A Paris, le "dialogue citoyen" permet des mesures alternatives à la prison
En avril et juillet 2004, la ville de Paris a testé pour la première fois, dans le 14e arrondissement, un dispositif de "dialogue citoyen". Cette expérience, s'inspirant de celle des Yvelines, consiste tout d'abord à mettre autour d'une même table des personnes condamnées et les représentants des différentes institutions, souvent considérées comme des "ennemis". Elle a concerné, dans le cas présent, des majeurs condamnés à une peine de travail d'intérêt général (TIG) et des mineurs contraints à une mesure de réparation. L'objectif, précise Séverine Dausseur du bureau du contrat parisien de sécurité de la direction de la prévention et de la protection de la ville de Paris, "c'est de donner l'occasion à des policiers, des magistrats, des avocats, des pompiers, des médecins, des élus, des professionnels de la politique de la ville, de rencontrer des jeunes et de leur offrir une autre image des institutions. Ces échanges permettent en effet d'expliquer que, au-delà du contrôle et de la sanction, ces institutions peuvent également les aider en les accompagnant aussi bien d'un point de vue psychologique (le respect de l'autre passe d'abord par le respect de son propre corps), qu'économique (aide à la recherche d'un emploi)". Cette expérience s'inscrit dans un partenariat entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) et la ville de Paris qui ont signé des conventions le 24 octobre 2003.
"Ces journées ont permis de rappeler le sens d'une peine"
Les rencontres ont eu lieu les 26, 27 et 28 avril 2004. L'expérimentation devrait être reconduite dans le 14e et étendue au 18e ou au 19e arrondissement, dès la fin de 2004 et en 2005. Neuf majeurs étaient condamnés par le tribunal correctionnel à effectuer un TIG au profit de la ville. Préalablement à leur TIG, ces personnes ont passé 30 heures avec les divers représentants des institutions mobilisées pour ce dialogue citoyen. Le groupe était encadré par un travailleur social du service pénitentiaire d'insertion et de probation chargé de mettre en oeuvre la peine. Michel-Roland Charvot, adjoint au maire du 14e arrondissement chargé de la prévention de la délinquance, a accueilli ces majeurs. "Ces journées ont permis de rappeler le sens d'une peine. Le but est également d'aider ces personnes en souffrance. Ce dialogue est un vrai moment d'échange qui peut déboucher sur des signes tout à fait encourageants quand, par exemple, un participant demande à la fin des trois jours, l'adresse de la mission insertion pour faire son CV", souligne l'élu. Pour les organisateurs, ville de Paris et direction départementale de la protection judiciaire et de la jeunesse (DDPJJ), cette expérience doit continuer car elle constitue une véritable réponse pour des gens qui, s'ils ne sont pas pris en charge, peuvent basculer dans une délinquance plus dure. L'opération sera tentée, dès le mois de décembre, dans le 13e arrondissement et tiendra compte des problèmes rencontrés.
Le dialogue citoyen pour les mineurs
La composition des groupes sera en effet revue car les attentes et les réponses à apporter à des jeunes majeurs de 18-20 ans ne sont pas les mêmes que pour ceux qui ont 30 ans. Elles sont très différentes aussi quand il s'agit de mineurs. La deuxième phase de cette expérience a eu lieu du 5 au 7 juillet 2004. Elle a rassemblé treize mineurs âgés de 14 à 17 ans encadrés par la DDPJJ. Une fois la mesure prononcée, le jeune est pris en charge par un éducateur. Il va expliquer au condamné et à sa famille le sens de la sanction. Après les trois jours de dialogue citoyen, l'éducateur aide le jeune à faire un bilan écrit. Ce bilan est ensuite transmis au juge. Ce dernier signifie à l'intéressé, soit par écrit soit lors d'un tête-à-tête, la finalité de la mesure. Pour Jean-Pierre Valentin, directeur de la PJJ à Paris, "ce dialogue citoyen est très adapté à ce type de public, plus à même que des majeurs à reconnaître leurs torts. En général, les jeunes qui suivent une mesure de réparation en sont à leur premier délit. Et on a remarqué que le taux de récidive est plus faible pour ceux qui suivent ce type d'action." Partant du principe que tout délit doit être sanctionné, la ville de Paris et la DDPJJ vont reconduire la convention qui arrive à échéance fin octobre 2004. Les dialogues citoyens se poursuivront donc dans cette ville où la PJJ a traité 572 mesures de réparation en 2003, contre 431 en 2002.
