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Grands événements culturels : les organisateurs devront continuer à rembourser les frais des forces de sécurité

Dans une décision du 31 décembre 2019, le Conseil d'Etat a en partie validé la circulaire Collomb du 15 mai 2018 sur le remboursement à l'Etat des frais occasionnés pour la sécurisation des grands événements culturels. Seules certaines modalités de ce remboursement (comme le versement d'un acompte) ont été annulées, au grand dam des organisateurs.

C’est une déception pour les organisateurs de grandes manifestations culturelles, de foires ou de salons : ils devront bien continuer à prendre en charge les coûts occasionnés par les forces de sécurité (police et gendarmerie) lorsqu’elles sont sollicitées pour assurer la sécurité sur la voie publique. Par une décision du 31 décembre 2019, le Conseil d’Etat vient en effet de débouter trois syndicats du secteur - l'Union française des métiers de l'événement (Unimev), le Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss) et le Syndicat des musiques actuelles (SMA) - d’une demande d’annulation pour "excès de pouvoir" d’une circulaire de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb datée du 15 mai 2018. Dans ce texte, le ministre fixait les règles d’indemnisation des forces de l’ordre intervenant à cette occasion. Il imposait notamment aux organisateurs de verser un acompte de 60 à 80% du montant total de la prestation des forces de l’ordre "au moment de la signature de la convention" avec le préfet. Il exigeait en outre le règlement de la différence dans un "délai maximum d’un mois après la fin de la manifestation". 

Forte augmentation des facturations

Les organisateurs exigeaient une clarification, notamment du "périmètre missionnel" (c'est-à-dire du surcoût réellement occasionné par la manifestation pour les forces de l'ordre). Mais selon eux, l'instruction avait surtout été un "prétexte" pour accroître les facturations "au point de fragiliser leur équilibre financier", sachant qu'il est déjà fortement mis à contribution depuis les attentats de 2015. Le fonds d'urgence mis en place alors n'est pas jugé suffisant. Leurs craintes ont été confirmées par un rapport parlementaire de février 2019. Le montant facturé aux Eurockéennes de Belfort est en effet "passé de 30.000 euros en 2017 à 250.000 euros en 2018, avant que la préfecture ne propose un échelonnement de l’augmentation sur plusieurs années", peut-on y lire. Les auteurs du rapport ont également fait état de fortes disparités entre départements : "Certains festivals ont vu leur facture grimper quand d’autres bénéficiaient toujours de la gratuité."

Aucune prestation facturée sans convention préalable

Pour autant, le Conseil d’Etat a considéré que le principe même du remboursement n’était pas en cause puisqu’il était prévu par l’article 211-11 du Code de la sécurité intérieure (issu de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) lui-même précisé par un décret du 5 mars 1997. En définissant les missions susceptibles de faire l’objet d’un remboursement, le ministère de l’Intérieur "n’a pas donné une interprétation inexacte de ces dispositions". En revanche, la haute juridiction estime que le ministre a outrepassé ses pouvoirs en fixant un acompte et un délai maximum pour le règlement du solde. "Aucune disposition n’investit le ministre de l’intérieur le pouvoir de déterminer, de façon générale, le montant de l’acompte, ou les conditions de son versement." Aussi, seules ces dispositions (relatives à l’acompte et au solde à payer) sont annulées. Le reste de l’instruction est donc valide.   

Les Sages ont cependant précisé qu'aucune prestation de service d’ordre ne pouvait être réalisée, ni facturée, sans convention signée en amont de la manifestation. "Cette précision est d'importance", estiment le Prodiss et le SMA, qui avaient déposé un recours commun. Pour les deux organisations syndicales, cette décision est une "première étape face à l’injustice de cette instruction, prise sans aucune concertation". "La sûreté est une mission régalienne qui ne saurait être à la seule charge de l’organisateur de festivals ou de spectacles", estiment-elles dans un communiqué du 3 janvier. Elles demandent ainsi "que les situations soient étudiées au plus juste", dans l'esprit d'un communiqué des ministères de la Culture et de l'Intérieur de juillet 2018 en appelant "à la capacité de discernement des préfets".