Gabriel Attal : une loi sur les compétences des collectivités d'ici la fin de l'année

"Pour une compétence, il faut un responsable, un financement", a déclaré Gabriel Attal au Sénat ce mercredi 31 janvier lors de sa deuxième déclaration de politique générale. A cette fin, "une loi, construite avec les associations d’élus", sera "présentée avant la fin de l’année 2024" suite aux conclusions de la mission Woerth. Sur les autres sujets, le Premier ministre a repris les grandes lignes de son allocution de la veille à l'Assemblée, en apportant quelques précisions.

Bis repertita ou presque pour Gabriel Attal. Comme il l'avait souhaité, il s'est de nouveau livré à l'exercice de la déclaration de politique générale, ce mercredi 31 janvier devant les sénateurs. Une intervention au fil de laquelle il a redéroulé les sujets abordés la veille devant les députés : travail, agriculture, logement, santé, école… En réutilisant les mêmes mots-clefs : souveraineté, classes moyennes, réarmement, désmicardiser, déverrouiller, débureaucratiser… Avec des variations toutefois, ne serait-ce que dans la forme, le Premier ministre s'étant cette fois volontiers écarté de son discours écrit. Surtout, il s'est sans cesse montré conscient qu'en s'adressant aux sénateurs, il s'adressait aussi aux "territoires" et aux élus locaux, auxquels il n'a eu de cesse de se référer pour leur assurer qu'il travaillerait de concert avec eux sur toutes les questions qui les concernent.

Sur les sujets déjà abordés la veille (voir notre article de mardi), quelques précisions nouvelles ont été apportées :

  • RSA : confirmant que l'actuelle expérimentation sur le RSA menée dans 18 départements donnera lieu à généralisation au 1er janvier 2025, Gabriel Attal a ajouté qu'elle sera d'abord étendue à 47 départements "le mois prochain".
  • Suppression de l'ASS avec basculement de ses bénéficiaires vers le RSA : elle sera mise en œuvre "progressivement".
  • Prise en compte du logement intermédiaire dans les quotas SRU : visiblement au fait des nombreuses réactions suscitées par cette annonce, le chef du gouvernement a indiqué "à ceux qui s’inquiètent" que "dans les communes soumises à loi, nous maintiendrons évidemment une exigence d’un nombre minimal de logements très sociaux".
  • Mal-logement : à la veille de la présentation officielle du rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement (voir notre article de ce jour), ce point non évoqué la veille a été ajouté à la liste des sujets. Gabriel Attal s'est félicité de la récente adoption de la proposition de loi habitat dégradé à l'Assemblée (voir notre article), lui souhaitant un sort favorable au Sénat.
  • AESH : le Premier ministre s'est cette fois explicitement référé à la proposition de loi sénatoriale sur la prise en charge par l'Etat des AESH pendant la pause méridienne (voir notre article), confirmant que le gouvernement soutiendra le texte afin de "mettre fin à des années de querelles entre les collectivités et l’Etat".
  • Mobilités : à l'Assemblée, il n'avait été question que de voiture. Le sujet est revenu : "Il est impossible de priver nos concitoyens de leurs voitures dans la ruralité, dans les petites villes, dans les villes moyennes. Ce serait les priver de travail, de loisir, de vie sociale". Cette fois toutefois, les transports collectifs ont été brièvement mentionnés. On saura ainsi que "les engagements du président de la République d’investissements pour les services express métropolitains et pour le ferroviaire seront tenus".
  • Transition écologique : Gabriel Attal constate que "les concertations se sont intensifiées depuis quelques mois avec le lancement des COP territoriales, qui rassemblent les élus locaux à tous les échelons, territoire par territoire". De quoi permettre, "avec les élus", de poser "les meilleurs diagnostics sur les enjeux de chaque territoire", de "bâtir des solutions adaptées" et de "disposer des financements adaptés". Il a assuré que "l'Etat sera au rendez-vous" et souhaite "que les plans locaux de financement de la transition écologique soient tous conclus pour cet été".
  • Inondations : il se rendra "bientôt à nouveau dans le Pas de Calais" pour "faire le point sur la reconstruction, sur le déblocage des aides d’urgence, mais aussi préparer l’avenir".
  • Agriculture : les annonces des derniers jours et celles qui devraient être faites tout prochainement ont été de nouveau évoquées. Il y a ajouté les mesures adoptées le matin même par la Commission européenne, à savoir la dérogation sur les jachères et la mise en place de mécanismes de sauvegarde sur les importations ukrainiennes.

