Le Doctobus sur les routes d’Évreux Portes de Normandie (27)

Pour pallier le manque de médecins traitants sur son territoire, la communauté d'agglomération Évreux Portes de Normandie a lancé un Doctobus, où les habitants peuvent consulter un médecin généraliste pour des soins non programmés.

Face à une désertification médicale galopante, les dispositifs mobiles commencent à mailler l’Hexagone. Mais rares sont ceux portés en propre par une communauté d’agglomération - ne serait-ce que parce que la santé ne fait pas partie des compétences directes de ces collectivités. Dans l’Eure, Évreux Portes de Normandie (EPN) a pourtant sauté le pas, et lancé, en mars 2023, le Doctobus, doté du statut de centre de santé, qui sillonne les routes du territoire pour apporter une solution aux habitants sans médecin traitant.

Au moment du lancement du Doctobus, selon la Caisse primaire d’assurance maladie, plus de 15 % des habitants de la communauté d’agglomération étaient dépourvus de médecin traitant - soit 13 000 à 15 000 personnes. Président d’EPN et maire d’Évreux, et médecin urgentiste, Guy Lefrand avait entendu parler du Médicobus de la communauté professionnelle territoriale de santé Orne Est. « Nous les avons contactés pour voir comment ils avaient travaillé, et nous nous sommes lancés », explique Emmanuel Roussel, conseiller communautaire délégué à la santé.

« Si le projet a vite trouvé un équilibre financier, il a nécessité un gros travail préparatoire », insiste-t-il. Élaboration du projet de santé, obtention d’une autorisation d’activité de l’agence régionale de santé, contractualisation avec la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pour le tiers payant… « L’expérience acquise durant la gestion de la crise Covid nous a beaucoup aidés », commente Julien Boscher, responsable du pôle santé-handicap d’EPN. Première étape : recruter et salarier, une assistante médicale et au départ cinq médecins (retraités pour la plupart d’entre eux, exerçant à temps partiel). « Le bouche-à-oreille a bien fonctionné, et nous avons eu le soutien du Conseil de l’ordre des médecins de l’Eure. » Pour proposer des créneaux adaptés à l’urgence des situations, l’EPN fonctionne avec une plateforme de régulation médicale privée qui permet de recevoir, qualifier, et orienter les demandes de soins non programmés : l’association cellule de coordination des soins non programmés.

Neuf communes ciblées

Les généralistes, qui étaient cinq au commencement, trois jours par semaine en mars 2023, sont aujourd’hui neuf (dont huit retraités) et seront bientôt onze, à se relayer pour assurer des consultations, du lundi au vendredi, dans neuf des 74 communes d’EPN : Arnières-sur-Iton, Bois-le-Roi, Fresney, Gauciel, Marcilly-la-Campagne, Prey, Reuilly, Sacquenville et Saint-André-de-l’Eure.

« Le planning des tournées est évolutif. Et les consultations ne sont pas réservées aux seuls habitants des communes où le Doctobus stationne. Mais, de Fresney, 318 habitants, à Saint-André-de-l’Eure 3 903 habitants, où seuls deux généralistes libéraux sont encore installés, nous avons ciblé celles où le manque de praticiens se faisait le plus sentir », indique Emmanuel Roussel.

Les consultations, de 9 h 30 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30, sont ouvertes aux patients sans médecin traitant et à ceux dont le médecin traitant est indisponible. La prise de rendez-vous, obligatoire, se fait par téléphone (du lundi au vendredi de 8 heures à 18 heures) auprès d’une secrétaire médicale qui transfère la demande à la cellule de régulation, celle-ci rappelant le patient dans la demi-heure pour lui proposer un rendez-vous.

500 consultations par mois

« Depuis son lancement, le Doctobus a assuré près de 9 000 consultations auprès de plus de 4 500 patients. À l’heure actuelle, le Doctobus assure près de 500 consultations par mois. Et plus de 1 400 personnes ont choisi le Doctobus comme médecin traitant - soit environ 10 % des habitants dépourvus jusqu’alors de médecin traitant », indique Julien Boscher.

« Ce n’est pas rien ! On a apporté une solution pour que les patients aient un accès rapide à un médecin sans avoir à passer par les urgences hospitalières. De plus, le recours à la régulation permet de garder quelques créneaux pour parer aux situations d’urgence : une maman dont l’enfant a 40 de fièvre, une douleur au bras laissant craindre un problème cardiaque…, insiste Emmanuel Roussel. Maisce n’est qu’une rustine au vu de la pénurie criante de professionnels de santé. Pénurie qui va s'aggraver dans les années à venir, vu les nombreux départs en retraite prévus. » L’agglomération et ses communes restent donc mobilisées. À Évreux, un centre de santé municipal doit ainsi ouvrir au printemps, dans une ancienne école, dans le quartier de Navarre où plus aucun médecin libéral n’exerce. « Le projet est certes porté par la ville et non par EPN, mais il s’inscrit dans la continuité du Doctobus. Il est d’ailleurs prévu de mutualiser les médecins et les achats de matériel médical sur les deux structures », indique Emmanuel Roussel.

Le financement du projet de Doctobus d’Évreux Portes de Normandie

Achat et équipement du véhicule : pour lancer le Doctobus, l'EPN a acheté et transformé un camping-car. Coût de l'investissement : environ 70 000 euros, financés sur fonds propres avec une aide de 37 000 euros de la région Normandie

Budget de fonctionnement du Doctobus : en 2024, le budget de fonctionnement du Doctobus était d'environ 400 000 euros

Dépenses : salaires des médecins et de l’assistante médicale, recours à la cellule de régulation, frais de fonctionnement type achat de matériel médical, fluides, essence…

Recettes : honoraires des consultations, rémunération forfaitaire de la CPAM, projet lauréat d'un appel à projet du Plan France Ruralités (75 000 euros par an sur trois ans). Reste à charge d'environ 27 000 euros pour la communauté d'agglomération.

Évreux Portes de Normandie

Nombre d'habitants :

110950

Nombre de communes :

74
9 rue Voltaire
27 000 Évreux

Guy Lefrand

Président

Emmanuel Roussel

Conseiller communautaire délégué en charge de la santé

Julien Boscher

Responsable du pôle santé-handicap

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