Financement de la stratégie énergie-climat : le Cese appelle à "se donner les moyens de nos engagements"

Dans un avis adopté à l’unanimité, le Cese appelle à la mobilisation générale pour financer la transition écologique. Plusieurs mesures concernent directement les collectivités locales, comme l’établissement par l’État d’un "programme pluriannuel de dotation", le renforcement de la possibilité de prêts de long terme ou encore l’allongement de la durée d’amortissement de certains projets structurants, qui seraient en outre comptabilisés en dehors des ratios existants.

Quels moyens nécessaires pour réussir la transition écologique ? Un certain montant, pour paraphraser Fernand Raynaud. Mais un montant certain ! Dans un avis dédié au financement de la stratégie énergie-climat, sous-titré, "Donnons-nous les moyens de nos engagements", que vient d’adopter à l’unanimité le Conseil économique, social et environnemental (Cese), son auteure, Julia Grimault (chef de projet I4CE dans le civil), estime que si les besoins exacts, et donc les montants requis, doivent encore être "précisés", "il ne fait pas de doute que les besoins d’investissement sont considérables, de l’ordre de 2 à 4% du PIB". Le rapport dresse donc 15 recommandations "pour rattraper la trajectoire de financement requise". Avec plus ou moins d’originalité, et un caractère plus ou moins inflammable de ses mesures.

Outil fiscal

Parmi les propositions déjà formulées, on relèvera la suppression dans les dix ans des dépenses budgétaires et fiscales défavorables au climat, en approfondissant la méthodologie du budget vert (v. notre article du 11 mars 2022). Singulièrement visé, le bouclier tarifaire électricité – ce qui est plus iconoclaste en cette période –, en le rendant "progressif". On observera au passage que cela sous-entend que le mix électrique français ne serait pas majoritairement décarboné, ce qui n’est notamment pas l’avis de la Commission européenne (v. notre article du 14 février 2023). 

Comme d’autres, la rapporteure préconise également de redistribuer une partie de la plus-value immobilière ou foncière imputable à la création d’infrastructures favorables à la transition écologique. Ou encore de fixer une "trajectoire lisible du prix du carbone" pour atteindre une "cible compatible avec l’atteinte des objectifs climatiques".

Outil financier

Le Cese propose également de renforcer le fléchage du livret A vers des financements de transition écologique (sans modifier son affectation au logement social), "en s’appuyant si besoin sur une plus grande centralisation des dépôts à la CDC". Il suggère de même de dédier exclusivement le livret de développement durable et solidaire à la transition, et à augmenter les plafonds de ces deux livrets.

Plus original, il recommande de lier le taux d’intérêt d’une dette à la contribution écologique.

Dans la chasse aux fossiles, le Cese propose également de mettre en place une obligation de financement par les institutions financières sur leurs seuls fonds propres pour les nouveaux investissements dans ce domaine.

Nécessaire visibilité, singulièrement pour les collectivités

Plus classiquement, le Cese recommande d’adosser à la future loi de programmation pour l’énergie et le climat une programmation des finances publiques pour la transition écologique. Dans la droite ligne de récents débats au Sénat (v. notre article du 6 février 2023), il préconise par ailleurs différents outils pour renforcer les capacités d’investissements des collectivités. Parmi eux :

- l’établissement par l’État d’un "programme pluriannuel de dotation" aux collectivités, "fixé après concertation avec celles-ci". Ce programme serait accompagné en outre du verdissement des dotations de l’État avec une attribution bonifiée pour les collectivités porteuses de projets favorables à la transition écologique. On peut parier que ce devrait être le cas d’un grand nombre d’entre elles ;

- la définition par l’État de projets ou de travaux dont la possibilité d’amortissement serait établie sur des termes longs, et hors des ratios comptables existants, avec une possibilité de garantie par l’État ;

- le renforcement de la possibilité de prêts de long terme au bénéficie des collectivités auprès des banques privées pour des projets structurants de transition. Ce que vient d’ailleurs de proposer la Banque des Territoires (v. notre article du 15 février 2023). Le Cese appelle par ailleurs à élargir les missions (notamment ses capacités pour la recherche de financements auprès de la BEI) et augmenter l’enveloppe de cette dernière pour accompagner les collectivités sur des projets qui seraient aujourd’hui non couverts par le marché bancaire. Soulignant l’efficacité des efforts financiers conduits par les collectivités, "soutenues par la Banque des Territoires à travers plusieurs dispositifs (ingénierie, prêts, apport en fonds propres)", pour la rénovation des logements sociaux et les projets de mobilité, l’auteure estime en effet que "des progrès importants restent à faire dans la rénovation des bâtiments publics ou la gestion de l’eau" (notons au passage qu’elle propose en la matière la suppression du "plafond mordant" pour les agences de l’eau).

Front européen

Autre proposition connue, celle de sortir les investissements relatifs à la transition écologique de la "contrainte" – somme toute assez souple, puisque la France ne l’a respectée que 9 fois depuis 1990 – de la limite des 3% de déficit budgétaire public du Pacte de stabilité et croissance. On sait le débat porté par la France auprès de la Commission, qui semble ne plus y être totalement insensible (v. notre article du 14 septembre 2022). 

L’assouplissement serait d’autant plus nécessaire que le Cese préconise également à l’État de proposer à l’UE que chaque État membre présente un "pacte européen d’investissement pour la transition écologique", dans lequel il "s’engagerait à investir 2 points supplémentaires de PIB/an en faveur de la transition écologique". La France devrait en outre plaider selon lui pour la création d’un fonds européen dédié à la transition écologique, sur le modèle de la facilité de relance et de résilience, fondé sur un endettement commun et "avec une gouvernance démocratique". La rapporteure défend encore un assouplissement des règles de la concurrence : règle de minimis, mais aussi exclusion des services publics, des services d’intérêt général et des activités à but non lucratif du champ de la concurrence lorsque leurs interventions ont trait à la transition écologique.