Nantes (44) prend des allures de Venise de l'Ouest

Le mode fluvial ne cesse de gagner du terrain. Après Paris, c'est au tour de Nantes de réhabiliter ce moyen de transport. Mais la métropole nantaise pousse l'expérience plus loin. Les futures navettes, pas uniquement dédiées aux touristes, deviendront un élément à part entière du réseau urbain.

Première ville française à réintégrer le tramway dans son réseau de transport, Nantes a su prouver qu'il était possible de faire du neuf avec du vieux. Et l'expérience, menée avec succès par l'agglomération, ne devrait pas s'arrêter là. En septembre prochain, des navettes fluviales viendront enrichir l'offre de la Semitan, société d'économie mixte gestionnaire des transports publics nantais. Paradoxalement, ces modes anciens, sur rail ou sur fleuve, sont porteurs de modernité. Silencieux, écologiques, ils devront faciliter la réalisation des ambitieux objectifs fixés dans le PDU adopté en 2000 : ramener la part de la voiture à 50% en 2010 et porter celle des transports collectifs à 18%.
En janvier 2003, une poignée d'élus et de militants nantais déclaraient au quotidien Ouest-France : "On n'en a jamais fini avec le fleuve ! Il faudra bien que la collectivité fasse sienne l'ambition de retrouver le fleuve comme moyen de transport." Le message a été entendu par les responsables de Nantes Métropole. Le succès des navettes fluviales, mises en place à l'occasion des journées sans voitures, finira de les convaincre. L'intermodalité ne doit pas être un vain concept mais une réalité. Et, au-delà de son efficacité, ils misent sur la symbolique d'une telle initiative: "Ces navettes vont surtout permettre de renouer avec un élément fort de l'imaginaire nantais : le transport de voyageurs par voie fluviale, qui a fonctionné de la fin du 19e siècle jusque dans les années 60."

Deux navettes sur l'Erdre et la Loire

Mise en place pour une durée initiale de trois ans dès septembre 2004, la première liaison, sur l'Erdre, permettra de relier par voie d'eau Jonelière/Faculté à Gare SNCF Sud/Cité des Congrès. Ce trajet, d'une durée de 28 minutes, desservira des zones d'activité et d'habitat denses. Elle sera opérationnelle sur l'ensemble de la journée, entre 6 heures 30 et 20 heures, pour une fréquence estimée à 20 minutes en semaine. Trois bateaux d'une capacité de 80 passagers devront assurer la cadence. 650.000 usagers seront ainsi transportés chaque année.
La seconde liaison, dont la mise en place est prévue en septembre 2005, reliera, sur la Loire, Trentemoult au centre-ville (médiathèque). Avec un parcours total de dix minutes, la ligne sera également exploitée en journée, avec des coupures prévues en milieu de matinée et l'après-midi. Deux bateaux de 80 places devraient permettre une fréquence de vingt minutes. L'estimation est aujourd'hui de 525.000 passagers transportés en un an. L'eau, en termes d'infrastructure, étant gratuite, la collectivité ne devra financer que certains aménagements (pontons, passerelles, abris-vélos, etc.) dont le coût total est fixé à 1.460.000 euros. Selon une étude commandée par la Semitan et l'Agence d'études urbaines de l'agglomération nantaise (Auran), le ratio recettes/dépenses serait de l'ordre de 29% à 38%, résultat raisonnable comparé à un pourcentage de 40% en moyenne sur le réseau urbain de transport public.

Complémentarité avec les autres modes

Alternative crédible et compétitive face à l'automobile sur ces parcours, les futures liaisons fluviales compléteront l'actuel réseau de transport. Mérites vantés par Jean-Yves Pailloux, directeur de l'Auran : "La plupart des infrastructures existent, les connexions avec le réseau de tramway et bus sont évidentes." Cette nouvelle solution, moderne et originale, devrait en outre attirer les usagers. Pendant la semaine de la mobilité et du transport public, du 16 au 22 septembre 2003, les trois liaisons mises temporairement en place par Nantes Métropole ont transporté près de 11.000 passagers. La réintégration de la voie fluviale est d'ores et déjà inscrite dans le PDU de la ville qui prévoit un investissement dédié aux transports de 60 millions d'euros par an. "Ce montant a été fixé avant que l'Etat ne supprime les subventions aux collectivités", précise Camille Durand, premier vice-président en charge des transports, des finances et de l'administration générale à la communauté urbaine de Nantes. Malgré cet "imprévu", les responsables semblent bien décidés à poursuivre leur politique, souvent qualifiée d'exemplaire dans le reste du pays. D'autant qu'une enquête rendue publique l'an dernier montrait que la part de la voiture avait récemment augmenté. Après une diminution continue entre 1990 et 1997, où celle-ci était de 58,6%, elle était à nouveau passée à 61,6% en 2001.


