Hébergement d’urgence : "Le principe de réalité nous a rattrapés"

Le nombre de places d’hébergement d’urgence ouvertes se stabilise à un peu plus de 200.000, alors que le gouvernement souhaitait acter une baisse du fait de la montée en charge du plan Logement d’abord. Le ministre du Logement a été auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 16 mai 2023, jour où il lançait également avec des élus et des associations l’Observatoire du sans-abrisme.

En 2022, 201.000 places d’hébergement d’urgence ont été ouvertes, alors que l’objectif initial du gouvernement était d’en maintenir 193.000. Le gouvernement s’inscrit donc "dans la continuité de l'effort fait pendant la crise Covid", a rendu compte Olivier Klein, ministre délégué la Ville et du Logement, le 16 mai à l’Assemblée nationale, lors d’une réunion de la commission des finances dédiée à l’évaluation des crédits 2022 de la mission "Cohésion des territoires".

Si des "marges de manœuvre" sont en train d’être dégagées par la transformation du parc (du fait en particulier de la fermeture de places en hôtel), "la baisse annoncée des financements concernant l'hébergement pouvait remettre en cause l'équilibre économique des prestataires des centres", analyse le député François Jolivet (Horizons, Indre), rapporteur spécial "Logement et hébergement d’urgence". "Les économies n'ont pas été celles escomptées et le principe de réalité nous a rattrapés", met-il en avant, alors que les élus et associations s’étaient opposés au projet du gouvernement de supprimer 14.000 places entre 2022 et 2023 et avaient obtenu gain de cause (voir nos articles ci-dessous). Il en résulte une évolution significative en quelques années, souligne François Jolivet : "Lors de la loi de finances de 2018, nous avions 1 milliard d’euros pour l'hébergement d'urgence et maintenant c'est porté à près de 3 milliards" [en réalité, de l’ordre de 1,7 milliard d’euros pour le programme 177 déjà en 2017]. En 2017, le nombre de places d’hébergement d’urgence était inférieur à 120.000 places, contre 200.000 aujourd’hui, ajoute le ministre du Logement, indiquant que le gouvernement n’entendait pas revenir à la "gestion au thermomètre" de cet accueil.

Entre hébergement et accès au logement : pas de "vase communicant immédiat"

Plus exactement, le programme 177 "Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables" a représenté en 2022 une dépense de 2,89 milliards d’euros, dont 104 millions pour la revalorisation salariale des travailleurs sociaux ("prime Ségur") et 100 millions liés à l’accueil des réfugiés ukrainiens (aides à l’accès à un logement autonome, notamment via la mise à disposition de logements à titre gracieux par les collectivités territoriales et les particuliers). Dans son rapport d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 sur la mission "Cohésion des territoires", publié en avril 2023, la Cour des comptes salue sur ce programme "un pilotage performant malgré des facteurs exogènes" – que sont ces revalorisations salariales et l’accueil des réfugiés ukrainiens. Pour Olivier Klein, c’est le résultat d’"une gouvernance centrale, unifiée et cohérente autour de la Dihal" (délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) et du "lancement du service public ‘de la rue au logement’".

"L'action de l'État en matière de lutte contre le sans-abrisme connaît des résultats tangibles", se félicite le ministre, rappelant le chiffre de 440.000 personnes sans domicile qui auraient accédé à un logement avec le plan Logement d’abord. Cependant, en matière budgétaire, "il n'y a pas un vase communicant immédiat et c'est pour ça qu'il a fallu préserver les 200.000 places d'hébergement d'urgence, dans le contexte migratoire que l'on connaît, la fragilité socio-économique", justifie-t-il.

En attendant la présentation, "dans quelques mois et avec une ambition renforcée", du plan Logement d’abord 2, Olivier Klein a lancé le même jour l’Observatoire du sans-abrisme. "Dans la suite des Nuits de la solidarité, mises en place par plusieurs collectivités, lesquelles visent à recenser et mieux connaître les personnes sans-abri", cet "outil national d’observation sociale" a vocation à "centraliser et fiabiliser les données existantes" sur le sujet, selon le communiqué du ministère. Réunissant des associations, des représentants d’élus et les services de l’État, cet observatoire donnera lieu à des publications de chiffres actualisés "à échéances régulières", dont de premières données consultables sur le site de la Dihal.