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Fonction publique territoriale - Formation des agents : bilan mitigé pour la réforme de 2007

Selon un rapport de l'Inspection générale de l'administration, certains dispositifs mis en place par la réforme de 2007 sur la formation des agents territoriaux - le droit individuel à la formation par exemple - peinent à se développer. Un renforcement de la formation d'intégration des cadres récemment entrés dans la territoriale est recommandé. François Deluga, président du CNFPT a trouvé dans ce rapport des échos à ses propres propositions ou à des mesures déjà engagées.

La loi du 19 février 2007 sur la fonction publique territoriale devait amorcer un tournant dans la formation des agents, en transposant à leur secteur le concept de formation tout au long de la vie. Sept ans après, le "panorama" est "pour le moins contrasté", conclut l'Inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport qu'elle a remis durant l'été à la ministre en charge de la Décentralisation et de la Fonction publique et qui vient d'être rendu public.
Le bouleversement des règles consécutif à la loi s'est traduit par une chute du nombre moyen de journées de formation suivies par les agents (2,45 jours en 2009, contre 3,01 en 2007). En 2011, le volume de formations dispensées se situait encore en dessous de celui d'avant la réforme. Durant cette période de "transition", les acteurs ont eu besoin de temps pour s'approprier les nouveaux dispositifs. Comme avec le plan de formation, dont la moitié seulement des collectivités sont dotées. Autre déception : le droit individuel à la formation (DIF), la validation des acquis de l'expérience (VAE), ou encore le bilan de compétences sont à ce jour peu utilisés. Des regrets unanimes sont exprimés aussi vis-à-vis de la réduction à 5 jours de la durée de la formation d'intégration (auparavant dite "initiale") des agents des catégories A et B – alors qu'avant 2007, ces derniers disposaient respectivement de 180 et 90 jours de formations théorique et pratique.

Des progrès pour la catégorie C

Voulu par le législateur, le "rééquilibrage de la formation en faveur des agents de catégorie C" est en revanche au rendez-vous, du fait notamment de l'obligation qu'ils ont de suivre une formation d'intégration. "C'est la grande réussite de cette loi", relève la mission. Qui note à ce sujet que le CNFPT a bien joué le rôle qu'on attendait de lui. Avec plus de 53% du marché de la formation des agents territoriaux, l'établissement a par ailleurs "su adapter son offre de formation" en proposant notamment "une véritable offre de parcours de formation". Les efforts déployés par l'organisme pour rapprocher les lieux de formation des agents sont également salués. La mission relève, enfin, que le CNFPT a le souci de répondre aux besoins tant des grandes que des petites collectivités (en exerçant auprès de ces dernières un rôle d'"accompagnateur").
Pour "consolider" la réforme de 2007, l'IGA préconise de doubler la durée de la formation d'intégration des cadres dont l'expérience dans la territoriale ne dépasse pas deux ans (soit 24% des stagiaires de catégorie A et 21,5% de ceux de catégorie B). La formation de professionnalisation au premier emploi, obligatoire dans les deux ans suivant la nomination de l'agent, devrait éventuellement, elle aussi, passer de cinq à dix jours. De plus, pour que les plans de formation occupent véritablement une place centrale dans l'organisation des ressources humaines, les hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur recommandent d'accentuer la mutualisation de ces plans à l'échelle intercommunale. Le renforcement de la dimension de la formation dans les entretiens annuels d'évaluation, à l'occasion de leur généralisation en 2015, devrait par ailleurs permettre de mieux recenser les besoins de formation des agents, poursuivent-ils. S'agissant du DIF, ils proposent de le "réorienter explicitement pour en faire un outil de mobilité".

Des formations aussi pour les non-titulaires ?

