandages agricoles et Covid-19 : pas de carence de l'État mais une vigilance à renforcer, estime le Conseil d'État

Le Conseil d’État a rejeté, ce 20 avril, la requête de l’association Respire qui appelait la juridiction administrative à enjoindre à l’État de prendre des mesures de réduction des épandages agricoles jusqu'à la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Un contexte qui devra néanmoins conduire à "une vigilance particulière" pour prévenir les épisodes de pics de pollution atmosphérique.  

L’Association nationale pour la préservation et l’amélioration de la qualité de l’air ("Respire") avait déposé, il y a une dizaine de jours, un référé-liberté demandant des mesures contre la pollution de l’air d’origine agricole par les particules PM10 ET PM2,5, s’appuyant, avec son avocate Corinne Lepage, sur les nombreuses études scientifiques démontrant un lien étroit avec le développement et l’aggravation des maladies respiratoires et notamment du Covid-19. Des éléments encore trop incertains, qui faute d’avoir convaincu le Conseil d'État de la corrélation entre la pollution et la virulence de l’épidémie de Covid-19, l'ont conduit a rejeter la requête par une ordonnance rendue ce 20 avril. "Les études récentes montrent que la pollution de l’air peut aggraver l’épidémie en-dessous des seuils légaux de pollution, et en particulier quand les niveaux de PM2.5 augmentent, ce qui n’est, pour l’instant pas pris en compte par la réglementation. (…) il est normal qu’il reste des incertitudes à propos d’un virus dont personne ne connaissait l’existence il y a seulement quelques mois", réagit Respire dans un communiqué. 

Un dispositif déjà effectif

L’association dédiée à la lutte contre la pollution de l’air demandait à la Haute Juridiction, après avoir constaté la carence de l’État, d’enjoindre aux autorités, pendant toute la durée de la pandémie, de prendre des mesures de réduction des effets nocifs des épandages agricoles (lisiers, engrais) générateurs d’ammoniac, notamment par la généralisation du dispositif prévu en cas de pics de pollution par l’arrêté du 7 avril 2016. Un dispositif dont l’effectivité n’est pas en cause, estime le Conseil d’État. Selon un document produit par le ministère de la Transition écologique, "du 25 septembre 2017 au 15 avril 2020, 237 arrêtés préfectoraux mettant en place des mesures prévues dans le cadre d’un dépassement des seuils de pollution ont été pris, dont 227 comportaient des mesures relatives aux pratiques agricoles". Des chiffres contestés par Respire, qui remarque, que pour les données dont elle dispose "les mesures préfectorales agricoles concernent l’écobuage, c’est-à-dire le brûlage des déchets agricoles, ce qui n’a rien à voir". 

Une vigilance particulière en période d’épandage

Alors que le confinement et la baisse de l’activité économique ont entraîné une baisse historique d’une partie de la pollution atmosphérique, en particulier les dioxydes d’azote (Nox) - principalement dus au trafic routier et aux industries -, la variation est moins nette, selon les régions, concernant les particules fines liées aux activités agricoles, notamment les épandages. "Au cours de la période du 15 mars au 14 avril 2020, il a été relevé un total de 18 dépassements du seuil d’information et de recommandation pour les particules PM10, (…) répartis sur 9 régions (4 dépassements dans les Hauts-de-France et en Normandie, 2 dépassements en Bretagne, en Corse et en Guyane, 1 dépassement en Bourgogne-Franche-Comté, en Nouvelle-Aquitaine et en Ile-de-France) mais aucun dépassement du seuil d’alerte, contrairement à ce qui avait pu être observé pendant la même période au cours de l’année 2019 (…)", relève le Conseil d’État. La juridiction suprême invite toutefois l'administration à  "faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire en veillant à ce que soit pris, au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils, notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes, l’activité agricole demeurant, en raison de la très forte diminution des pollutions liées à l’industrie et aux transports, la principale source d’origine humaine d’émission de particules PM10 et PM2,5 avec celle provenant du secteur résidentiel, à plus forte raison dans la période actuelle d’épandage".  

 

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