Finances locales : 2023, année de tous les contrastes

La photographie de l'exécution des comptes publics locaux en 2023 s'affine avec la parution simultanée de données de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et d'une note du rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale. Elle met en évidence un très fort contraste entre la consolidation de la situation financière du bloc communal et les difficultés des départements. 

2023 est "une année plutôt positive" pour les finances du secteur public local dans son ensemble, mais les départements - et dans une moindre mesure les régions – ont été moins bien lotis sur la période que le bloc communal. C'est en résumé l'avis que Jean-René Cazeneuve formule au sujet de l'état de santé des collectivités, à fin 2023. Depuis son rapport au Premier ministre de juillet 2020 sur l'impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales, l'ex-président de la délégation aux collectivités territoriales et désormais rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale fait régulièrement le point sur la situation des finances locales. Son dernier baromètre a été communiqué à la presse ce 19 mars. Il s'appuie sur des données quasi définitives de la direction générale des finances publiques (DGFIP) concernant l'exécution des comptes publics locaux en 2023.

Épargne brute en recul de plus de 8%

Selon la note de la DGFIP qui vient d'être mise en ligne, les recettes de fonctionnement de l’ensemble des collectivités locales ont progressé en 2023 de 7 milliards d'euros (soit +3,1%) pour atteindre 234,2 milliards d'euros. Mais, sur la même année, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont connu une accélération sensible (+5,4%). En hausse de 10,2 milliards d'euros - notamment sous l’impulsion des frais de personnel (+4,7%) et des dépenses d'énergie (+21,8%) - elles se sont établies en fin d'année dernière à près de 198,9 milliards d'euros. Conséquence : l'épargne brute, à savoir la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement - que les experts considèrent comme un indicateur clé de la santé financière des collectivités - s'est élevée à 35,3 milliards d'euros l'an dernier. Un résultat en demi-teinte : la part de ressources sur laquelle les collectivités ont pu compter pour investir et rembourser leurs emprunts s'est dégradée de 8,3% par rapport à 2022, une année où elle avait été "particulièrement élevée", relève le rapporteur général du budget. Qui tempère : cet indicateur demeure "bien plus haut" qu’en 2017. Cette année-là, marquée par le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, il s'était élevé à 29,7 milliards d'euros.

Le fléchissement de leur capacité d'autofinancement n'a toutefois pas empêché les collectivités d'investir toujours plus en 2023, avec "un record" de 80,5 milliards d'euros (soit + 5,4% par rapport à 2022), souligne le député Renaissance. En précisant toutefois que "l’augmentation de l’investissement en valeur doit être relativisée puisque le coût unitaire des travaux a lui aussi augmenté". Les collectivités sont parvenues à ce résultat sans recourir davantage à l'emprunt, et ce grâce à "la croissance des recettes réelles d’investissement (+2,5% sur un an)" et à "la mobilisation de la trésorerie".

Situation plus favorable pour les grandes villes

Mais entre les différentes catégories de collectivités, les situations sont très disparates, comme le révélaient les premières données de la DGFIP parues en janvier (voir notre article). Grâce à des recettes fiscales dynamiques - à l'image de la taxe sur le foncier bâti - le bloc communal a tiré son épingle du jeu, en 2023 : sa capacité d'autofinancement brute a connu une "franche augmentation" (+ 9,8%). "La hausse de l’épargne brute est visible partout, mais avec des différences notables selon la taille des communes", précise cependant Jean-René Cazeneuve. Globalement, la situation a été plus favorable aux communes de plus de 100.000 habitants : leur épargne brute s'est accrue de 11,7%, un niveau trois fois supérieur à celui de l'épargne brute des communes de moins de 3.500 habitants (+ 3,7%).

Avec en particulier un recul moyen de 22,1% de leurs recettes de droits de mutation à titre onéreux (qui est même allé jusqu'à plus de 30% dans les Yvelines et l'Ariège), les départements se sont enfoncés dans le rouge. Leur épargne brute a été en repli de 39,1%. Après déduction des remboursements d'emprunt, leur épargne - dite "nette" - apparaît en contraction d'un peu plus de 53%. Un handicap pour la poursuite des investissements départementaux. 

Départements amenés à s'endetter

S'ils veulent mener à bien leurs programmes d'investissement, les départements n'auront pas d'autre choix que d'augmenter "sensiblement dans les années à venir" leur recours à l'emprunt, en déduit l'agence de notation Fitch Ratings dans un communiqué publié ce 20 mars. Par exemple, "la dette nette totale" des huit départements notés par l'agence américaine pourrait "augmenter de l’ordre de 30% d’ici 2027". Ce qui ne devrait toutefois pas avoir une incidence sur les notes attribuées à ces collectivités, observe Fitch.

Les finances régionales souffrent, elles aussi, de recettes atones. Elles affichent dès lors une capacité d'autofinancement brute en baisse de 4,6%. Mais les situations sont contrastées selon les régions : la moitié voit ses marges de manœuvre progresser, tandis que l'autre les voit au contraire se réduire.