Mardi après l'allocution de Gabriel Attal à l'Assemblée nationale, l'Association des maires de France (AMF) avait relevé que le mot décentralisation n'avait pas été prononcé. Un mot qui était certainement attendu au Sénat. On ne l'aura finalement pas entendu. Le Premier ministre avait en outre indiqué qu'il y exposerait aux sénateurs sa "stratégie pour nos territoires". Cela n'a pas vraiment été le cas. Il ne fut du moins pas directement question de cohésion des territoires. Sauf pour mentionner brièvement le plan France Ruralités, les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain et le doublement de la dotation aménités rurales.

Le Premier ministre a toutefois confirmé, comme l'avait notamment fait Emmanuel Macron en novembre dernier devant les élus locaux réunis à l'Elysée en marge du Congrès des maires (voir notre article) que le gouvernement va bien s'atteler à la question des compétences des collectivités. Et est prêt à "expérimenter, différencier et adapter nos règles".

Il a dressé le constat en ces termes : "Les compétences des uns et des autres sont un véritable casse-tête, elles s’enchevêtrent.  C’est inefficace pour notre action publique. C’est dangereux démocratiquement, car beaucoup de nos concitoyens ne savent plus vers qui se tourner, ne savent plus qui est responsable de quoi et se retrouvent perdus, déçus et sans réponse. C’est le cocktail parfait pour nourrir la défiance et la colère". Il faut donc une "clarification des compétences des collectivités". C'est à cela que travaille la mission Woerth, qui "a beaucoup consulté" les élus et doit rendre "ses premières conclusions au printemps". L'objectif : "Dépasser les débats stériles sur l’échelon à conserver ou supprimer, et nous concentrer sur les moyens d’améliorer vraiment l’action publique locale". La "règle" : "Pour une compétence, il faut un responsable, un financement".

On retrouve donc là très largement le credo du chef de l'Etat tel que formulé en novembre : "Notre système a dilué les responsabilités, personne ne sait clairement qui fait quoi. Le partage des compétences, ça ne marche pas (…). Il faut également sortir des cofinancements". On ne retrouve en revanche pas la demande constante des élus locaux de voir l'Etat se recentrer sur ses compétences régaliennes et confier de plus larges champs d'action et de "liberté" aux collectivités. Or pour eux, c'est avant tout cela, la décentralisation. En ce sens, il est cohérent que le Premier ministre n'ait pas utilisé le terme. Quoi qu'il en soit, celui-ci a fait savoir qu'"une loi, construite avec les associations d’élus", sera bien "présentée avant la fin de l’année 2024", pour "tirer les conséquences des conclusions de la mission Woerth".

La nécessité de "redonner du pouvoir d'agir" aux élus locaux a toutefois été mise en avant. Ceci par une simplification des normes applicables aux collectivités et par une "réforme du droit de dérogation". Gabriel Attal estime en outre que "le préfet doit avoir autorité sur les opérateurs de son département pour mieux coordonner leur action".

Sur le plan financier, le chef du gouvernement a tenu à mettre l'accent sur la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) inscrite dans les deux dernières lois de finances. Il n'a en revanche pas fait mention de la réforme de la DGF annoncée par Emmanuel Macron en novembre et sur laquelle le comité des finances locales a commencé à travailler (certes pour l'heure sans lettre de mission – voir notre article du 23 janvier). Une possible nouveauté toutefois : "Les préfets auront une vision pluriannuelle jusqu’en 2027 des dotations d’investissements, pour mieux accompagner les collectivités et leur donner de la visibilité.

Enfin, dernier point abordé par Gabriel Attal par rapport aux collectivités : le sort des élus locaux eux-mêmes. Et, tout d'abord, leur "protection" face à "l’explosion des incivilités, des menaces, des attaques". "Nous allons, par exemple, renforcer notre droit et alourdir les peines prévues contre ceux qui attaquent nos élus", a-t-il dit. En sachant qu'il s'agit précisément de l'objet de la proposition de loi déjà adoptée au Sénat et que l'Assemblée a votée et renforcée en commission des lois ce mercredi matin (voir notre article de ce jour). Les choses sont donc déjà dans les tuyaux à l'initiative des parlementaires.

Le Premier ministre entend par ailleurs "mettre en place un véritable statut de l’élu local permettant aux élus d’être enfin mieux protégés, mieux indemnisés, mieux valorisés". Là aussi, le sujet est déjà plutôt bien balisé puisqu'on a à la fois les propositions de la mission d'information sur le statut de l'élu local créée par la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée, qui doivent déboucher sur une proposition de loi (voir notre article du 11 janvier) et, côté Sénat, la proposition de loi déposée le 18 janvier par Françoise Gatel.

 

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