Le Conseil des élus du Pays basque, une structure à mi-chemin entre association et collectivité

Le Conseil des élus du Pays basque est un organe original de représentation du territoire, dont l'influence, depuis sa création, n'a cessé de s'étendre. Il négocie aujourd'hui d'égal à égal avec les institutions publiques à tous les échelons. Sa mission ? Porter un projet commun pour le territoire.

En septembre 1992, Christian Sapède, alors sous-préfet de Bayonne, réunit à Saint-Palais cent-vingt personnalités du Pays basque pour réfléchir à l'avenir de leur territoire. Cette initiative partait d'un constat amer : les principaux acteurs des sphères politiques, économiques et culturelles du pays ne se rencontrent pas, ou si peu. Il leur propose alors de se rassembler autour d'un projet commun qu'il baptisera "Notre vision du Pays basque en 2010". Cette première manifestation mènera à la réalisation d'un diagnostic complet des besoins et des potentialités de ce singulier pays. Six scénarios de développement sont rédigés. Et, pour que cette démarche ne se perde pas dans des océans de bonnes intentions, deux instances sont créées : le Conseil de développement en juillet 1994, le Conseil des élus du Pays basque un an plus tard. En 1996, les élus réunis dans ce nouvel organe associatif demandent au Conseil de développement d'élaborer un schéma d'aménagement et de développement sur la base d'un des scénarios. Celui nommé Lurraldea est choisi. Après un an de travail, un projet est soumis aux élus qui arrêtent 94 opérations qui en découlent.
Dès 1997 commence une phase de négociation avec les institutions pour contractualiser le schéma. Validé la même année par le comité interministériel d'aménagement du territoire, il obtient le sceau officiel de l'Etat en 2000 : cinq opérations sont alors inscrites au contrat plan Etat-région pour un montant de 79,3 millions d'euros.

Une convention spécifique

Quelques mois après cette première victoire, une autre étape est franchie. L'Etat, la région Aquitaine, le département des Pyrénées-Atlantiques, la communauté urbaine de Bayonne-Anglet-Biarritz (BAB) et le Conseil des élus signent la convention spécifique du Pays basque, prenant en compte soixante-dix opérations, pour un montant de 400 millions d'euros. "Le champ de ce texte est plus vaste que le schéma d'aménagement car il touche à des secteurs aussi variés que la pêche, les relations transfrontalières ou la langue", souligne Mirentxu Saint-Martin, responsable au Conseil des élus.
"C'est une convention unique en son genre", précise-t-on au sein de cette association. Une affirmation qui s'appuie sur trois facteurs. Tout d'abord, c'est la première fois en France qu'un document est signé entre des collectivités et un territoire représenté par une association d'élus. Ensuite, la convention tient à l'inclusion d'un volet linguistique soutenu par une politique publique d'ampleur dans ce domaine. Dernière nouveauté : l'Etat et les collectivités signataires, qui sont les payeurs, demandent au Conseil des élus, une association, d'animer la mise en oeuvre de la convention. "Le tout créé avec une remarquable économie de moyens, note Alain Lamassoure, président de l'association depuis 2001. Il s'agit plutôt d'une mise en réseau que de la multiplication des bureaucraties spécifiques."

Rôles et fonctionnement des conseils

Depuis 2001, le Conseil de développement poursuit sa mission de réflexion, de prospective et d'évaluation. Composé de représentants des sphères économiques, sociales et culturelles, il se veut un laboratoire d'idées, un lieu de débat. "Le Conseil des élus, lui, ne réunit que des élus", explique Alain Lamassoure. Tous les échelons y sont représentés (sénateurs, députés, élus régionaux, départementaux...). Ce qui tend à expliquer, selon Mirentxu Saint-Martin, "les excellentes relations entre le Conseil des élus et les institutions régionales ou départementales". Comptant aujourd'hui 79 membres, il s'organise en fonction de ses missions. Pour mener à bien sa première tâche - l'animation de la convention spécifique - le Conseil des élus s'appuie sur les recommandations de commissions techniques. Celles-ci sont ensuite validées par un comité de pilotage, organe politique composé d'un nombre restreint d'élus. Sa deuxième mission est relative à l'application du programme européen Leader+ destiné au développement des TIC. Désigné groupe d'action locale (GAL) par Bruxelles, le Conseil des élus a mis en place un comité de programmation réunissant des représentants des sphères publique et privée. Enfin, depuis la préparation de l'acte II de la décentralisation, le Conseil des élus s'est engagé dans un processus de concertation avec le gouvernement. Les débats internes sur ce thème ont lieu au sein du conseil d'administration de l'association.


Kattalin Landaburu / Verbe online pour Localtis

 

 "Le développement des relations transfrontalières est un aspect important de notre travail"


 

Alain Lamassoure est député européen et président du Conseil des élus du Pays basque.

