Finances locales : turbulences pour les départements, vol sans encombre pour le bloc communal ?

Les communes et les intercommunalités ont globalement renforcé leurs marges de manœuvre financières au terme de l'année 2023. Ce qui n'a pas été le cas des régions, et encore moins des départements. Ces derniers ont probablement connu une "annus horribilis" sur le plan financier : leurs recettes de fonctionnement mobilisables pour le financement des investissements ont chuté de 63%, selon des données de la Direction générale des finances publiques.

Véritable indicateur de la santé financière du secteur public local, l'épargne brute des collectivités – différence entre leurs recettes et leurs dépenses de fonctionnement – s'est élevée à 25 milliards d'euros à fin 2023, montant qui était en repli de 14% sur un an, mais demeurant supérieur à son niveau d’avant la crise sanitaire (20,3 milliards d'euros), selon la dernière "situation mensuelle comptable des collectivités locales", publiée par la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

Cette baisse est surtout due au plongeon de l'épargne brute des départements, qui passe de 11,6 milliards d'euros à fin 2022 à 6,3 milliards d'euros un an plus tard, soit -45%, selon ce bilan provisoire fondé sur les données des budgets principaux des collectivités et intercommunalités. Un point de situation qui doit être lu "avec précaution" – selon la DGFIP – mais qui reflète sans doute bien les grandes tendances des finances locales.

Conjoncture difficile pour les villes moyennes ?

La conjoncture très morose du marché immobilier et son impact sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la stabilité de la dotation globale de fonctionnement, les conséquences de l'inflation sur les achats et les prestations sociales, l'envolée des coûts de l'aide sociale à l'enfance et des missions concernant les mineurs non accompagnés… "Jamais autant de clignotants sont passés au rouge avec, pour tous les départements, des ressources en chute libre et des dépenses qui explosent", résumait, le 17 janvier, François Sauvadet, président de Départements de France (voir notre article).

Les finances des régions sont également fragilisées, leur épargne brute (4,1 milliards d'euros) reculant de près de 12% en un an. Il n'en est pas de même des communes et des intercommunalités, dont les finances apparaissent globalement en meilleure santé, avec des taux d'épargne brute (8,8 milliards et 5,6 milliards d'euros), en progression respectivement de 10% et 14%. Toutefois – la note de la DGFIP ne le dit pas – les situations des entités du bloc communal devraient être variées en 2023, dans la droite ligne de 2022. Une année au cours de laquelle, selon l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), l’épargne brute avait augmenté pour les communes de moins de 5.000 habitants ainsi que pour les communes de plus de 100.000 habitants, mais avait connu un repli pour les villes comprises entre 5.000 et 100.000 habitants (voir notre article du 21 novembre).

Les investissements locaux progressent

L'association Villes de France, qui fédère des villes de 10.000 à 100.000 habitants et leurs intercommunalités, tablait d'ailleurs, à l'automne, sur la répétition cette année de ce scénario. "Avec une masse salariale qui représente plus de 55% des dépenses réelles de fonctionnement, des charges de centralité difficilement compressibles, des recettes de fonctionnement majoritairement constituées de dotations étatiques, ou de compensations fiscales dont l’évolution est presque nulle", l'équation est compliquée, soulignait-elle.

Selon la note de la DGFIP, l'épargne nette – c'est-à-dire l'épargne brute après déduction des remboursements de dettes – qui correspond à la part des ressources restant disponibles pour financer les investissements, dévisse pour les départements : de 8,4 milliards d'euros fin 2022 à 3,1 milliards d'euros fin 2023, soit -63%. Un coup dur pour les investissements des départements, qui ont cru, malgré tout, de 2,8% en 2023. Mais, avec une inflation de +3,7% en un an, l'investissement départemental a reculé dans les faits. Les dépenses d’investissement du bloc communal et des régions ont progressé plus fortement (respectivement +7,6% et +5,8%).