Archives

Elysée - Et maintenant ?

Un projet de loi de décentralisation avant la fin de l'année, la suppression du conseiller territorial, un haut conseil des territoires, des blocs de compétences clarifiés, un ministère de l'égalité territoriale... Retour sur les principales composantes du dessein présidentiel de François Hollande sur le terrain des collectivités locales. Y compris en matière d'environnement, de logement ou de transports.

"J'engagerai une nouvelle étape de la décentralisation en associant les élus locaux. Je ferai voter une loi sur le renforcement de la démocratie et des libertés locales. Elle prévoira notamment l'abrogation du conseiller territorial et la clarification des compétences. Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l'Etat et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel. Je réformerai la fiscalité locale en donnant plus d'autonomie aux communes, aux départements et aux régions, en contrepartie d'une plus grande responsabilité. Une véritable péréquation sera mise en oeuvre." Tel est, in extenso, le 54e engagement figurant dans le document "Mes 60 engagements pour la France" sur lequel s'est appuyé, tout au long de sa campagne, le nouveau président de la République élu ce 6 mai. Et sur lequel les élus locaux et autres responsables territoriaux peuvent donc en principe à leur tour s'appuyer s'ils veulent se faire une idée de la ligne esquissée pour les mois à venir dans le champ des collectivités.
Les intentions de François Hollande sur ce terrain ont été détaillées début mars lors de son meeting de Dijon sur "la France des territoires". Les réponses apportées aux questions formulées pendant la campagne par les différentes associations d'élus, dont l'Association des maires de France, l'Assemblée des communautés de France et la Fédération des villes moyennes, apportent elles aussi des précisions intéressantes (avec, toutefois, une limite inhérente à l'exercice lui-même : le caractère précis des questions et attentes formulées par ces associations ont de facto conduit les candidats à se prononcer sur des sujets ne faisant pas forcément partie de leurs priorités…).
A Dijon, François Hollande avait principalement fait savoir qu'il présenterait au Parlement "avant la fin de l'année" un texte de loi sur "les territoires de la République", d'ores et déjà intitulé "Responsabilité et confiance". En allusion à la loi Raffarin "relative aux libertés et responsabilités locales" ? Ce texte viendra définir "les bases du pacte de confiance et de solidarité entre l'Etat et les territoires". Et devrait prévoir un haut conseil des territoires – une instance de concertation entre Etat et collectivités dont la création est effectivement réclamée depuis longtemps par les élus (entre autres par Martin Malvy en tant que président de l'Association des petites villes, justement début mars).
Si le nouveau chef de l'Etat a évoqué la nécessité d'"accepter notre diversité territoriale", les éternels objectifs de "clarté" et de "lisibilité" restent d'actualité. Des blocs de compétences sont visiblement déjà envisagés. "Aux régions le développement économique, l'aménagement du territoire, les transports publics, la formation, bref, la préparation de l'avenir", "aux départements le rôle d'assurer et de renforcer les solidarités sociales et territoriales". Le vocable porté depuis plusieurs années par l'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France semble avoir laissé des traces… Cette "clarté" devra également s'appliquer aux relations entre l'Etat et les collectivités.
S'agissant du bloc local, au-delà d'items généraux sur l'importance tant des communes que de l'"intercommunalité" ou sur la nécessité d'un "statut métropolitain simple et attractif", on retiendra entre autres que François Hollande souhaite l'élection des conseils communautaires "au suffrage universel en même temps que les conseils municipaux".
En termes d'élections, au saura par ailleurs que la suppression du conseiller territorial s'accompagnera d'un retour au mode de scrutin jusqu'ici en vigueur pour les conseils régionaux, mais aussi de la mise en place d'un "nouveau mode de scrutin" pour les conseillers généraux.
Et parce que parler d'élections, c'est aussi parler de cumul des mandats, on sait que sur ce point, le propos est clair : "Je ferai voter dès les débuts du prochain quinquennat la fin du cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction d'exécutif local."
Sur le terrain financier, une réforme de la fiscalité locale est annoncée, sans que son contenu soit pour l'heure très défini. Seul un principe a été réaffirmé, celui de l'autonomie fiscale : "L'impôt local est un élément de l'autonomie des communes, des départements qui en sont maintenant privés ou presque, et des régions à qui l'on a ôté toute fiscalité", avait déclaré François Hollande. Lequel entend également, donc, renforcer la péréquation, tant verticale qu'horizontale, et "garantir le niveau des dotations de l'Etat aux collectivités locales".
Le discours de Dijon avait également été l'occasion, en évoquant les finances des départements, de rappeler l'engagement d'une relance de la réforme de la dépendance. Une réforme qui "exigera de recourir à des recettes nouvelles" avec pour "option" privilégiée le fait de s'appuyer sur "la solidarité nationale". François Hollande a, à d'autres occasions, laissé entendre que cette solidarité pourrait prendre la forme d'une part de CSG, d'une cotisation sociale spécifique ou d'un impôt sur les successions.
La lutte contre la "ségrégation spatiale" a été tracée comme un autre axe structurant, qu'il s'agisse des territoires ruraux ou de la politique de la ville. Pour les premiers, l'accent a, entre autres, été mis sur les TIC ("organiser avec les collectivités locales et l'industrie la couverture intégrale de la France en très haut débit d'ici à dix ans") et sur la désertification médicale ("Je fixerai un délai maximum d'une demi-heure pour accéder aux soins d'urgence"). Pour les seconds, François Hollande a notamment évoqué, par exemple lors d'un déplacement à Strasbourg à la mi-mars, non seulement le lancement d'une "nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain", mais aussi l'élaboration d'un "pacte national pour l'égalité territoriale" et la création d'un "ministère de l'égalité territoriale". Reste à savoir si le périmètre de ce ministère se limitera à celui des territoires prioritaires au titre de la politique de la ville ou bien s'étendra à toutes les questions d'aménagement du territoire – voire pilotera, en lieu et place du traditionnel ministère délégué dépendant de l'Intérieur, la prochaine réforme de la décentralisation.

