Exposition aux écrans : certaines politiques publiques vont devoir être "repensées"

"Tout le monde doit balayer devant sa porte : l'État et l'éducation nationale et les collectivités locales impliquées dans l'éducation nationale", a déclaré Gabriel Attal juste avant que ne soit remis un rapport sur les dangers de "l'hyperconnexion subie" des jeunes à Emmanuel Macron. De la "pause numérique au collège", comme le préconise la ministre de l'Education nationale, à l'interdiction des écrans en élémentaire, en passant par un meilleur encadrement des outils numériques éducatifs, le gouvernement a un mois pour trancher et "repenser" certaines politiques publiques, en s'inspirant du rapport.   

"Tout le monde doit balayer devant sa porte, y compris l'État et l'éducation nationale et les collectivités locales impliquées dans l'éducation nationale", a déclaré le chef du gouvernement devant l'Assemblée nationale, mardi 30 avril 2024. L'usage des écrans par les enfants et les adolescents est au coeur d'un rapport, qui a été remis à Emmanuel Macron le même jour, qui préconise notamment leur interdiction pour les plus jeunes et leur encadrement pour les adolescents. "C'est vrai que dans un certain nombre d'établissements, de collectivités, les manuels ont été remplacés par des écrans", a poursuivi le Premier ministre. "Je ne suis pas technophobe à considérer qu'il faut proscrire tout écran. Il peut y avoir une visée pédagogique et un intérêt pédagogique", a-t-il estimé faisant également référence à l'intelligence artificielle qui est déjà utilisée pour faire de la remédiation scolaire. "Mais l'écran pour l'écran n'a aucun intérêt, il peut être dangereux et donc on devra repenser aussi un certain nombre de politiques qui sont aujourd'hui menées dans nos services publics, notamment dans l'éducation", a-t-il ajouté. 

Profitant de la réforme du lycée en 2018 et du changement de programme scolaire, de nombreuses régions étaient passées à marche forcée sur l'équipement en manuels numériques des lycées. À la rentrée scolaire 2020, 80% des élèves du second degré et 20% des élèves du premier degré ainsi que leurs parents et leurs enseignants bénéficiaient d'un espace numérique de travail (ENT), selon le ministère de l'Education nationale. Ces derniers ont été déployés grâce à des partenariats entre les académies et les collectivités territoriales. 

Lutter contre "l'hyperconnexion subie"

Dans ce rapport remis mardi au chef de l'État, la commission d'experts, qui a auditionné plus de 250 acteurs de jeunesse, était chargée par l'exécutif de plancher sur le problème de l'exposition aux écrans. Elle a émis une série de recommandations pour lutter contre "l'hyperconnexion subie" des enfants.

Dans son rapport, la commission déconseille entre autres l'équipement individuel en élémentaire et appelle à un encadrement du déploiement d'outils à vocation pédagogique. Les experts souhaitent également l'interdiction des ordinateurs et téléviseurs dans les crèches et les classes maternelles et appellent à des "actions renforcées" auprès des assistantes maternelles.

Ces mesures figurent aussi dans une proposition de loi portée par deux députés (LR,) Annie Genevard et Antoine Vermorel-Marques, une initiative parlementaire à laquelle Gabriel Attal a apporté son soutien mardi 30 avril en indiquant souhaiter que cette PPL "puisse être reprise et adoptée". 

Un mois pour dégager des mesures 

Le gouvernement aura un mois pour dégager des mesures à partir du rapport, a annoncé mercredi 1er mai Emmanuel Macron. "Déterminer le bon usage des écrans pour nos enfants, à la maison comme en classe : c'est l'objet du rapport qui m'a été remis par la commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans que j'avais lancée. J'ai donné un mois au gouvernement pour examiner ses recommandations et les traduire en actions", a écrit sur X le chef de l'État.

Nicole Belloubet préconise une "pause numérique au collège"

De son côté, mardi 30 avril sur France Inter, la ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet, a plaidé pour une "pause numérique au collège" qui consisterait à "déposer son portable à l'entrée" de l'établissement scolaire afin d'y éviter "à tout prix la circulation des portables". Elle a jugé cette mesure "matériellement possible" et appelle à "totalement réglementer" l'usage des réseaux sociaux et des téléphones chez les enfants. Rappelons que depuis 2018, l'usage du téléphone portable au collège est interdit, autorisé au lycée mais le règlement intérieur peut l'interdire dans certains cas. Pour autant, Nicole Belloubet considère qu'il ne faut pas rejeter "un outil numérique accompagné, c'est-à-dire avec l'enseignant à proximité, qui mesure les apprentissages et les progrès des apprentissages". Elle juge "absurde de penser que notre société future se fera sans le numérique".

Smartphone sans accès aux réseaux sociaux à partir de 13 ans

Outre les répercussions sur le sommeil, de sédentarité, de mauvaises postures, de myopie… les experts dépeignent également les écrans et plus précisément les réseaux sociaux comme "facteurs de risque" de dépression ou d'anxiété en cas de "vulnérabilité préexistante", et jugent "alarmant" le niveau d'exposition des enfants à des contenus pornographiques et violents. Ils proposent donc par exemple de pouvoir donner un smartphone sans accès aux réseaux sociaux à partir de 13 ans seulement, puis d'ouvrir cet accès à partir de 15 ans, uniquement sur des réseaux "éthiques".

Que se passe-t-il ailleurs ? Après une stratégie du tout écran qui a duré plus de dix ans en Suède, en août 2023, le pays a fait marche arrière, faute de résultats, et sa rentrée des classes s'est déroulée avec des manuels et non pas des tablettes.
En Corée du Sud, une loi interdit aux jeunes de moins de 16 ans de jouer en ligne aux jeux vidéos de minuit à 6 heures du matin. Enfin depuis 2019, l'OMS déconseille les écrans aux enfants de moins de trois ans. Que fera la France ? Réponse dans un mois. En attendant, "l'addiction aux écrans de nos enfants est une catastrophe sanitaire en puissance dont on voit déjà les effets", a estimé Gabriel Attal devant les parlementaires mardi 30 avril.