Kattalin Landaburu / Victoires-Editions pour Localtis

 


"La navette sur la Loire est prévue en complémentarité avec le réseau de tramway"


 

Camille Durand est premier vice-président à la communauté urbaine de Nantes, Nantes Métropole, en charge des transports, des finances et de l'administration générale.

Pourquoi mettre en place ces deux liaisons à une année d'intervalle ?

La première navette naviguera sur l'Erdre, qui est une rivière. Le véhicule est donc un bateau électrique simple et les autorisations qu'il nécessite relèvent de l'administration fluviale. La seconde navette transportera pour sa part des passagers sur l'estuaire de la Loire. La navigation diffère, car il faut compter avec les courants et les marées. Le bateau devra donc être plus puissant que le précédent. En outre, il relèvera des affaires maritimes, auprès desquelles les autorisations sont plus difficiles à obtenir. Dans ces deux cas, les procédures à effectuer ne sont pas du tout les mêmes.

En quoi les futures liaisons fluviales seront-elles complémentaires par rapport au réseau de transport urbain ?

La première liaison sur l'Erdre assurera un circuit qui n'existe pas aujourd'hui, ni par les bus, ni par les trams. Au lieu de changer de mode de transport, les usagers pourront relier directement les destinations voulues et ainsi gagner du temps. Cette liaison devrait également permettre de décharger la seconde ligne de tramway, bondée aux heures de pointe malgré une fréquence de 2,5 minutes. Ensuite, la navette sur la Loire est prévue en complémentarité avec le réseau de tramway. L'idée est la suivante : les Nantais pourront effectuer une partie de leur itinéraire domicile-travail en voiture, puis en navette et enfin en tram. Hors heures de pointe, des interruptions sont envisagées sur cette ligne.

Quels aménagements spécifiques devront être réalisés pour la mise en oeuvre du projet ?

L'essentiel consiste à construire des stations fluviales comprenant un ponton d'accès et des liaisons piétonnes sécurisées. Des abris pour vélos sont prévus et, au sud de la seconde ligne, un parking devra être réalisé pour répondre aux objectifs que je viens de vous citer, à savoir capter une partie des déplacements domicile-travail. Les bateaux, affrétés par la Semitan, appartiennent à la Société des bateaux nantais qui vient de remporter l'appel d'offres. Pour le reste, peu de nouveautés puisque les lignes seront insérées dans le réseau urbain. Les titres de transport, par exemple, seront les mêmes que sur les TER, bus ou tramways.


 

Nouveau décollage pour le transport fluvial de marchandises


Naguère tombé en désuétude, le mode fluvial reprend du poil de la bête, avec une croissance de 22% en six ans. Désormais, on ne vilipende plus sa lenteur mais on loue sa régularité...

Longtemps dénigré par les chargeurs pour sa lenteur et son archaïsme, le transport fluvial de marchandises gagne du terrain depuis les années 90 pour devenir, selon ses principaux acteurs, une "valeur ajoutée des chaînes logistiques". Depuis la création, en 1990, de Voies navigables de France (VNF), le réseau s'est considérablement renouvelé. "En une décennie, les investissements ont été multipliés par trois", précise François Bordry, président de VNF. Ces nouveaux financements ont favorisé la modernisation des professions fluviales et de la flotte. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : depuis 1998, ce mode a connu une croissance de 22%, la plus forte progression enregistrée dans le secteur des transports. Progression mais aussi diversification. Auparavant limité à l'acheminement des pondéreux (marchandises pesant plus d'une tonne au mètre cube, transportées en vrac), il vise aujourd'hui d'autres marchandises à forte valeur ajoutée comme les véhicules. A titre d'exemple, le port de Gennevilliers transborde plus de 100.000 véhicules chaque année. Mode sûr et écologique, le transport fluvial offre des alternatives intéressantes notamment par rapport au ferroviaire. "Sa lenteur n'est pas un obstacle, estime Patrice Gossel, responsable à la CAT (Compagnie d'affrètement et de transport). Ce qui compte à l'heure actuelle c'est la régularité." Depuis 1995, le trafic de conteneurs a été multiplié par sept sur le seul axe Rhône-Saône. D'autres marchandises dites exceptionnelles ont aussi fait le choix du mode fluvial, comme les moteurs fabriqués par Alstom et dont le poids peut atteindre 60 tonnes.

Agence d'études urbaines de l'agglomération nantaise (Auran)

Contact agence

Communauté urbaine de Nantes

Nombre d'habitants :

580000

Nombre de communes :

24
2 cours du Champ-de-Mars
44923 Nantes cedex 9

Jérôme Alémany

Service communication

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