Environnement
"Je veux faire de la France la nation de l'excellence environnementale", a proclamé François Hollande dans son programme présidentiel. Il faut donc d'abord s'attendre à l'amorce d'un virage énergétique. Le président élu a promis d'engager "la réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75% à 50% à l'horizon 2025 en garantissant la sûreté maximale des installations et en poursuivant la modernisation de notre industrie nucléaire". François Hollande s'est prononcé pour la fermeture durant son quinquennat d'une seule centrale nucléaire, celle de Fessenheim (Haut-Rhin), doyenne du parc hexagonal. Il a aussi assuré qu'il achèverait la construction de l'EPR de Flamanville (Manche). Ce réacteur de troisième génération, censé entrer en service en 2016, développera une puissance quasiment équivalente à celle de la centrale alsacienne.
Si la part du nucléaire sera donc peu ou prou maintenue dans les cinq ans qui viennent, François Hollande s'engage à favoriser "la montée en puissance des énergies renouvelables en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur". Selon la feuille de route de la première année du quinquennat, présentée le 4 avril dernier, un débat national sur la transition énergétique, préalable à une loi de programmation, sera lancé entre le 3 juillet et le 2 août, dates prévues pour la session extraordinaire du Parlement. Le "plan massif" de rénovation thermique des logements figurant dans le programme présidentiel sera alors discuté. Il doit permettre à "un million de logements par an de bénéficier d'une isolation thermique de qualité", a assuré François Hollande. Seront ainsi créés selon lui "des dizaines de milliers d'emplois" et "les économies de chauffage qui en découleront redonneront du pouvoir d'achat aux ménages". Le nouveau président de la République s'est aussi engagé à "faire sortir de la précarité énergétique huit millions de Français" en faisant adopter "une nouvelle tarification progressive de l'eau, de l'électricité et du gaz afin de garantir l'accès de tous à ces biens essentiels et d'inciter à une consommation responsable". Une mesure plus visible a été promise pendant ses cent premiers jours à l'Elysée : le blocage des prix des carburants pendant trois mois. Un décret permettant d'appliquer cette mesure est attendu d'ici au 29 juin 2012. Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait expliqué que pendant ce gel, la fiscalité des carburants serait révisée, "à commencer par une réintroduction de la TIPP flottante", dans le but de "restituer aux consommateurs ce que l'Etat perçoit en recettes supplémentaires" en cas de flambée du brut. La taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante varie en effet à l'inverse des cours des produits pétroliers, permettant d'amortir les variations des prix à la pompe.

