Fonds vert : les 150 premiers "lauréats" désignés, des améliorations et une pérennisation à l’étude

Les 150 premiers "lauréats" du fonds vert ont été rendus publics ce 3 avril, à l’occasion d’une cérémonie clôturée par la Première ministre. Élisabeth Borne a indiqué à cette occasion qu’elle rencontrerait la semaine prochaine les associations de collectivités pour voir comment "pérenniser un soutien de l’État à la transition écologique dans les territoires". D’autres aménagements ont été évoqués par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, dont un rehaussement du taux de cofinancement de 80% en milieu rural.

Le fonds vert fait recette. "La barre des 6.000 dossiers déposés a été franchie ce week-end", s’est félicité ce 3 avril le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, à l’occasion de la réunion des 150 premiers "lauréats" de ce dispositif. "Les demandes représentent déjà plus de 2 milliards d’euros de crédits", calcule le cabinet du ministre. Soit l’enveloppe finalement arrêtée pour 2023 (voir notre article du 11 octobre 2022). "Cela ne veut pas dire que le fonds vert est consommé, puisque l’on parle bien ici de dossiers déposés, qui pour la plupart doivent encore être instruits [ndlr, une dizaine auraient pour l’heure été refusés]. On continue de recevoir des dossiers. On continuera encore, sur les prochains mois, à les accepter", explique le cabinet. 

Critères de sélection

Le total des subventions accordées aux 150 premiers bénéficiaires s’élève à 60 millions d’euros. Il reste donc du grain à moudre. Christophe Béchu a indiqué que la sélection s’opérait notamment en tenant compte de la rapidité de la mise en œuvre du projet et des gains – écologiques, énergétiques, budgétaires… – escomptés. Venue clôturer la cérémonie, la Première ministre, à l’origine de ce fonds (voir notre article du 29 août 2022), a rappelé que priorité était également donnée "aux collectivités qui en ont le plus besoin, aux communes rurales, à celles des quartiers de la politique de la ville, aux petites communes et aux villes moyennes". Et a assuré qu’une réponse rapide serait apportée aux demandeurs (voir notre article du 29 mars). 

Rénovation des bâtiments et de l’éclairage public en tête

Crise énergétique aidant, des 14 axes que comprend ce fonds, ce sont ceux visant la rénovation énergétique des bâtiments publics (40% des demandes au 27 mars) et de l’éclairage public (28%) qui sont les plus sollicités. "Du bon sens, souligne l’entourage du ministre. La rénovation du parc, qui représente parfois un gouffre pour les collectivités, permet de faire des économies de fonctionnement et de récupérer de l’oxygène." Le cabinet invoque également "l’influence du plan de relance, qui a fortement amorcé la pompe". Viennent ensuite la renaturation (11% des demandes), le recyclage des friches (6%) – là encore "largement amorcé par le plan de relance" –, et la biodiversité (5%).

La renaturation à l’épreuve du zéro artificialisation nette ?

Dans les territoires, des préfets avouent être néanmoins surpris par le peu de demandes relatives à la renaturation. Faut-il y voir l’effet de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) prévu par la loi Climat et Résilience, qui en l’état ne permet pas d’en tenir compte avant 2030 pour recréer des droits à construire – difficulté relevée d’emblée par Christophe Béchu (voir notre article du 15 septembre 2022) ? "Au cours de nos réunions, des préfets de région ont effectivement fait remonter quelques témoignages de maires – qui ne font pas une vérité – en ce sens. Ils sont assez prudents et attendent de voir comment le ZAN va être réinterprété", concède le cabinet du ministre, interrogé par Localtis, en évoquant les propositions de loi en cours de discussion (la disposition a notamment été revue par le texte sénatorial adopté en première lecture par la Chambre haute – voir notre article du 17 mars).

La Banque des Territoires engagée pour la transformation écologique

Une offre complète pour amplifier l'impact du fonds vert.

Quantité et qualité

Un cabinet qui se réjouit par ailleurs de la qualité des dossiers déposés, elle aussi "vraiment au rendez-vous. Sur la rénovation énergétique, plus de 65% des projets présentent un gain énergétique de plus de 40%. Pour l’éclairage public, les communes proposent souvent de rénover plus de 30% de leur parc de lampadaires. Pour l’axe Soutien au tri à la source et valorisation des biodéchets, l’ensemble des dossiers déposés permettrait à plus de 5 millions de Français de disposer d’une opportunité de tri. Ce sont vraiment des actions structurantes".

Des aménagements du dispositif sont toutefois encore espérés par les porteurs de projets : "Pour être éligible, un projet de rénovation énergétique d’un bâtiment doit permettre une réduction des consommations d’énergie finale d’au moins 30%. Ces gains doivent être attestés par une étude thermique, dont le coût est parfois disproportionné au regard du projet", prend ainsi exemple un membre d’un service instructeur, qui espère que la règle sera ajustée.

Ajustements…

"Le fonds vert n’est pas figé", a rassuré la Première ministre, évoquant notamment une possible évolution de la liste des 14 axes, "en fonction de vos besoins". Soulignant que ce fonds avait été "conçu par des élus locaux, pour des élus locaux" (voir notre article du 14 septembre 2022), Christophe Béchu a déclaré d’ores et déjà travailler avec Dominique Faure à "deux axes majeures d'amélioration". Le premier vise la limite du cofinancement à hauteur de 80%, qui pourrait être relevée en milieu rural. La seconde, "c’est l’ingénierie". "Bien souvent les élus locaux me disent leur envie d’agir, mais qu’ils en sont parfois empêchés faute d’outils pour concevoir et mener à bien leurs projets. C’est pourquoi le fonds vert est accompagné d’une offre d’ingénierie importante", souligne pourtant la Première ministre. Christophe Béchu est sur la même ligne, mais relaye pour autant le "sentiment qu’une porte d’entrée unique n’existe pas". Outre les acteurs publics impliqués (Agence nationale de cohésion des territoires, Cerema, Ademe, agences de l'eau, Banque des Territoires…), il entend y remédier, en visant comme telle "les préfectures et les sous-préfectures" – plus que jamais en grâce depuis la crise sanitaire. Non sans logique puisque le préfet de département est déjà le délégué territorial de l’ANCT, et en cette qualité le point d’accès unique pour les collectivités souhaitant bénéficier de l’intervention de cette dernière (voir notre article du 2 juin 2020).

… et pérennisation

Si le fonds vert n’est pas figé, il pourrait en revanche fort bien être pérennisé. "L’inscrire dans tout le quinquennat est l’un des souhaits très forts de Christophe Béchu", indique l’entourage de ce dernier. Élisabeth Borne n’a pas encore officiellement franchi le pas, mais en prend la direction. "Toutes les collectivités ne sont pas encore prêtes pour déposer un dossier. Mais pratiquement toutes portent des projets utiles à notre transition écologique […]. C’est pourquoi dès la semaine prochaine, j’échangerai avec les associations de collectivités sur la façon dont nous pourrons pérenniser un soutien de l’État à la transition écologique dans les territoires." Élisabeth Borne fait en effet part de sa conviction que la "transition écologique se joue sur le terrain" et "qu’agir avec les élus est une condition de la réussite". Une réussite qui tient également selon elle à une transition "concrète et porteuse de changements visibles pour nos compatriotes", faite "d’améliorations tangibles dans leur quotidien".