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Gestion des forêts publiques : une refonte de l'ONF germe dans les esprits

Le retard de plusieurs mois pris par la publication d'un rapport interministériel attendu sur l'Office national des forêts (ONF) laisse augurer d'une décision prochaine très tranchée sur l'avenir et la transformation de l'établissement public. D'autant que la tension s'avive avec les communes forestières. Pour renouer le dialogue, la fédération qui les représente soumet un "projet de manifeste pour la refonte de la gestion de la forêt". Un rapport d'information sénatorial adopté le 12 juin en commission préconise en parallèle une refonte de l'ONF "non pour le démanteler mais pour l’adapter aux exigences sociétales nouvelles". 

La Fédération nationale des communes forestières (FNCofor) a dévoilé le 6 juin, lors de son dernier congrès à Épinal, un "projet de manifeste pour la refonte de la gestion de la forêt française". Sa vocation est de servir de base aux discussions à mener avec l’État, pressé de toutes parts de définir une nouvelle stratégie forestière nationale.

En finir avec le dialogue à bâtons rompus

Comme nous le titrions en décembre dernier (voir notre article), le torchon brûle en effet entre les communes forestières et l'ONF. Les quatre représentants de la fédération ont quitté depuis six mois le conseil d'administration de l'établissement. L'instance de travail commune aux deux, le comité de la forêt communale, est en suspens. Ils continuent toutefois de travailler ensemble au sein du comité des ventes dans un souci de responsabilité vis-à-vis du marché du bois et du partenariat avec sa fédération nationale (FNB), qui rassemble les exploitants, scieurs et industriels. De nouveaux enjeux d'ailleurs émergent, par exemple la question de la propriété et de l'usage des données qui, comme dans tout secteur, existent aussi pour la gestion forestière - données sur les peuplements, les volumes, la qualité, etc. - sans qu'un réel encadrement ne soit à l'oeuvre.

"Ce projet de manifeste repose sur neuf mois de concertation avec l’ensemble des forestiers publics. Il décline sept propositions autour de quatre grands thèmes. D'abord, nous voulons un maintien, un renforcement du régime forestier, qui est la pièce maîtresse d'une gestion durable et d'une approche multifonctionnelle des espaces publics forestiers. Nous voulons aussi un service public forestier fort, renforcé dans ses missions régaliennes et bien plus présent qu'il ne l'est actuellement dans les territoires. Nous souhaitons enfin être impliqués à tous les échelons de la gouvernance des forêts aux côtés de l’État et de son opérateur", explique Françoise Alric, directrice-adjointe de la FNCofor. 

Le rapport de la sénatrice de la Côte-d'Or Anne-Catherine Loisier, qui préside le groupe d'étude "Forêt-Filière bois" du Sénat, reprend et prolonge certaines de ces propositions. Présenté et adopté le 12 juin devant la commission des affaires économiques du Sénat, il s'appuie sur une série d'auditions menées avec des acteurs forestiers. Ce rapport souligne une réussite de l'ONF : avoir su organiser la mobilisation et la commercialisation des bois issus des forêts publiques. "Grâce à son ingénierie, ces forêts, qui ne représentent que 25% de la surface forestière nationale, fournissent jusqu’à 40% des bois mis sur le marché et approvisionnent des entreprises d’une filière qui compte plus de 440.000 emplois."

Le bois ne paie plus la gestion de la forêt

Les efforts de restructuration de l’ONF, au cours des vingt dernières années, sont aussi rappelés. Si les compressions d’effectifs n’ont pas permis de réduire les déséquilibres financiers et que l'endettement cumulé atteint les 400 millions d’euros, c'est en raison de la charge supplémentaire liée aux pensions de retraite : "La masse salariale a juste été stabilisée et l’augmentation des volumes de coupes n’a pas réussi à juguler la chute des recettes, ce qui s’explique par la faiblesse des cours du bois." La sénatrice centriste observe un "climat social qui se tend en interne et [dans les relations] avec les élus des communes forestières, [si bien qu'] il est nécessaire de faire des propositions opérationnelles".

Outre la préservation du régime forestier, Anne-Catherine Loisier préconise d’éviter de faire peser des charges supplémentaires sur les communes forestières "qui ne peuvent pas payer toujours plus", ainsi qu'une "juste rémunération par l’État des missions d’intérêt général, de préservation de la biodiversité, de gestion des risques…, qui sont confiées à l’ONF". Le principe "le bois paye la gestion forestière" n'étant plus valable, ce rapport indique qu'il est urgent de reconnaître la valeur de ces "aménités" forestières et qu'une refonte s’impose, "non pas pour démanteler l’ONF qui a démontré son utilité, mais pour l’adapter aux exigences sociétales nouvelles : lutte contre le changement climatique avec la captation de carbone, production de matériau et d’énergie renouvelable et emploi dans les territoires". Il faudrait donc redéfinir les missions assignées à l’ONF.

Repositionner la gouvernance

À la FNCofor, Françoise Alric explique aussi "souhaiter une distinction plus claire entre les activités régaliennes de l'Office et ses activités concurrentielles". C'est une source de confusion dont se plaignent les élus locaux : "Ils se retrouvent face à un conseiller ONF qu'ils perçoivent comme étant de bon conseil et de leur côté, jusqu'à ce qu'il mette sa seconde casquette de vendeur de prestations. De l'un à l'autre, la frontière est difficile à matérialiser", éclaire-t-elle.

Pour finir, le rapport sénatorial suggère de "repositionner la gouvernance des forêts publiques au plus près des territoires, en valorisant le rôle d’aménageur et de développeur des élus locaux", mais aussi de "rapprocher les propriétaires forestiers, publics et privés, de décloisonner la gestion forestière et de raisonner par massifs et par projets", non seulement pour être plus efficaces mais aussi "plus résilients face aux aléas climatiques".