Pour "lever les freins à la formation", la mission appelle le CNFPT à "mieux rembourser" les frais de transport des stagiaires et à réduire le champ de ses formations payantes. Celui-ci s'apprête d'ailleurs à mettre en œuvre cette seconde piste. Autre recommandation : développer la formation à distance "en coordination avec les réseaux de formation des autres fonctions publiques".
Au-delà de ces préconisations visant le CNFPT, la mission dresse un certain nombre de perspectives générales pour la formation dans les collectivités. Comme la reconnaissance de nouveaux droits en faveur des personnels non titulaires, qui représentent 20% des effectifs de la fonction publique territoriale. Actuellement, les formations obligatoires ne concernent que les fonctionnaires.
En outre, la mission considère que de nouveaux outils doivent être créés pour renforcer l'orientation professionnelle des agents et leur reconversion, tels qu'un entretien obligatoire en milieu de carrière et une nouvelle position statutaire de reclassement. Elle insiste également sur le rôle positif de la formation comme "levier d'accompagnement du changement" dans le cadre de la réforme territoriale engagée.

Thomas Beurey / Projets publics

Le président du CNFPT défend les choix de son établissement

François Deluga réagit à deux propositions du rapport. L'une concerne le remboursement des frais de transport, question sur laquelle le CNFPT est critiqué.

Localtis - L'IGA suggère de porter à dix jours - contre cinq aujourd'hui - la durée des formations d'intégration des agents de catégorie A. Mais uniquement pour les agents ne disposant pas d'expérience dans la fonction publique territoriale. Qu'en pensez-vous ?

François Deluga - Cette préconisation reprend la proposition que j’avais faite à Marylise Lebranchu en décembre 2012, lorsque je lui avais remis le document "46 propositions d’adaptation du statut de la fonction publique territoriale" [voir notre article du 10 janvier 2013, Ndlr]. En fait, le rapport de l’IGA fait bien la distinction entre les "primo-accédants à la FPT" et ceux qui y progressent, pour l’ensemble des catégories A et B. Pour les nouveaux arrivés, l’IGA propose de doubler la formation d’intégration de 5 à 10 jours. Pour les autres, ceux qui évoluent déjà dans la FPT, l’IGA recommande de compléter la formation d’intégration en doublant la durée de la formation de professionnalisation au premier emploi. Nous le disions autrement en 2012, en expliquant qu’il fallait que les 5 jours supplémentaires de formation d’intégration soient différenciés en fonction du profil du candidat. Il est évident qu’un fonctionnaire stagiaire découvrant les collectivités locales n’a pas les mêmes besoins que quelqu’un qui y travaille déjà depuis plusieurs années. Nous préférons donc notre formulation : que cinq jours soient ajoutés aux formations initiales de tous les agents accédant aux catégories A et B, qu’ils soient primo-accédants ou d’origine interne, ces jours supplémentaires étant différenciés selon le profil des stagiaires. C’est la mesure qui a fait consensus parmi les représentants des organisations syndicales et des associations d’employeurs lorsque je les ai réunis en mai 2013.

Localtis - L'IGA critique le dispositif de remboursement des frais de transport du CNFPT. Il "s’avère pénalisant pour les agents venant de territoires ruraux", de même que pour ceux des "territoires urbains denses". Elle invite le CNFPT à "mieux rembourser les frais de transport", notamment par le biais d'une "adaptation de la franchise". Etes-vous prêt à prendre en compte ces remarques ?
François Deluga -
Nous avons déjà réformé notre dispositif de remboursement des frais de transport des stagiaires et les zones rurales ou urbaines denses ne sont pas défavorisées. Pour la question de la franchise, nous avons déjà anticipé cette recommandation en réduisant de 60 à 40 km aller/retour le seuil à partir duquel le CNFPT rembourse les frais de transport. La décision a été prise dès le 19 février de cette année et a commencé à s’appliquer le 4 août dernier. L’observation figurant dans le rapport de l’IGA résulte des très nombreuses interviews qu’ont menées les inspecteurs dans les collectivités territoriales. Ces entretiens ne pouvaient faire percevoir une mesure qui n’était pas encore appliquée.
Rembourser les déplacements des stagiaires sur la base du décret applicable aux collectivités, comme nous y invite l'inspection, aboutirait à réduire les fonds affectés à la formation d’environ 25 millions d’euros, sans compter une augmentation extrêmement dispendieuse du coût de traitement de ces frais de transport.