Gil Avérous (Villes de France) : "Il faut une taxation dissuasive des petits colis"
Face à l'afflux de petits colis issus de plateformes de e-commerce asiatiques, le gouvernement propose de mettre en place une taxe pour frais de gestion en 2026 au niveau européen. Pour Gil Avérous, président de Villes de France, ces annonces ne sont pas à la hauteur de la déferlante qui s'annonce, l'Europe apparaissant comme un marché de rebond suite à la hausse des droits de douane américains. L'association qui alerte depuis plusieurs mois sur la situation globale du commerce s'attend à une multiplication des faillites dans les mois prochains et demande des mesures d'urgence.

© julien leiv - stock.adobe.com
"Il faut une taxation dissuasive des petits colis, il faut s'aligner sur ce que font les États-Unis." Gil Avérous, président de Villes de France, maire de Châteauroux, n'en démord pas. La réponse à l'arrivée massive de colis, notamment issus de Chine, doit être ferme, sans quoi le commerce de proximité sera dans une situation de plus en plus difficile. "Depuis le début de l'année, le commerce subit une baisse de 30% de son chiffre d'affaires et on assiste à une multiplication des cartons de colis sur les trottoirs. Les commerces ne voient plus personne depuis trois mois. Il n'y a pas de raison que la Chine, qui subit les taxations de Donald Trump, se rabatte chez nous !" En 2024, près de 4,6 milliards de colis issus de plateformes d'e-commerce, d'une valeur inférieure à 150 euros, sont entrés sur le marché européen. Leur nombre double chaque année depuis 2021, et 91% proviennent de Chine. En France, 800 millions de colis de ce type ont été livrés en 2024. Depuis le début de l'année 2025, en écho aux annonces de taxation du nouveau président américain Donald Trump (120% sur les produits chinois, et un surcoût de 100 dollars pour les colis de ce type), le raz de marée s'intensifie.
Faire payer les plateformes de e-commerce
Face à ce phénomène, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a annoncé le 30 avril que la France réunirait dans les prochaines semaines les ministres des autres pays européens au sujet du financement du contrôle des petits colis. Son idée : faire payer par les plateformes de e-commerce des frais de gestion, et non des droits de douane (qui eux s'appliquent proportionnellement à la valeur de la marchandise importée), sur chacun de ces petits colis entrant en Europe, et cela dès 2026 afin de financer les contrôles et sans faire reposer le coût sur les consommateurs. Selon la ministre, il s'agirait de "faire payer aux importateurs, aux plateformes, et non pas aux consommateurs, un petit montant forfaitaire sur les colis" d'un montant de "quelques euros" par colis ou "quelques dizaines de centimes" par article. Cette taxe serait valable jusqu'en 2028, date à laquelle l'Union européenne devrait supprimer l'exonération de taxe douanière sur les colis d'une valeur inférieure à 150 euros.
Au-delà de Villes de France, plusieurs associations ou syndicats ont alerté sur la situation. Pour l'Alliance du commerce tout comme la CPME, la réponse du gouvernement arrive très tard et est insuffisante. La CPME propose une taxe forfaitaire de 25 euros par colis en provenance de pays hors UE de moins de 150 euros dès 2025 et la révision des seuils européens avant 2028. De leur côté, les sénateurs se sont emparés du sujet de la "fast-fashion", avec une proposition de loi qui vise à réduire l'empreinte environnementale de l'industrie textile. Elle cible les plateformes de commerce asiatiques type Shein ou Temu, qui représentent à elles deux 22% des colis gérés par La Poste.
"Le commerce est en train de mourir"
Gil Avérous s'inquiète plus globalement de la santé du commerce de proximité. "Le commerce est en train de mourir chez nous, signale-t-il à Localtis. Avec le désordre mondial, les gens consomment moins, ils économisent, il y a une baisse du pouvoir d'achat, une augmentation de la vacance commerciale et une multiplication de ce type d'achats en ligne. Tous les voyants sont au rouge. Nos commerces de centre-ville ont beaucoup perdu en parts de marché, il faut réinventer les concepts." Le président de Villes de France propose de revoir la fiscalité des commerces, qui est "une bombe à retardement", et de soumettre à autorisation des collectivités les installations. Parmi les propositions de son association, apparaît ainsi l'idée de réviser la taxe sur les locaux commerciaux vacants, de créer un dispositif équivalent à l'ancien fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) et de maîtriser le choix d'implantation des magasins et de leur usage. "On le fait sur les grandes surfaces, on peut faire pareil en centre-ville, assure Gil Avérous, mais j'ai l'impression que cela passe au-dessus de la tête du gouvernement. Or, on risque de voir très vite, d'ici trois ou quatre mois, une multiplication des faillites !"