Fuites d'eau potable : l'UFC-Que choisir réclame un "véritable" plan de rénovation des réseaux

Dans une étude fondée sur des données officielles publiée ce 27 juin, l'UFC-Que choisir alerte sur la "gabegie économique et environnementale" due aux fuites d'eau potable. Un litre sur cinq est ainsi perdu en moyenne et cette proportion s'élève à un litre sur trois dans certaines agglomérations, pointe l'association de défense des consommateurs qui appelle les pouvoirs publics à "mettre en oeuvre un véritable plan de rénovation des réseaux d'eau".

C'est à une véritable croisade anti-gaspi que se livre l'UFC-Que choisir en publiant ce 27 juin une étude sur l'ampleur des fuites d'eau potable en France. L'association de défense des consommateurs, qui a analysé les données de l'Observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement, "sonne l'alarme sur le niveau considérable des pertes d'eau potable et la faiblesse des mesures prises pour y remédier", au moment où "l'eau doit être plus que jamais économisée".

Un litre sur cinq perdu, en moyenne

"De nombreuses agglomérations montrent qu'il est possible" de maîtriser les fuites, souligne l'étude. C'est notamment le cas de Cholet (0%), Saint-Malo (0,9%), Saint-Brieuc (1,3%), Fréjus (2,1%) ou encore Bussy-Saint-Georges (2,8%). Mais sur l'ensemble de la France, un litre sur cinq distribué (19,9%) est perdu, soit un milliard de m3 par an, équivalent à la consommation cumulée de Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nice, soit 18,5 millions d'habitants, souligne l'UFC-Que choisir.

Douze agglomérations ont des taux de fuites supérieurs d'au moins 10 points à la limite légale de 15%, fixée en 2012 par le Grenelle de l'environnement. Un litre sur trois disparaît même à Évreux (35,5%), Aix-les-Bains (30,5%), Cavaillon (30,3%), Amiens (30,3%) et Sens (30%), selon l'association.

Pour les communes rurales, les fuites autorisées peuvent monter à 35%, du fait de leurs budgets limités, réseaux ramifiés et étendus, etc. Mais dans les faits, presque un quart (24%) des communes de moins de 1.000 habitants dépasse le taux de fuite autorisé, avec 1 litre sur 2 perdu en moyenne.

Plus de la moitié de canalisations fragiles ou vétustes

Les canalisations en matériaux fragiles (fonte grise, PVC collé, amiante-ciment) représentent plus de la moitié (55%) du réseau français et une grande partie d’entre elles a déjà dépassé l’âge où elles auraient dû être remplacées, souligne l'étude. "En 2019, les Assises de l’eau avaient fixé l’objectif de renouveler 1% du réseau national par an, mais en réalité 0,67% seulement est renouvelé chaque année en moyenne, relève l'association. À ce rythme, il faudrait 150 ans pour remplacer la totalité du réseau, alors que la durée de vie d’une canalisation est comprise entre 50 ans et 80 ans selon le type de matériau utilisé !"

En examinant le taux de renouvellement pour les agglomérations ayant plus de 25% de fuites, seule Carpentras, avec un taux de 1,34% dépasse "très significativement" l’objectif national de renouvellement des réseaux et "semble avoir pris des mesures à la hauteur de l’enjeu", estime l'UFC-Que choisir qui constate que toutes les autres agglomérations ayant publié leurs chiffres sont en revanche en-dessous, Arles, Nîmes, Amiens, Sens et Aix-les-Bains ne réalisant que la moitié de cet objectif. Évreux est la lanterne rouge avec 0,2% de renouvellement de son réseau.

Renforcer les aides des agences de l'eau aux collectivités prioritaires

L'association appelle donc les pouvoirs publics à "mettre en œuvre un véritable plan de rénovation des réseaux et de le financer grâce à un rééquilibrage des redevances payées par les acteurs professionnels, au premier rang desquels l’agriculture intensive". "Dans le cadre du plan Eau, le président de la République a bien évoqué le sujet des fuites, mais pour proposer des mesures dérisoires. Alors que les experts exigent 2,5 à 3 milliards annuels, le président a annoncé 180 millions, abondés par une augmentation des redevances payées en grande partie par les consommateurs et ciblés sur les plus petites communes... bref, une goutte d'eau !", ironise l'association.

L'UFC-Que choisir "presse" les pouvoirs publics de renforcer les aides venues des agences de l'eau aux collectivités prioritaires, et d'augmenter le budget des Agences en relevant les redevances prélèvement payées par les acteurs professionnels. Aujourd'hui les aides venues des agences de l'eau sont "limitées en raison de l'inéquité des contributions des différents acteurs" :  les utilisateurs de l'eau sont censés contribuer en proportion de leurs pollutions et des volumes qu'ils prélèvent, mais la contribution de l'agriculture intensive est comprise entre 2% et 15% alors qu'elle représente 48% des consommations nettes (et au moins 80% en été). "Si l'on ajoute les montants que l'agriculture devrait payer pour les pollutions dont elle est responsable, cela représente un manque de financement considérable pour les agences de l'ordre de 1,6 milliard d'euros par an", estime l'UFC-Que choisir.

Appui technique aux petites communes

Il faudrait aussi selon elle développer l'appui technique des départements aux petites communes. L'aide des services de l'État en matière d'ingénierie (connaissance de l'état des réseaux, maîtrise d'ouvrage...) a été supprimée en 2016, laissant les plus petites communes démunies, déplore ainsi l'enquête. L'association appelle aussi à fixer des objectifs plus ambitieux en termes de taux de pertes autorisés et de connaissance de l’état des réseaux par les communes.

Enfin, pour sensibiliser l’opinion publique et les élus locaux, les départements et les agences de l’eau sur "cette gabegie et l’urgence à agir", l’UFC-Que choisir lance l’opération "#La fuite en avant" dans le cadre d’une campagne de terrain avec 70 associations locales. À l’image du livre "La disparition" de Georges Pérec, les bénévoles des associations locales font provisoirement disparaître les "o, au, eau" de noms de communes sur les panneaux d’entrée de ville pour dénoncer l’ampleur des fuites d’eau dans le département et appeler à un véritable plan de rénovation des réseaux.