Erosion côtière : les principaux scénarios du Cerema sur la table

Destinés à être versés au prochain Plan national d’adaptation au changement climatique, les rapports d’étude réalisés par le Cerema ainsi que les cartes nationales de projection du recul du trait de côte à échéance 2028 et aux horizons 2050 et 2100 ont été dévoilés ce 5 avril sur le portail Géolittoral. 

Afin danticiper les impacts de l’évolution du littoral et didentifier les actions pour sy adapter, le Cerema a réalisé un inventaire des biens menacés par le recul du trait de côte à cinq ans et aux horizons 2050 et 2100, à l’échelle de lhexagone et des départements et régions d’outre-mer (Drom). Ce travail de projections et de cartographies nationales des zones basses du littoral, effectué à la demande du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, est disponible en ligne sur le site Géolittoral depuis ce 5 avril. Il a vocation à appuyer les réflexions en cours du Comité national du trait de côte (CNTC), réuni une nouvelle fois ce 4 avril, notamment dans la perspective du troisième Plan national dadaptation au changement climatique (PNACC 3). Les résultats des inventaires nationaux du Cerema ont en outre déjà permis dalimenter le rapport inter-inspections IGEDD-IGA sur lenjeu du financement des conséquences du recul du trait de côte (voir notre article du 21 mars 2024). "Aujourdhui les scénarios, données et cartes dont nous disposons grâce au Cerema sont révélateurs dune nécessaire anticipation", a réagi, par communiqué, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. Une réflexion doit en particulier être menée "pour mesurer et organiser dès à présent la solidarité nationale afin danticiper collectivement des effets potentiellement déstabilisant du changement climatique sur nos littoraux", relève-t-il. Le gouvernement vient dailleurs tout juste de rendre public un rapport visant à adapter le système assurantiel français à l’évolution des risques climatiques (voir notre article du 2 avril 2024).

Dici à 2050 des impacts encore relativement modérés

Près de 20% des côtes sont actuellement en recul, soit environ 900 km. Ce phénomène d’érosion nest pas nouveau (l’équivalent en surface de 4.200 terrains de foot sur les cinquante dernières années), et sera fortement amplifié à lavenir par l’élévation du niveau marin et la fréquence des tempêtes. Environ mille biens de toutes sortes sont exposés au recul du trait de côte à très court terme dici cinq ans - dont un tiers comportent des logements -, réle l’étude du Cerema. La valeur vénale des bâtiments identifiés, principalement résidentiels (300) et commerciaux (190), est estimée à 240 millions d'euros. Cest un scénario "maximaliste" (fourchette haute) : sil ne signifie pas que tous les bâtiments partiront à la mer, ces bâtiments sont proches de zones en recul ou instables, et potentiellement exposés à un "recul énementiel" marqué lors de tempêtes, d’éboulements, etc., explique Sébastien Dupray, Directeur de la direction Risques Eaux Mer au Cerema.

La Banque des Territoires s'engage pour l'adaptation au changement climatique du littoral

 

À lhorizon 2050, 5.200 logements (dont 2.000 résidences secondaires) et 1.400 locaux dactivité pourraient être affectés, représentant une valeur totale de 1,2 milliard deuros. Et environ 200 coupures du réseau routier structurant se feront également jour. Le scénario étudié à horizon de 30 ans, qualifié de "vraisemblable", repose sur la poursuite tendancielle du recul du trait de côte et le maintien en place et lentretien de tous les ouvrages de protection du littoral.

En 2100, le scénario du pire "si rien nest fait"

Le scénario pour 2100 présente à linverse les possibles conséquences de linaction face aux effets du changement climatique : disparition complète des structures de défense côtière et ennoiement progressif de toutes les zones topographiquement basses du littoral (selon lestimation haute du Giec dune hausse de 1m du niveau des mers et des océans). En labsence douvrages, autrement dit "si rien nest fait" par les pouvoirs publics, Etat et collectivités, ce sont 450.000 logements pour une valeur vénale de 86 milliards deuros, 55.000 locaux dactivités pour une valeur vénale de 8 milliards deuros, 10.000 bâtiments publics, 1.800 km de routes et 240 km de voies ferrées qui pourraient être impactés. Le nombre très élevé d'enjeux identifiés à horizon 2100 invite donc "à une réflexion globale à l'échelle de grands territoires" (supra-communale). Car la cartographie permet de constater que "ladaptation nest pas quun sujet de réaction au recul du trait de côte, mais un enjeu daménagement des territoires littoraux, et pas seulement de la petite bande, de la petite frange qui s’érode sous leffet des vagues et des tempêtes", remarque Sébastien Dupray. "Cest un scénario qui invite à agir sans attendre pour éviter ces déts."

Bientôt 316 communes volontaires

Quelque 500 communes affectées par ce phénomène sont déjà "identifiées", avec lesquelles le gouvernement travaille à des "plans sur mesure", a indiqué Christophe Béchu au JT de TF1 le 4 avril à la veille de la remise des rapports du Cerema. "Il y a une mobilisation importante dans les territoires littoraux sur ces questions dadaptation au changement climatique", confirme Sébastien Dupray. Le Cerema et le BRGM, qui accompagnent les collectivités dans la réalisation de leur cartographie locale du recul du trait de côte, ny sont sans doute pas étrangers. Ce sont ainsi 242 communes volontaires qui ont déjà intégré les listes fixées par décrets (n° 2022-750 du 29 avril 2022 et n° 2023-698 du 31 juillet 2023) en application de la loi Climat et Résilience pour adapter leur action en matière d'urbanisme et de politique daménagement au recul du trait de côte. Et 75- communes supplémentaires ayant délibéré pour leur inscription pourraient bientôt les rejoindre (voir notre article du 5 avril 2024), portant le total à 316 communes (en ôtant la commune de Marseillan qui a demandé son retrait). Ce dispositif, qui sera matérialisé par des cartes locales de projection du recul du trait de côte aux horizons de 30 ans et 30-100 ans, doit emporter de nouvelles dispositions durbanisme. Les résultats de l'étude nationale pilotée par le Cerema "ne reposent pas sur une connaissance fine de mécanismes locaux d’érosion côtière" et "nont donc pas à se substituer" aux cartes locales dexposition au recul du trait de côte actuellement élaborées par de nombreuses collectivités en application de la loi Climat et Résilience, précise lopérateur.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis