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Politique de la ville - "Faire du tandem préfet-maire le pivot d'une nouvelle gouvernance"

Difficile de trouver dans les annonces de Vaulx-en-Velin des propositions précises en faveur de la politique de la ville. Les quartiers du plan "Espoir banlieues - une dynamique pour la France" seraient réduits à une centaine de bénéficiaires et les communes pourraient se voir proposer un contrat pluriannuel globalisant tous les soutiens de l'Etat. Premières réactions des maires de banlieue.

22 janvier, Vaulx-en-Velin : ce qui devait être le lever de rideau du "plan Marshall pour les banlieues" s'est transformé en une journée de tables rondes sur l'emploi, la mobilité des jeunes, l'éducation et le désenclavement des quartiers. Annoncé depuis huit mois et alimenté par cinq mois de concertations territoriales, le plan n'est donc pas au rendez-vous. Changement de programme dû à une présentation différée en février par le président de la République du plan désormais baptisé " Espoir banlieues - une dynamique pour la France". Il a donc fallu aux deux représentantes du gouvernement - Christine Boutin et Fadela Amara - apporter leurs contributions sans pour autant révéler le plan durant la journée de débats. "Personne ne peut préjuger de vos conclusions", a lancé aux participants des tables rondes la ministre du Logement et de la Politique de la ville, Christine Boutin.

 

Plus de liberté pour les collectivités ?

Pour autant, la ministre du Logement et de la Politique de la ville a posé un préalable : le retour de la sécurité. Ensuite, il faut "restaurer la confiance avec les élus et les maires". Les élus de l'association Ville et Banlieue devraient se réjouir alors qu'ils ont exprimé leur colère, il y a seulement quelques semaines, en constatant  que leur dotation de solidarité urbaine subit, en 2008, une "baisse inadmissible" de sa progression. Seront-ils entendus alors qu'ils demandent régulièrement "un désenclavement financier", priorité reprise par le Conseil national des villes, le 16 janvier dernier ? "Nous devons rétablir l'égalité territoriale et, pour ce faire, je pense qu'il est indispensable que toutes les villes bénéficient du droit commun", leur a répondu Christine Boutin. Une réponse financière satisfaisante ? "Il convient d'abonder ce droit commun par des moyens supplémentaires, dans toutes les communes fragilisées", a ajouté la ministre. Ce qui a priori correspondrait assez bien à la définition actuelle de la politique de la ville. "De plus, a lancé Christine Boutin, pourquoi ne pas envisager sur la base d'un contrat d'objectifs avec l'Etat sur trois ans, de verser globalement les subventions de l'Etat aux communes, laissant aux maires le soin de décider de leur affectation ?" Voilà une nouveauté. L'annonce par la DIV d'un projet de rapport-type commun DSU, ZUS et Cucs, il y a seulement deux jours, est-elle le signe avant-coureur d'une réforme actuellement à l'étude dans les bureaux du ministère qui viserait à fusionner tous les soutiens de l'Etat ? 
Souhaitant "une réflexion sur la question de la solidarité financière entre les communes", la secrétaire d'Etat en charge de la politique de la ville, Fadela Amara, a annoncé son intention de "faire du tandem préfet-maire le pivot d'une nouvelle gouvernance" pour une "politique sur-mesure". "Cela veut dire plus de pouvoirs pour les uns et les autres, plus de déconcentration de crédits."

 

Remise en cause de la géographie prioritaire ?

Le 17 décembre dernier, Fadela Amara avait déclaré que "les multiples zonages des politiques de la ville seraient revus en 2009 car ils ne sont pas efficaces et ne sont pas adaptés à la décentralisation". A Vaulx-en-Velin, elle a  précisé que le plan "Espoir banlieues" serait concentré sur une centaine de quartiers "les plus difficiles", en y créant notamment plus de 45.000 emplois en trois ans. Un nouveau zonage des quartiers prioritaires ? Comment ce plan va-t-il s'articuler avec les outils existants comme les Cucs qui viennent juste d'être bouclés ? Autant de questions encore en suspens. Fixant les priorités au nombre de trois - emploi, éducation et désenclavement -, Fadela Amara, qui n'a fait, a précisé l'AFP, que des "propositions sans en chiffrer le coût", a aussi déclaré qu'elle demanderait au président de la République "d'engager des actions ambitieuses et innovantes en faveur de la garde d'enfants (...) pour permettre aux mères de travailler et créer 2.500 emplois en trois ans pour celles qui veulent valoriser leurs acquis et expériences". Concernant l'éducation, elle a préconisé un suivi personnel pour chaque collégien et lycéen par des systèmes de tutorat, et la mise à leur disposition d'une "banque de stages" dans les quartiers prioritaires. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, elle a proposé que la "priorité soit donnée au désenclavement des quartiers relevant de la politique de la ville". 
Pour conclure, rendez-vous est pris le 8 février : "Le chef de l'Etat prononcera un discours fort, tenant compte de la contribution collective" et il "détaillera lui-même les premières mesures phares de cette nouvelle politique", a conclu la sécrétaire d'Etat.

 

Clémence Villedieu et AFP

 

Réactions de maires de banlieue

François Pupponi, député-maire PS de Sarcelles :  "La philosophie de son plan va dans le bon sens : créer des emplois, donner des moyens aux collectivités locales, pérenniser l'action des associations, c'est ce qu'on propose depuis des années." "Maintenant, il n'y a rien de précis. Par exemple, créer 45.000 emplois dans les cités, c'est bien, mais si les collectivité locales n'ont pas d'argent ça ne se fera pas. Qui paye et quand on travaille ?"
Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) : "Tous les ingrédients nécessaires à la réussite du plan banlieues ont été posés", les pistes esquissées "réorientent les politiques de droit commun sur les quartiers, c'est bien". Il retient notamment le "principe d'une solidarité entre villes pauvres et riches" et "une gouvernance réactivée", alors que Fadela Amara souhaite faire du tandem maire-préfet le pivot de cette gouvernance.
Maurice Charrier, maire ex-PCF de Vaulx-en-Velin,  a reconnu "agréer aux propositions", ajoutant toutefois "être en attente des réponses du président de la République sur ce qui fait la qualité d'une politique, c'est-à-dire les moyens et la durée". "Cette réunion a créé beaucoup d'attente et il ne faudrait pas que ces attentes soient déçues", a-t-il dit.
Stéphane Gatignon, maire PCF de Sevran (Seine-Saint-Denis),  reste dubitatif face aux 45.O00 emplois en trois ans : "Est-ce qu'on va remettre en place les TUC [NDLR: travaux d'utilité collective, créés en 1984 et remplacés par les CES] et les emplois aidés ?" "On n'est pas à la hauteur des choses pour sortir de la ghettoïsation. Il faut que l'ensemble de ces questions soit portées par le Premier ministre et le président de la République."

AFP