Nicolas Gleizal / Suretis pour Localtis
"Eviter l'incarcération et offrir la possibilité de se racheter vis-à-vis de la société"
Michel-Roland Charvot est adjoint au maire du 14e arrondissement de Paris chargé de la prévention de la délinquance et de la sécurité.
Quel rôle joue la collectivité locale dans ce dispositif ?
En fait, lorsqu'une peine de travail d'intérêt général (TIG) est prononcée, elle doit être effectuée au profit d'une collectivité locale ou d'une association agréée. Depuis plus d'un an, la ville de Paris et plus précisément la direction de la prévention et de la protection (DPP) recense les disponibilités d'accueil des TIG dans les différents services de la ville. Elle y joue un rôle de coordinateur et de gestionnaire de ces actions d'accueil pour développer ces mesures qui ont l'avantage de permettre parfois d'éviter l'incarcération et d'offrir au condamné la possibilité de se racheter vis-à-vis de la société. De plus, et là je parle des mairies d'arrondissements, notre rôle est de mobiliser aussi les associations pour qu'elles puissent également accueillir des TIG. Là, il y a encore un véritable effort à faire.
Comment se situe la démarche de dialogue citoyen dans ce dispositif ?
Le dialogue citoyen permet précisément de compléter l'intérêt de cette peine. En effet, les adultes condamnés ont l'occasion d'avoir une autre image des différentes institutions qui les entourent. Ils entendent des médecins leur dire qu'ils peuvent venir les voir pour un soutien psychologique, ils entendent des responsables de mission d'insertion leur dire qu'ils peuvent les aider dans leur recherche d'emploi, ils entendent des élus leur dire qu'ils peuvent les mettre en contact avec telle association qui a une activité centrée sur telle ou telle chose qui les passionne... Ce dispositif complète de façon intelligente et je crois efficace une mesure de sanction qui est aussi là pour les aider à repartir du bon pied.
Ce dispositif vous semble-t-il efficace ?
Selon moi, une politique de prévention de la délinquance, sur un quartier sensible, ne peut être efficace que si elle a été précédée de sanctions claires vis-à-vis de ce que l'on appelle les noyaux durs. Ce n'est qu'ensuite que l'on essayera de retisser des liens avec les personnes fragilisées. Car on peut encore les aider. C'est ce type de public que l'on touche par le dialogue citoyen. C'est un bon moment, avant que ces personnes ne basculent complètement dans la délinquance, pour leur dire que cette dérive peut être évitée. On explique aussi que la délinquance a un coût social et que les responsables publics préféreraient dépenser plus pour les aider à trouver un travail plutôt que d'assumer financièrement le coût de cette délinquance. Pour ce qui est de l'efficacité de l'expérience conduite ici, le service pénitentiaire d'insertion et de probation a l'intention de suivre les personnes qui sont passées par ce dispositif pour voir comment elles s'en sortent. Seul l'avenir le dira.
