Grenoble offre une seconde chance aux carrières "accidentées"

La ville de Grenoble s'est dotée depuis plusieurs années d'un "pool RH", une sorte de tremplin pour permettre aux agents ayant eu des difficultés médicales passagères de rebondir professionnellement. Cette ambition a conduit la DRH à créer de nouveaux outils d'accompagnement à la mobilité interne.

"Etre sur le pool" s'inscrit dans une démarche de mobilité. Même si celle-ci est rarement un choix. "Constitué initialement d'agents volontaires pour des missions polyvalentes, l'objectif du pool était de répondre aux besoins de renfort des différents services municipaux, comme une agence d'intérim interne. Mais au fil des années, on a surtout accueilli des personnes ayant connu des difficultés d'ordre médical et qui ne peuvent plus poursuivre leur activité antérieure", explique Gaëtane Cottin, chargée de mobilité à la ville de Grenoble.
Le pool n'est donc pas un service municipal en soi. C'est une affectation administrative temporaire, gérée par le service recrutement-mobilité, permettant aux agents qui bénéficient d'un reclassement professionnel de se positionner sur une nouvelle activité correspondant à leurs aptitudes et de repréciser leur projet professionnel. Un bilan est établi au terme d'un premier mois d'observation, pour faire le point sur l'adaptation au nouveau poste et sur les besoins nécessaires en terme de qualification. L'agent peut alors se voir proposer des actions de remise à niveau et/ou de formation continue.
"En même temps, le rôle du pool est de mettre en adéquation les ressources des agents avec les besoins non-satisfaits des services, précise t-on à la DRH. Il ne s'agit pas de faire de l'occupationnel."

Donner le temps de souffler

Le pool remplit-il réellement cette ambition affichée de tremplin, de sas vers un repositionnement sur un poste vacant ? "D'une centaine d'agents sur le pool il y a trois ans, on en compte aujourd'hui deux fois moins, c'est la preuve que le pool n'a rien d'une voie de garage", répond Yves Mastromatteo, responsable du service recrutement-mobilité.
Les quarante-sept agents relevant du pool ont entre 28 et 62 ans avec une moyenne d'âge de 40-45 ans. Autant d'hommes que de femmes. La plupart relèvent de la catégorie C et viennent de la filière technique ou administrative. Parmi les principaux services qui les accueillent, on retrouve les services d'entretien, les bibliothèques ou encore des services où ils occupent des fonctions de secrétariat ou d'accueil. Selon les données de la ville de Grenoble, 46% y restent moins de deux ans tandis que d'autres y sont depuis cinq ou six ans. "Beaucoup de sorties du dispositif sont des départs en retraite pour invalidité, quelques-uns seulement se repositionnent sur des postes vacants", reconnaît Gaetane Cottin qui souligne cependant l'intérêt de cette solution transitoire active : "Pour des personnes qui ont traversé des difficultés dans leur parcours, cela leur permet de se stabiliser, de souffler et de se repositionner par rapport aux attentes des services."

Prévenir les situations à risque

L'équipe du service mobilité a également tiré parti de l'expérience du pool : "Cela nous a obligé à mettre en place de nouveaux outils d'accompagnement." D'une part, des mesures pour aider les agents à travailler et finaliser leur projet professionnel, par exemple avec un bilan d'évaluation au Greta ou des formations de remise à niveau pour passer les concours. D'autre part, des ateliers de mobilité interne pour les aider à préparer un CV, une lettre de candidature et un entretien en vue de postuler sur les postes vacants.
"Nous essayons aussi aujourd'hui de travailler sur des solutions en amont, d'être dans une logique d'anticipation, notamment via les réunions mensuelles de la commission de réorientation professionnelle (réunissant la DRH, l'élu en charge du personnel, l'assistante sociale, la médecine du travail...)", explique Gaëtane Cottin. Objectif : prévenir les situations qui risquent d'être difficiles à gérer à terme et proposer d'ores et déjà à ces agents un accompagnement vers un autre poste via l'aide à la finalisation d'un projet professionnel, les ateliers de mobilité et les stages d'observation pratique. En privilégiant le repositionnement anticipé sur des postes vacants plutôt qu'un passage par le pool, le service mobilité veut aussi éviter le surnombre des agents sur le pool, contrainte budgétaire oblige.

