Forêts : un plan pour prévenir les invasions de scolytes et traiter leurs conséquences

Le ministère de l’Agriculture a présenté ce 15 avril dans les Vosges un plan d’actions "Scolytes et bois de crise" pour faire face à l’invasion d’insectes qui ravagent, pour l’heure, les forêts d’épicéas et de sapins du grand quart nord-est de la France.

"Une tempête silencieuse qui s’abat sur les forêts". C’est ainsi que le ministre de l’Agriculture décrit la prolifération de scolytes qui menacent les forêts françaises – pour l’heure celles d’épicéas et de sapins, en particulier –, contre laquelle il entend lutter. En déplacement dans les Vosges, Marc Fesneau a ainsi présenté ce 15 avril un "plan national d’actions scolytes et bois de crise", alors que l’on estime à 110.000 ha les surfaces attaquées dans le seul grand quart nord-est de la France (sur un peuplement estimé à 520.000 ha). Depuis 2018, le volume de "bois de crise" s’élèverait à 37 millions de m3 : 22 millions de m3 d’épicéas et 15 millions de m3 de sapins – à rapporter aux 4.000 m3, de chênes, de la charpente de Notre-Dame de Paris.

Détecter et sensibiliser

Les scolytes – terme qui recouvre quantité d’espèces différentes – sont des insectes utiles pour la régénération forestière, puisque accélérant la décomposition du bois mort. Mais l’ONF enseigne que "sensibles aux phytohormones émises par les arbres déshydratés, blessés ou affaiblis", ces coléoptères s’attaquent également volontiers aux arbres sur pied, qu’ils font dépérir en creusant des galeries sous leur écorce (dans le cambium). Or, avec un réchauffement climatique favorisant le stress hydrique, leur expansion se fait exponentielle, et nécessite d’être enrayée. L’enjeu est de détecter au plus vite les foyers : observation, sensibilisation et partage de l’information sont donc encouragés par le ministère, qui entend notamment renforcer l’action de son département "santé des forêts".  

Circonscrire les foyers, favoriser le renouvellement forestier

Une fois le foyer détecté, l’enjeu est d’enrayer au plus vite la propagation des insectes. La seule méthode de lutte consistant en l’écorçage des arbres abattus – une pratique jugée "peu développée" –, le ministère entend encourager l’acquisition de "kits d’écorçage", via une aide financière à hauteur de 65% du prix d’achat de ce matériel, dans la limite de 8.000 euros par unité, dont pourront bénéficier les entreprises propriétaires d’abatteuses et exploitant mécaniquement la forêt. 

La cellule nationale de crise naguère mise en place pour faire face à ce phénomène sera par ailleurs pérennisée – et son champ d’action élargi à l’ensemble des questions relatives à la gestion des bois de crise ; elle se réunira au moins trimestriellement. Des cellules de crise locales pourront en outre être constituées – certaines le sont déjà –, sur demande des représentants locaux de la filière forêt-bois, en concertation avec les services déconcentrés de l’État.

En outre, les nécessaires actions de coupes n’étant pas toujours comprises, le ministère entend également "éclairer la société civile" sur les enjeux du renouvellement forestier. Pour favoriser ce dernier, le gouvernement prévoit par ailleurs de renforcer les aides aux propriétaires de peuplements sinistrés. Un bonus sera prévu dès lors que la coupe répondra à un certain nombre de conditions, qui permettra de porter le taux de prise en charge, aujourd’hui de 80%, jusqu’à 100%. 

Favoriser les débouchés pour le bois touché

Les bois scolytés abattus au bon moment restant "tout à fait aptes à la construction" – en témoigne le siège de l’ONF, qui y a eu recours –, le gouvernement entend valoriser ce débouché en relayant notamment le guide publié en octobre dernier à cette fin par la Fédération nationale des communes forestières (FNCofor) et l’ONF auprès des prescripteurs de construction, et notamment les acheteurs publics.

Dans les cas où ces bois n’ont pu être récoltés suffisamment tôt, le ministère souhaite de même favoriser leur utilisation pour approvisionner les centrales biomasse, en élargissant les rayons d’approvisionnement de ces dernières. Une dérogation est ainsi prévue afin de permettre aux fournisseurs d’installations ayant bénéficié d’une aide publique via les dispositifs Biomasse chaleur pour l’industrie, l’agriculture et le tertiaire (BCIAT), Biomasse chaleur pour l’industrie du bois (BCIB) ou le fonds chaleur de remplacer du bois frais par du bois résineux de crise provenant de régions limitrophes à celles prévues initialement dans leur plan d’approvisionnement. Cette dérogation est d’ores et déjà ouverte pour les plaquettes forestières provenant de communes de Bourgogne-Franche-Comté, de Grand Est et d’Auvergne-Rhône-Alpes figurant dans une liste établie par le ministère de l’Agriculture. Une dérogation accordée pour 18 mois, renouvelable sous conditions.

Lancement d’une mission inter-inspections

Une mission inter-inspections – CGAAER/IGF/IGEDD – sera par ailleurs lancée afin d’étudier plus largement "la préparation de la filière et besoins d’accompagnement en lien avec les crises sylvicoles". Seront étudiés en particulier "la question des aides accordées par les pouvoirs publics à la filière, les mécanismes de mutualisation des risques en forêt et les soutiens apportés par les assurances, notamment en matière d’indemnisation du capital sur pied, les opportunités et obstacles pour une meilleure valorisation des bois de crise au sein de l’industrie du bois" ou encore "la question d’un possible développement du stockage sous forme de produits semi-finis en remplacement des grumes sous aspersion".