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Développement durable - Grenelle 2 : dernière ligne droite pour le "marathon législatif"

Un "monument législatif" marquant une "rupture irréversible" : Jean-Louis Borloo a multiplié les superlatifs au cours d'une conférence de presse, le 27 avril, présentant les enjeux du projet de loi Grenelle 2 qui sera examiné en séance publique à l'Assemblée nationale à partir du 4 mai. "Nous sommes à 15 jours de la fin d'un marathon législatif qui permettra de rendre opérationnels les engagements du Grenelle", a martelé le ministre de l'Ecologie, entouré de ses quatre secrétaires d'Etat – Chantal Jouanno, Dominique Bussereau, Valérie Létard et Benoist Apparu.

"Il n'y a pas sous la Ve République, sur un autre sujet particulier, un monument législatif de cette importance", a-t-il estimé en vantant "un travail de tous les records". Le Grenelle de l'environnement d'octobre 2007 aura donné lieu à cinq textes législatifs (Grenelle 1 et 2, mais aussi lois sur les OGM, sur la responsabilité environnementale, sur l'organisation et la régulation du transport ferroviaire), totalisant 453 articles et ayant déjà donné lieu à des heures de débat en séance, a détaillé le ministre. Plus de 2.000 décrets, circulaires et arrêtés ont été pris, ainsi que 70 mesures de fiscalité écologique. 19 milliards d'euros d'engagements pour les projets Grenelle sont inscrits dans le budget triennal 2009-2011, auxquels s'ajoutent 5 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance et 10 milliards au titre du volet développement durable du grand emprunt.

 

Risque de "surchauffe"

"Les problèmes qu'on a à gérer, ce sont des problèmes de surchauffe par rapport à l'exécution, ce ne sont pas des problèmes de recul ou de retard", a insisté Jean-Louis Borloo. "On a un problème de surchauffe de formation, d'organisation, cela va très vite, cela va presque un peu trop vite", a jugé Jean-Louis Borloo.
Le ministre de l'Ecologie a affirmé être d'accord "pour l'essentiel" avec le texte issu des travaux en commission mais l'examen du Grenelle 2 à l'Assemblée nationale risque encore de donner lieu à des débats agités. Les partisans de l'éolien s'inquiètent des nombreuses modifications apportées par les députés en commission qu'ils voient comme autant d'obstacles au développement de la filière (création des schémas régionaux de l'éolien, seuils pour la puissance installée et l'implantation des mâts, modalités des garanties financières pour le démantèlement, soumission au régime des installations classées pour la protection de l'environnement, suppression d'un article fixant l'objectif de production d'électricité à partir de l'énergie éolienne à 25.000 MW en 2020). Interrogé sur ce durcissement des règles, Jean-Louis Borloo a reconnu "ne pas savoir quelle est la bonne solution". "Nous avons un dispositif libéral, avec un système de permis et des voies de recours qui se sont diffusées. Certains disent que ce n'est pas très grave, qu'on y arrivera quand même malgré les contentieux. D'autres qu'il faut une planification. C'est assez difficile de trancher", a-t-il poursuivi.
Sur l'expérimentation de péages urbains, votée par les sénateurs mais supprimée par les députés en commission, le ministre s'est dit "à titre personnel" opposé à "l'octroi", au "péage bête d'il y a trente ans". "Mais si quelqu'un est capable de proposer un dispositif intelligent de priorisation des usages, je suis pour."

 

Les ONG aux aguets

Les associations écologistes qui ont été étroitement associées au processus du Grenelle suivront de très près l'examen du texte à l'Assemblée. Huit d'entre elles parmi lesquelles le Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler), la Fondation Nicolas Hulot, France nature environnement (FNE), le Réseau action climat (Rac France) et WWF France ont écrit ce 28 avril une "lettre ouverte" aux députés pour leur demander d'"envoyer un signal fort". "Nous nous inquiétons aujourd'hui des contradictions entre de nombreuses politiques (grand emprunt, plan de relance) et les objectifs affichés en octobre 2007", soulignent-elles. "L'ambition du Grenelle devrait également être de façonner une nouvelle manière de faire de la politique, par le dialogue renforcé entre la société civile et ses élus. Un processus de concertation élargie jusqu'alors insuffisamment utilisé en France a été mis en place. Depuis près de trois ans, nos organisations ont pris leurs responsabilités en participant activement à cette concertation et en acceptant les compromis nécessaires pour que des mesures consensuelles se dégagent. Vous avez, avec le gouvernement, la responsabilité de faire le lien entre les résultats de ce processus et sa retranscription dans notre législation."
D'autres associations ont décidé de se faire entendre, au sens propre, à l'extérieur de l'hémicycle. Un collectif de treize ONG parmi lesquelles Agir pour l'environnement, les Amis de la terre, le Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid) et la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a ainsi appelé à un rassemblement musical intitulé "Du bruit pour l'environnement" à proximité du Palais Bourbon le 4 mai, à 16h, au moment où les députés entameront l'examen du texte. Dans un communiqué, ces ONG déplorent le fait que "le gouvernement et les parlementaires ont opté pour une course de lenteur (…). En deux ans et demi, certains groupes politiques et lobbies ont ainsi eu le temps de raboter les modestes acquis du Grenelle de l'environnement et du Grenelle des ondes". Elles se disent inquiètes "des dérives d'un processus démocratique qui, au lieu de mettre au cœur de l'action publique les contraintes écologiques, s'est astreint à recouvrir d'un vernis vert pâle une politique essentiellement productiviste et consumériste". Le collectif égrène "la longue liste des anicroches, reculades et décisions anti-écologiques et unilatérales qui ont plombé le processus Grenelle". Elles citent notamment la "centrale nucléaire à Penly", les "lignes à très haute tension", la "construction de nouvelles autoroutes" et les "mises en concession autoroutières de routes nationales", le "projet de nouvel aéroport", l'"implantation d'antennes relais sans contrainte réelle", la "construction d'incinérateurs", l'"abandon de la fiscalité écologique (taxe carbone et taxe poids-lourds)", les "lois anti-éoliennes", le "développement des agro-carburants" et "l'abandon du fret ferroviaire".
 

Anne Lenormand