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Financement des campagnes électorales : les prêts de personnes physiques montrés du doigt

Dans son rapport d'activité 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques critique le cadre juridique qui autorise les candidats aux élections politiques à recourir à des prêts auprès de personnes physiques.

Parmi les moyens de financement des campagnes électorales, les emprunts contractés par les candidats auprès de personnes physiques prennent une part croissante. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) le constate dans son rapport d'activité 2021, rendu public le 22 juin dernier.

Lors des élections municipales de mars et juin 2020, un peu moins de 9% des 5.111 candidats présents dans les communes de 9.000 habitants et plus ont eu recours à ce type de prêts pour un montant total de 4,9 millions d'euros. Soit un peu moins de 4% des dépenses totales déclarées par les candidats. Cette proportion demeure plutôt modeste, mais elle est deux fois supérieure à ce qu'elle était en 2014. Dans le détail, on saura que lors du scrutin de 2020, les montants prêtés variaient de 10 à 80.000 euros par prêt. Si la grande majorité des quelque 1.600 prêts consentis étaient d'un montant inférieur à 1.000 euros, 139 étaient d'au moins 10.000 euros.

"Rapports d'influence"

Lors des élections régionales de juin 2021, 22 candidats sur 155 ont eu recours à des emprunts auprès de personnes physiques (contre 4 sur 156 en 2015), pour un montant total de 4,9 millions d’euros, soit 9,1% du total des dépenses déclarées (contre seulement 0,55% en 2015). Un candidat à ce scrutin a même emprunté la coquette somme de 400.000 euros à une personne physique.

Le recours aux prêts consentis par des personnes physiques est né de la volonté du législateur de permettre son développement. La loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique énonce ainsi le principe selon lequel, dans la limite d’une durée maximale de cinq ans, les personnes physiques peuvent consentir des prêts à des candidats dès lors que ce n’est pas "à titre habituel". Le but, qui était de pallier les difficultés d’accès à l’emprunt bancaire, semble au moins en partie atteint.

Toutefois, le dispositif "suscite diverses interrogations quant à ses limites et failles éventuelles", estime la commission. Pour qui, en cas de "forte dépendance financière" d’un candidat élu, à l’égard de ses principaux prêteurs, il faut s'interroger sur "l'éventualité de rapports d’influence". L'instance rappelle à ce sujet, qu'à la différence de ce qui est prévu pour les dons et pour les prêts souscrits auprès des établissements de crédit, il n'existe "pas de critère de résidence ou de nationalité" pour les prêteurs ayant le statut de personnes physiques.

Transparence

Des dispositions règlementaires encadrent certes le dispositif, pour que les prêts ne constituent pas des dons déguisés. Ainsi, chaque année, le candidat concerné doit communiquer à la commission un état de remboursement du ou des prêts contractés auprès de personnes physiques. Mais, au terme fixé par les textes, à peine 10% des candidats concernés se sont acquittés en 2021 de leurs obligations de justification du remboursement des prêts contractés.

Il a donc fallu que la commission engage une campagne de communication axée sur cette question, puis adresse aux candidats toujours défaillants des lettres de mise en demeure. Mais l'instance dressait encore, au 15 avril 2022, un bilan mitigé : le remboursement des sommes empruntées était justifié à hauteur de seulement 70% des montants empruntés, soit 3,4 millions d’euros. En outre, 99 candidats ont fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République. "Cette situation n’est pas satisfaisante et justifie une réflexion sur la pertinence du dispositif législatif en vigueur", conclut la CNCCFP.

 

 

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