Transports
"Je relancerai la politique des transports pour lutter contre la fracture territoriale qui exclut une partie des habitants de l'accès aux emplois et aux services publics", a promis le président élu. "Ma priorité sera d'apporter, tant en Ile-de-France que dans les autres régions, une réponse à la qualité de service des trains du quotidien et à la desserte des territoires enclavés, ainsi qu'au développement des plateformes multimodales", a-t-il souligné dans son programme. Dans sa réponse au questionnaire que lui avait adressé le laboratoire d'idées spécialisé TDIE (transports, développement, intermodalité, environnement), en vue d'un grand débat sur les transports qui s'est tenu le 6 mars dernier, François Hollande a aussi affirmé vouloir lancer un troisième appel à projets de transports en commun en site propre (TCSP) pour atteindre l'objectif de 1.500 km de TCSP à l'horizon 2020. En matière de gouvernance, il a affirmé vouloir faire des autorités organisatrices de transports (AOT) "de véritables autorités organisatrices des mobilités durables compétentes sur toutes les composantes de la mobilité" et "renforcer les régions dans leurs missions d'AOT en ferroviaire et de coordination de l'offre de transport à l'échelle régionale", en les dotant d'"une ressource dédiée aux transports régionaux". Il a aussi assuré qu'il souhaitait "aller vers la mise en place d'une tarification des transports publics sociale et plus équitable" avec "l'instauration pour les autorités organisatrices de transport urbain de plus de 100.000 habitants, d'une tarification basée sur le quotient familial".

Logement et aménagement
"Je veux faire construire plus de logements", a promis François Hollande dans son programme présidentiel. Il propose d'abord, "dans les zones où les prix sont excessifs", un encadrement par la loi des montants des loyers lors de la première location ou à la relocation et veut mettre en place pour les jeunes un dispositif de caution solidaire. Il s'est engagé sur un objectif de construction de 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, dont 150.000 logements très sociaux" en cinq ans, grâce au doublement du plafond du livret A. Il entend renforcer la loi SRU, "en multipliant par cinq les sanctions qui pèsent sur les communes refusant d'accueillir les ménages aux revenus modestes et moyens". Le président élu veut aussi porter à 25% les exigences en matière de construction de logements sociaux et favoriser la mixité sociale en imposant une "règle des trois tiers bâtis : un tiers de logements sociaux locatifs à loyer modéré, un tiers de logements en accession sociale, un tiers de logements libres". Il s'engage aussi à mettre "gratuitement à disposition des collectivités locales les terrains de l'Etat qui sont disponibles pour leur permettre de construire de nouveaux logements dans un délai de cinq ans".

Europe : l'influence des régions
Au delà de la crise et de la renégociation du pacte de stabilité, de nombreux chantiers européens attendent le nouveau président, à commencer par les discussions en cours sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC) et sur celui de la politique de cohésion après 2013. Dans un contexte d'austérité budgétaire, la France avait jusqu'ici montré sa préférence pour le maintien à l'euro près de la PAC, quitte à sacrifier une part de la politique régionale. Mais le poids des vingt et une régions socialistes risque de changer la donne. Déjà dans son discours de Dijon, François Hollande s'est montré favorable à l'une de leurs vieilles revendications : la gestion régionale des fonds structurels (comme c'est déjà le cas en Alsace), en lieu et place des préfectures. Il devra se prononcer clairement sur l'idée de créer une nouvelle catégorie de régions intermédiaires. Jusqu'ici, la France s'est montrée très prudente. Il pourrait également répondre favorablement à la demande du Comité des régions d'impliquer davantage les conseils régionaux dans l'attribution des aides de la PAC.

Industrie
Comme son prédécesseur, François Hollande veut faire de la réindustrialisation sa priorité. Mais à la différence de Nicolas Sarkozy, il souhaite que celle-ci passe par la décentralisation. Et pour cause, le président de l'Association des régions de France (ARF), Alain Rousset, porte-parole de François Hollande pendant la campagne, est l'inspirateur de son "pacte productif". La politique industrielle de la France pourrait être confiée à un haut commissariat à l'intelligence économique mais elle serait relayée par les régions appelées à devenir les "animateurs [sic] du développement économique".
La dynamique de cette politique passera par la création d'une banque publique d'investissement née du rapprochement entre la Caisse des Dépôts, Oséo et le fonds stratégique d'investissement. Si ses contours restent flous, ce qui devrait la différencier de la toute nouvelle banque de l'industrie, c'est sa gestion décentralisée. A noter que devant les représentants du Cner (Fédération des comités d'expansion et des agences de développement économique), Alain Rousset s'est récemment montré très critique vis-à-vis du grand emprunt, le comparant à une "pêche aux carrelets". Il semble que l'idée d'un nouvel emprunt ne soit pas à l'ordre du jour...

 

Téléchargements

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis