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Environnement - Filière bois-forêt : les premières pistes du rapport Caullet

Avant la remise de son rapport définitif à Jean-Marc Ayrault, Jean-Yves Caullet, député de l'Yonne et président de l'Office national des forêts (ONF), a dévoilé le 23 mai les premières propositions de sa mission sur la filière bois-forêt. Certaines ont trait à la fiscalité locale et à la gestion des forêts communales. Il préconise aussi la création d'un fonds stratégique pour doter la filière d'un organe de pilotage opérationnel.

"J'ai voulu que le rapport que je vais remettre au Premier ministre ne soit ni une description érudite de la forêt française, ni celle de la situation de tel ou tel pan de la filière bois car cela a déjà été fait, bien fait et m'a été fort utile", a prévenu Jean-Yves Caullet, député de l'Yonne et président de l'Office national des forêts (ONF), en présentant à la presse le 23 mai les premières orientations du rapport qu'il remettra le 6 juin à Jean-Marc Ayrault. La mission qui lui a été confiée fin 2012 par le Premier ministre et qui doit servir de base au volet forêt de la prochaine loi d'avenir sur l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt est vaste. Il s'agit de "mettre en avant les pistes permettant de valoriser la production sylvicole tout au long de la chaîne de valeur depuis l'amont (gestion durable des forêts, mobilisation du bois) jusqu'à l'aval (bois d'œuvre pour la construction et la rénovation des bâtiments, bois-industrie, bois-énergie) afin que cette filière puisse gagner en compétitivité, trouver de nouveaux marchés à l'export et contribuer au redressement productif de la France".
D'emblée, Jean-Yves Caullet estime peu pertinent de parler d'une filière bois-forêt unique vu la diversité des forêts, des bois et de leurs usages. Selon lui, il faut aussi changer d'approche pour tenter de résoudre le déficit chronique de la balance commerciale. La France continue en effet à exporter des grumes, preuve de la compétitivité de sa sylviculture, et à importer des produits transformés, meubles en tête, ce qui "conduit à perdre à la fois les coproduits et la valeur ajoutée de la transformation des grumes", souligne le député qui invite à "partir de l'aval pour prévoir les conditions d'une mobilisation optimisée de la ressource forestière."

Recouvrer tout l'impôt sur le foncier non bâti

Parmi ses premières préconisations, qu'il a présentées le 6 mai devant le Conseil supérieur de la forêt, il propose de revoir les dispositifs fiscaux propres à la forêt. Cette dépense fiscale représente aujourd'hui près de 100 millions d'euros. Pour Jean-Yves Caullet, le régime fiscal de la forêt, qui comporte un certain nombre d'avantages trouvant leur justification dans les particularités du cycle forestier, plus long que les cycles agricoles, devrait être réservé à la forêt en production. De plus, il faudrait selon lui recouvrer l'ensemble de l'impôt sur le foncier non bâti. Aujourd'hui, si cet impôt est inférieur à 12 euros - c'est le cas pour les propriétaires de petites parcelles sur une même commune ou pour ceux cumulant de petites parcelles éparpillées sur plusieurs communes -, l'administration fiscale ne le recouvre pas. Cette recette manquante, compensée par l'Etat aux communes, représente de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros par an, a estimé Jean-Yves Caullet. Il propose donc deux solutions pour remédier au problème : un calcul cumulatif de l'impôt sur plusieurs années et son recouvrement quand le montant cumulé dépasse le seuil de recouvrement (voire un seuil plus élevé pour réduire les frais du recouvrement) ou l'instauration d'une contribution annuelle forfaitaire, supérieure au seuil de recouvrement, qui inciterait du même coup au regroupement ou à la cession de parcelles.
Toujours en matière de fiscalité locale, Jean-Yves Caullet voudrait permettre aux collectivités d'exonérer pendant 5 ans les constructions bois pour développer son utilisation dans la construction (logements, bâtiments agricoles, d'entreprises, etc.). En contrepartie de recettes fiscales retrouvées sur le foncier non bâti, il suggère que le régime fiscal (ISF et succession) s'appliquant à l'investissement forestier soit élargi à l'épargne investie dans les travaux forestiers, notamment les replantations, et de conférer temporairement les mêmes attraits fiscaux dans l'investissement d'aval de la filière pour créer un "choc" d'investissement industriel.

Faciliter les regroupements

D'autres propositions visent à "permettre une vraie dynamique de regroupements" pour remédier au problème du morcellement de la propriété forestière. Parmi ces pistes, il préconise la conception d'une procédure "biens vacants et sans maître" inspirée de la procédure de relèvement des concessions funéraires. "Une telle procédure conduirait à une mise sous responsabilité de la collectivité qui aurait ensuite un délai pour, au choix, intégrer la parcelle dans la forêt publique communale, la céder à l'Etat pour l'intégrer à la forêt domaniale ou la mettre sur le marché", explique Jean Yves Caullet. Le morcellement concerne également la forêt publique. Les forêts communales sont en effet de tailles très variables et un regroupement pour une gestion plus cohérente par massif serait souvent utile, estime l'élu. Pour cela, on pourrait permettre aux intercommunalités de prendre la compétence forêt, suggère-t-il. Autre proposition : prévoir la notion d'aménagement de massif, document unique conçu collectivement avec l'ensemble des communes concernées et proposé à l'adoption de chacune d'entre elles. Il permettrait "une plus grande cohérence", une "plus prise de conscience de la logique de massif plus propice à une optimisation de la mise en valeur et à des actions de développement de la filière aval", estime Jean-Yves Caullet qui souhaite aussi "donner plus de force aux aménagements".

Un fonds stratégique de 100 millions d'euros par an

Le député propose aussi la création d'un "fonds stratégique" doté de 100 millions d'euros par an pour financer toute la filière "soit sous forme de subventions, soit sous forme de participation, soit sous forme d'avances, soit enfin sous forme de bonification d'intérêts d'emprunts pour créer un effet de levier". Ses ressources proviendraient de multiples sources : une dotation de l'Etat financée par la mise en recouvrement pluriannuel de la taxe sur le foncier non bâti ou de la contribution libératoire forfaitaire compensant le non-recouvrement actuel des sommes correspondant à l'impôt sur le foncier non bâti en dessous du seuil de recouvrement – soit 30 à 40 millions d'euros par an ; l'augmentation de la TVA sur le bois énergie ; la mobilisation de l'épargne privée soumise au régime fiscal de l'investissement en forêt – environ 40 à 50 millions d'euros par an ; une part des crédits carbone aujourd'hui réservés à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), avec en outre l'obligation pour celle-ci d'affecter 30% des fonds qui lui sont alloués sur cette base à l'utilisation du bois dans la rénovation de l'habitat ; la contribution des villes, métropoles et agglomérations au titre de la compensation carbone liée à leur extension ; une contribution des agences de l'eau calculée sur les surfaces forestières protégeant les bassins versants protecteurs d'eau potable ; une cotisation volontaire des communes fondée soit sur la base de leurs recettes forestières qu'elles pourraient ainsi placer, soit sur la collecte de la taxe d'habitation sur les constructions bois, collecte qui pourrait être réduite de moitié pendant 5 ans pour inciter à l'utilisation du bois dans la construction ; un fonds de concours des régions souhaitant engager des actions spécifiques, etc.

 

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