Politique partagée de sécurité sur la ville de Paris
Déclinaison territoriale du contrat parisien de sécurité, le contrat de sécurité du 14e arrondissement est le résultat de réflexions communes aux institutions et acteurs de terrain
Le contrat parisien de sécurité a été signé le 6 janvier 2000 par le maire de Paris, le préfet de police et le procureur de la République. Un avenant à ce contrat a été signé le 27 février 2002 par ces mêmes acteurs auxquels se sont joints la préfecture de Paris et l'Education nationale afin de rénover et d'élargir leur collaboration. Dans le cadre de cet avenant, la ville de Paris s'est engagée à développer, au sein de ses services, l'accueil de mineurs devant effectuer un travail d'intérêt général (TIG) ou une mesure de réparation. Pour mettre en application ces engagements, la ville de Paris, représentée par Christophe Caresche, adjoint au maire de Paris chargé de la prévention et de la sécurité, et la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse (DPPJJ), représentée par Jean-Pierre Valentin, ont signé des conventions. Dans le même esprit, la ville a signé une convention avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) qui vise à développer l'accueil de majeurs devant effectuer un TIG. Au sein de la ville de Paris, c'est la direction de la prévention et de la protection (DPP) qui est chargée de coordonner l'accueil dans les services de la ville. En 2003, la DPP a recensé 165 accueils de personnes effectuant un TIG au sein des directions de la ville.
TIG, mesures de réparation : définitions et chiffres
Le travail d'intérêt général (TIG) est prononcé pour les majeurs par le tribunal correctionnel et pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans par le tribunal pour enfant. Cette peine peut être prononcée à titre principal ou comme peine de substitution à une peine d'emprisonnement ou encore en complément d'une peine prononcée avec sursis. La mesure consiste à effectuer un travail au profit d'une collectivité publique ou d'une association agréée. L'annuaire statistique 2004 de la Justice recense 2.233 peines de TIG prononcées à l'encontre de mineurs en 2002 contre 2.433 en 1998.
La mesure de réparation est une mesure éducative qui peut être proposée à un mineur ayant commis une infraction. Cette mesure est proposée soit par le procureur de la République comme alternative aux poursuites pénales (5.275 mesures en 2002), soit par le juge des enfants ou le juge d'instruction des mineurs. Le principe de cette mesure est simple : faire prendre conscience au mineur de l'illégalité de son acte et lui proposer de réparer le tort causé à la collectivité ou directement à la victime si cette dernière est d'accord (2.638 prononcées en 2002). La mesure de réparation peut se traduire par des excuses à la victime, la remise en état de ce qui a été abîmé, l'entretien d'espaces verts...
Le suivi des personnes condamnées
L'autorité judiciaire confie la protection, la prise en charge et le suivi des personnes condamnées aux services de la protection judiciaire de le jeunesse (pour les mineurs) et au service d'insertion et de probation (pour les majeurs).
Les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), directions déconcentrées du ministère de la Justice, assurent la prise en charge des mineurs délinquants, la protection des mineurs en danger moral et physique et des jeunes majeurs en grande difficulté qui leur sont confiés par décision de justice. Dans ce cadre, la PJJ suit et encadre les jeunes, accompagne leur évolution et les aide à trouver leur place dans la société au sein de structures qui relèvent soit du secteur public, soit du secteur associatif habilité.
Créé par le décret 99-276 du 13 avril 1999, modifiant le Code de procédure pénale, le service d'insertion et de probation (Spip), structure départementale dépendant de l'administration pénitentiaire, exerce plusieurs missions. D'une part, il accueille des personnes placées sous main de justice, incarcérées ou non. Il se charge du suivi de leur situation, du contrôle des obligations auxquelles elles doivent se soumettre, et tiennent informées les autorités judiciaires. Ensuite, le Spip joue un rôle d'aide à la décision judiciaire. En d'autres termes, il permet à l'autorité judiciaire d'être destinataire de toutes les données visant à mieux individualiser la peine et à prononcer les aménagements les plus adaptés aux situations personnelles. Enfin, le Spip est chargé de développer et de coordonner un réseau de partenaires institutionnels, associatifs et privés pour la prise en charge des personnes placées sous main de justice : accès aux droits sociaux, aux soins, à l'éducation pour la santé, à la formation professionnelle, à l'action culturelle, au sport, au travail, à l'enseignement. Un accent particulier est apporté à la lutte contre l'indigence, contre l'illettrisme et contre la toxicomanie. Pour les personnes incarcérées, la préparation à la sortie de prison est l'objectif prioritaire.
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