Expropriation des immeubles indignes à titre remédiable : la nouvelle procédure fixée par décret
Très attendue des collectivités territoriales, la nouvelle procédure d'expropriation ad hoc pour les immeubles en état de dégradation remédiable, doit permettre une intervention plus précoce des pouvoirs publics et éviter, in fine, leur démolition. Un décret en précise les modalités de mise en oeuvre, notamment au regard des obligations de relogement et des indemnités d’expropriation.

© Bernard Blanc CC BY-NC-SA 2.0
Un décret, paru ce 14 mai, vient préciser les modalités de mise en œuvre de la procédure d'expropriation des immeubles indignes à titre remédiable, inspirée d’une proposition phare du rapport Lutz-Hanotin, et introduite aux articles L.512-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique par la loi n°2024-322 du 9 avril 2024 relative à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé (art.9). Cette nouvelle procédure ad hoc est très attendue des collectivités territoriales parfois contraintes pour pouvoir mobiliser la procédure d'expropriation à des fins de lutte contre l'habitat indigne de recourir à des subterfuges juridiques. La procédure la mieux connue est celle de l'expropriation dite "Vivien", créée par la loi éponyme en 1970 (et désormais codifiée aux articles L.511-1 et suivants) conçue pour permettre une intervention rapide sur les immeubles concernés. Son champ d'application est toutefois restreint aux immeubles voués à la démolition ou pour lesquels une interdiction définitive a été prescrite.
Des étapes proches de la procédure "Vivien"
De prime abord, la procédure d'expropriation des immeubles indignes à titre remédiable pose des conditions complexes, qui répondent cependant à la nécessité de prouver l'existence d'une carence persistante de la part du propriétaire ou de la copropriété : avoir fait l'objet de deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris dans un intervalle de dix ans, et dont les prescriptions n'auraient pas été réalisées ; nécessiter des mesures de remise en état pour prévenir la poursuite de la dégradation, et dont la nécessité est attestée par le rapport des services municipaux, intercommunaux ou de l'État compétents, ou d'un expert désigné par l'autorité compétente. En outre, lorsque l'immeuble est à usage d'habitation et occupé, et que la réalisation des travaux de remise en état nécessite une interdiction temporaire d'habiter, un projet de plan de relogement (ou d’hébergement) doit avoir été préalablement établi.
Les différentes étapes de la procédure sont ensuite relativement proches de la procédure "Vivien". Les modalités de publication, d'affichage et de notification prévues pour cette nouvelle procédure sont également "harmonisées" avec la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique à titre irrémédiable prévue aux articles L.511-1 et suivants, insiste la notice du décret. Le préfet "du lieu où sont situés les immeubles à exproprier" - précise le décret - déclare d’utilité publique l’expropriation des biens concernés, après avoir constaté que l’ensemble des conditions sont réunies, et s’il y a lieu, prescrit, par arrêté, une interdiction temporaire d’habiter ou d’utiliser. Cet arrêté "mentionne les offres de relogement faites aux occupants (…) selon les modalités prévues aux articles L.314-2 à L.314-9 du code de l’urbanisme", ajoute le décret. "Il est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu où sont situés les biens. Il est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, aux détenteurs de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, aux occupants et, lorsqu'il s'agit d'un immeuble d'hébergement, à l’exploitant". A défaut de connaître leur adresse actuelle ou de pouvoir les identifier, "la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble".
Le préfet désigne la collectivité publique ou l’organisme au profit duquel l’expropriation est poursuivie. En cas d’interdiction temporaire d’habiter les lieux, l’expropriant désigné est tenu à une obligation de relogement, y compris des propriétaires. Par la même décision, le préfet déclare cessibles les biens et fixe le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ainsi qu’aux titulaires de conventions d’occupation à usage autre que d’habitation. Cette indemnité ne peut être inférieure à l’évaluation "effectuée par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques", indique le décret. Le préfet détermine également la date de prise de possession des biens expropriés après paiement ou consignation de l’indemnité provisionnelle, et au plus tôt deux mois après la publication de la DUP. Il fixe, le cas échéant, le montant de l’indemnité provisionnelle de privation de jouissance ainsi que l’indemnité provisionnelle de déménagement lorsqu’il n’est pas assuré par l’administration. Dans le mois qui suit la prise de possession, le préfet poursuit la procédure d’expropriation dans les conditions prévues au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Référence : décret n°2025-419 du 12 mai 2025 portant mise en œuvre des procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique des immeubles indignes à titre irrémédiable et à titre remédiable prévues par les articles L.511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, JO du 14 mai 2025, texte n°29. |