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Territoires - Forêt et bois : ce que prévoit la loi d'avenir

Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, adopté en première lecture par l'Assemblée, le 14 janvier, prévoit d'importantes mesures pour lutter contre le morcellement forestier. Il renforce les droits des communes et instaure notamment un droit de préemption pour les forêts abandonnées... Un texte qui "répond aux attentes fortes" des communes forestières.

La Fédération nationale des communes forestières (FNCF) s'est félicitée, vendredi, des nouvelles dispositions concernant la forêt dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt adopté par les députés en première lecture, mardi 14 janvier.
Les vifs débats sur l'agro-écologie ont occulté ce volet pourtant important (titre V) qui cherche à redonner de la compétitivité à la filière. Celle-ci accuse un déficit commercial de 6,5 milliards d'euros, soit 10% du déficit commercial français. Le projet de loi permet de mettre en application une partie des mesures en "amont" du plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois lancé en octobre dernier. "Le texte répond aux attentes fortes exprimées pour la reconnaissance des enjeux portés par la filière forêt-bois", se réjouit la fédération, dans un communiqué.
Comme le rappelle dans son avis le rapporteur Jean-Yves Caullet (PS), par ailleurs auteur du rapport "Bois et Forêts de France – Nouveaux défis" remis au gouvernement en juin 2013, "avec plus de 400.000 emplois, les secteurs de la forêt et du bois sont à l'égal de l'industrie automobile".
Pour relever la filière, le projet de loi instaure un fonds stratégique pour la forêt et le bois, il crée des groupements économiques et environnementaux forestiers (GIEEF), il s'attaque aux récoltes illégales et au morcellement sachant qu'aujourd'hui la forêt est entre les mains de 3,3 millions de propriétaires, 11.000 communes forestières et l'Etat (forêts domaniales)… 

Intérêt général

Le projet de loi liste tout d'abord les missions d'intérêt général de la forêt (article 29). L'intérêt de lister ces bienfaits ("aménités") est de pouvoir justifier d'éventuels financements publics ou obligations. La fixation du carbone fait ainsi partie de ces missions. Les députés ont ajouté la protection de la ressource en eau et la fixation des sols par la forêt, notamment en zones de montagne.
La première application concrète de cette mission d'intérêt général a été d'instaurer une obligation d'utilisation du bois dans la construction. Les députés ont introduit une modification au Code de la construction et de l'habitation qui impose dans les constructions neuves "une quantité minimale de bois comprise entre 5 et 50 décimètres cube par mètre carré de surface hors œuvre". Une obligation justifiée par le fait que "le bois contribue au stockage du carbone et à la prévention du changement climatique". En application de son plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois lancé en octobre dernier, le gouvernement souhaitait en effet faire adopter un amendement en ce sens, après qu'un décret avait été recalé par le Conseil constitutionnel en mai 2013. Cependant, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a expliqué aux députés que la disposition n'était toujours pas sûre juridiquement. "Vérification faite auprès du Conseil constitutionnel, même avec ce que nous avons adopté comme objectifs d'intérêt général pour la forêt, l'obligation d'utilisation du bois dans la construction n'est pas juridiquement compatible", a-t-il déclaré, précisant qu'un nouvel amendement gouvernemental serait préparé en deuxième lecture. Toutefois Jean-Yves Caullet a nuancé l'enjeu de cette mesure en rappelant que la commande publique permet déjà "d'inciter à l'utilisation de bois validé par des labels locaux, comme le Bois des Alpes". De son côté, le député de la Drôme François Brottes (SRC) a apporté cette mise en garde : la mesure "pourrait créer un appel fort de bois d'importation par exemple, car notre filière n'est pas toujours prête".
L'autre nouveauté du texte est de regrouper les orientations de la politique forestière dans un document unique, le Programme national de la forêt et du bois, lui-même décliné en programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB). Une coordination interrégionale pourra être prévue. Ces PRFB se substituent aux orientations régionales forestières (ORF) et au plan pluriannuel régional de développement forestier (PPRDF). Elaboré par la commission régionale de la forêt et du bois, le programme régional fixe par massif forestier, les priorités économiques, environnementales et sociales et les traduit en objectifs. Tous les documents d'orientation régionaux, départementaux et locaux arrêtés par l'Etat ou par les collectivités ayant une incidence sur la forêt et la filière bois devront tenir compte du programme régional.
Le principal instrument financier de cette politique sera le nouveau fonds stratégique de la forêt et du bois. Un décret en fixera les règles d'éligibilité. Ses dotations (part de la taxe sur le foncier non bâti, compensation défrichement, subventions...) sont précisées en partie dans la loi de finances pour 2014. Mais l'étude d'impact du projet de loi prévoit un montant total de 32 millions d'euros, bien loin des 100 millions d'euros qu'envisageait Jean-Yves Caullet dans son rapport.
Pour faciliter les dessertes, le département élaborera chaque année un schéma d'accès à la ressource forestière, en concertation avec les communes et les intercommunalités.

Droit de préférence

Les députés ont par ailleurs apporté des amendements pour limiter le morcellement des forêts privées. Le projet de loi procède à la refonte des documents d'aménagement forestier en supprimant les codes de bonnes pratiques sylvicoles destinés aux plus petites parcelles et instaure le GIEEF (groupement d'intérêt économique et environnemental forestier) permettant à plusieurs propriétaires de forêts privées de les gérer en commun. Les députés ont assoupli les conditions requises pour constituer un GIEEF en instaurant une alternative : soit les forêts regroupées constitueront un ensemble d'au moins 300 hectares, soit elles rassembleront au moins vingt propriétés d'au moins 100 hectares.
Le texte rénove par ailleurs le "droit de préférence" des propriétaires de parcelles mitoyennes lors de la vente d'une forêt. Les députés ont élargi ce droit aux collectivités pour les ventes de forêts de moins de 4 hectares. Il ne s'agit pas d'un droit de préemption puisque les collectivités se trouveront à égalité avec les propriétaires de parcelles mitoyennes. Toutefois, si la commune dispose elle-même d'une parcelle contiguë à la forêt en vente, là, elle pourra faire usage d'un droit de préemption, au même titre que l'Etat. Autre nouveauté : les députés ont introduit un droit de préemption des communes pour les forêts réputées "sans maître", c'est-à-dire laissées à l'abandon : "La commune dans laquelle est située ce bien peut, par délibération du conseil municipal, l'incorporer dans le domaine communal."
Autant de dispositions qui ont reçu l'assentiment de la FNCF : "A l'issue de cette première lecture, les résultats sont particulièrement satisfaisants", se félicite-t-elle. Le texte est à présent entre les mains des sénateurs.