Valoriser l'image du pool

Reste que les agents qui sont affectés au pool ont souvent l'impression de ne pas être reconnus  professionnellement. Une série de réunions avec les chefs de service et un article dans le bulletin interne illustré de témoignages marquent les premiers efforts de communication pour donner une vision plus valorisante des actions du pool. "Il est dommage que le pool soit encore marqué négativement car c'est un outil précurseur dont peu d'autres collectivités disposent", regrette Yves Mastromatteo.


Emmanuelle Yohana / EVS pour Localtis
 
 

"Un suivi de près et très professionnel : c'est important pour le moral"


Raoul Cornejo, 45 ans, agent d'entretien titulaire à la ville de Grenoble, est affecté au pool RH depuis un peu plus d'un an. Il en parle comme d'une "opportunité" pour garder pied dans le milieu professionnel et faire le point sur ses choix de réorientation.

"Au départ, j'étais plutôt réticent pour intégrer le pool, se rappelle Raoul Cornejo. J'avais des a priori négatifs, l'image d'un service de "bons à rien", de personnes qui avaient de fortes difficultés relationnelles. En fait, cette expérience se révèle pour moi plutôt positive !"
Recruté à la ville de Grenoble en 1996, Raoul Cornejo travaillait à la Maison des collines, une mini-ferme, dépendant du service jeunesse et vie associative, qui accueille les enfants des écoles. Entretien des bâtiments, taille des arbres, tonte de la pelouse, coupe de bois pour le four à pain, soin des animaux de la basse-cour..., un travail de plein air qui lui plaisait mais qu'il est contraint d'arrêter à la fin 2002. Suite à une ancienne rupture totale des ligaments de la main droite, il lui est devenu impossible de forcer sur sa main dominante. Le service de la médecine du travail lui propose alors une affectation au pool, sans incidence sur sa feuille de paye.

Savoir s'adapter

Après quelques mois passés au théâtre municipal, il est affecté au service de la propreté urbaine, s'occupant de diverses tâches administratives : saisie, diffusion du courrier, agenda, accueil téléphonique?  bien loin du quotidien de la mini-ferme. "Autant dire qu'il faut ne pas avoir peur du changement et savoir s'adapter quand on est sur le pool ! "
Des facultés d'adaptation, Raoul Cornejo n'en manque pas, lui qui a quitté son Chili natal dans les années 80 pour reconstruire sa vie en France sans connaître au départ un mot de français, lui qui est passé d'un Deug d'histoire-géographie à un CAP d'électricien, lui qui a travaillé dans le privé avant d'entrer dans l'administration territoriale. Ce qui ne l'a pas empêché d'apprécier le "suivi de près et très professionnel" de l'équipe du pool qui l'a accompagné dans cette démarche : "Ils me demandent régulièrement comment ça se passe, si tout va bien, c'est important pour le moral." Le bon accueil des collègues du service propreté urbaine l'a aidé aussi à se sentir bien dans cette nouvelle affectation.
Pour autant, Raoul Cornejo espère un jour "sortir du pool". "Le pool permet de prendre le temps de réfléchir à sa réorientation professionnelle et donne, dans ce cas, plus facilement accès aux formations." Pour sa part, il a dû faire une croix sur la filière technique à cause du handicap de sa main droite. "Je vais viser le poste d'adjoint administratif, je ne peux pas faire autrement", explique celui qui se décrit comme "réaliste mais pas fataliste".

Ville de Grenoble

Nombre d'habitants :

158249
11 Boulevard Jean-Pain
38000 Grenoble

Gaëtane Cottin

Chargée de mobilité à la direction des ressources humaines

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