Environnement - Gaz de schiste : la justice annule de nouveau l'abrogation d'un permis de recherches
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise) a annulé jeudi 28 janvier l'abrogation d'un permis de recherches de gaz de schiste dans la région de Montélimar (Drôme) qui avait été délivré le 1er mars 2010 à deux sociétés du groupe Total. Ce permis avait été abrogé par un arrêté du 12 octobre 2011 pris sur le fondement de la loi du 13 juillet 2011 qui interdit le recours à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Mais le tribunal a jugé que cette loi n'emporte pas abrogation des permis exclusifs de recherche délivrés antérieurement dans la mesure où son article 3 impose au titulaire d'un tel permis de déposer un rapport sur les techniques de recherches utilisées et d'indiquer si la mise en œuvre du permis comporte le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche. En l'absence de rapport ou en présence de ces procédés, l'administration doit abroger le permis exclusif de recherches.
En l'espèce, l'administration a demandé aux deux sociétés de lui faire parvenir un rapport avant le 13 septembre 2011 sur les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs recherches. Ce rapport mentionnait leur volonté de ne pas recourir à la fracturation hydraulique et réaffirmait que leur projet ne portait pas exclusivement sur la recherche d'hydrocarbures non conventionnels. L'administration a cependant estimé que les explications données sur les techniques de substitution envisagées étaient insuffisantes et ne lui permettaient pas d'apprécier la réalité de l'engagement de ne pas recourir à la technique de la fracturation hydraulique. Elle a donc prononcé l'abrogation du permis de recherches.
Pour le tribunal administratif, en revanche, les deux sociétés du groupe Total avaient rempli leurs obligations en s'engageant clairement à ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Il a jugé que l'administration avait commis une erreur de droit en allant au-delà des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2011. En décembre dernier, le même tribunal avait par ailleurs confirmé l'abrogation, décidée en 2011, de deux permis d'exploration de gaz de schiste délivrés à la société Schuepbach en 2010 en Aveyron et en Ardèche.
L'Etat appelé à intervenir
La décision du tribunal de Cergy-Pontoise "était attendue", a réagi auprès de l'AFP Me Hélène Bras, qui représente notamment les deux députés européens José Bové et Michèle Rivasi, opposants de la première heure aux forages. Le rapporteur public avait en effet préconisé le 8 janvier que Total puisse reprendre ses recherches, car le groupe s'était engagé à ne pas recourir à la méthode de la fracturation hydraulique, jugée néfaste pour l'environnement. "Le tribunal administratif ne dit toutefois pas qu'il rend son permis à Total", affirme Me Bras, selon laquelle le permis de recherche a "expiré le 31 mars 2015". "On ne ressuscite pas un mort", a-t-elle ironisé.
"Nous demandons à l'État de faire appel de cette décision car l'interdiction d'extraire du gaz de schiste en France est ébranlée", ont plaidé les eurodéputés Michèle Rivasi et José Bové dans un communiqué. "Elle était induite par l'inscription dans la loi de l'impossibilité d'utiliser la fracturation hydraulique (...). Pour faire vivre cette loi, il faut absolument en lever les ambiguïtés", ont-ils ajouté. De son côté la députée socialiste de l'Ardèche Sabine Buis a estimé que la décision du tribunal administratif "revient à réhabiliter le permis de Total dans la région de Montélimar, alors même qu'une mobilisation sans précédent des Ardéchois a montré [le] refus de voir [ce] sol exploité par des spéculateurs qui espèrent en retirer du profit pour ensuite abandonner une dette écologique inacceptable". "L'avenir n'est plus dans les énergies fossiles mais bien plutôt dans les énergies renouvelables, abondantes dans notre région. Et cet avenir, les territoires doivent pouvoir le choisir", a-t-elle ajouté, en soulignant qu'elle venait de déposer à l'Assemblée nationale une proposition de loi relative au renforcement du dialogue environnemental et de la participation du public qui vise à inscrire dans le Code minier l'interdiction de toute exploration et exploitation des gaz de schiste, quelle que soit la technique d'extraction.
Contacté par l'AFP, Total n'a pas souhaité réagir. Mi-janvier, son PDG Patrick Pouyanné avait toutefois affirmé que le groupe ne passerait pas en force contre la volonté du gouvernement, qui avait abrogé son permis. "Je n'ai pas envie de passer en force sur ce sujet-là. Si la collectivité nationale ne souhaite pas qu'on fasse d'exploration de gaz de schiste, nous ne le ferons pas", avait-il expliqué. "Je pense qu'il faut qu'il y ait un consensus sur un sujet pareil."