Pourquoi les Basques avaient-ils besoin d'une représentativité propre ?

Parce que le précédent gouvernement avait souhaité faire bénéficier le Pays basque d'un contrat de plan Etat-région plus particulier, à l'intérieur du contrat de plan Etat-région. C'est ainsi qu'est née la convention spécifique du Pays basque. Nous avons ensuite négocié avec le gouvernement pour que ce soient les élus qui prennent en charge le contrôle et l'exécution des 70 opérations comprises dans cette convention. A l'occasion de la nouvelle décentralisation, engagée par l'actuel gouvernement, nous avons proposé que le Pays basque soit un territoire d'expérimentation. La négociation a été lancée pour aboutir à une sorte de statut pour le Pays basque. Sur cinq points spécifiques, le gouvernement a donné son accord, notamment sur la langue ou les relations transfrontalières.

La constitution d'un Conseil des élus anticipe-t-il la création d'un département basque que certains semblent souhaiter ?

Le sujet a été posé tout au début. Puis, lors des négociations avec le gouvernement sur le statut du Pays basque, il est revenu sur le devant de la scène. Mais le gouvernement s'est formellement opposé à cette idée. La reconnaissance de cinq points spécifiques, définissant déjà un statut à part, était un pas suffisant. Au sein-même du Conseil des élus, le sujet divise. Le président du conseil général, par exemple, est contre la constitution d'un nouveau département. D'autres défendent farouchement cette idée. Il n'existe donc pas de position du Conseil des élus en tant que telle sur ce sujet.

Le Conseil a-t-il comme ambition de développer des relations privilégiées avec Hegoalde, le Pays basque espagnol ?

Le développement des relations transfrontalières est un aspect important de notre travail. Le gouvernement m'a d'ailleurs confié une mission sur ce thème visant à effectuer un bilan sur ce qui existe et comment procéder. Dans le Pays basque nord, nous recherchons la bonne structure pour le faire. Elle faciliterait la mise en oeuvre de projets importants, tel que la réalisation d'un tram-train partant de Bayonne pour se brancher au Topo en Espagne. Le "district européen" est une formule qui existe déjà dans le droit français. Une autre a été proposée récemment par la Commission européenne. Il s'agit de créer des groupes de coopération transfrontalière. Les différentes possibilités sont aujourd'hui à l'étude afin de déterminer ce qui, à terme, pourrait le mieux fonctionner.

 

 

Les projets communs d'Hegoalde et Iparralde...


 

Vantée par le gouvernement français, mise en avant par les responsables européens à Bruxelles, la coopération transfrontalière est une expérience de plus en plus répandue au Pays basque. Avec le Consorcio Bidasoa-Txingudi ou l'association Xatera, "l'Europe des régions" prend ici tout son sens.

Pour ses habitants, le Pays basque n'est pas simplement une région ou une collectivité territoriale mais véritablement, et comme son nom l'indique, un pays. Au sein de ce territoire, niché entre mer et montagnes, les découpages nationaux ne sont pas reconnus. Ici on ne parle pas d'un Pays basque espagnol et français mais d'Hegoalde (Pays basque sud) et d'Iparralde (Pays basque nord). Outre le partage d'une même langue, cet espace se fonde sur une cohésion géographique, historique, culturelle mais aussi économique et sociale. Une réalité que le Conseil des élus a souhaité valoriser en encourageant l'élaboration de projets communs. Le premier date de 1998 avec la création du Consorcio Bidasoa-Txingudi. Cet entité de droit espagnol -permettant la réalisation de collaborations impliquant des institutions publiques de différents niveaux- réunit trois communes : Fontarabie, Irun et Hendaye. Au sein de cet organe juridique, chaque ville est représentée par trois élus. Son fonctionnement se caractérise par une présidence tournante, tous les ans, entre élus français et espagnols. Ses actions visent en particulier les domaines du tourisme, de la culture, du développement économique et social.
Autre exemple de coopération transfrontalière : l'association Xatera, structure territoriale composée des villages de Sare et d'Ainhoa, en France et de Zugarramurdi et d'Urdazubi, en Espagne. Contrairement au Consorcio, Xatera est une entité de droit français à laquelle ont adhéré des communes espagnoles. Son principal objectif vise à promouvoir des projets communs et de bénéficier ainsi d'aides diverses du département, de la région, de l'Etat et de la Commission européenne. "C'est quelque chose qui existait déjà, souligne Jean Aniotzbehere, maire de Sare, il fallait juste l'officialiser, la structurer et lui donner les moyens financiers". Au sein de Xatera, le trilinguisme est la règle. Ses statuts ont d'ailleurs été rédigés en basque, en français et en espagnol.

Conseil des élus du Pays basque

4, allée des Platanes
64100 Bayonne

Mirentxu Saint-Martin

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