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Commande publique - Hors mandat, les marchés lancés par une SEM sont des contrats privés

Le Conseil d'Etat (CE) a précisé dans un arrêt du 11 mars 2011, qu'une convention publique d'aménagement conclue avec une société d'économie mixte (SEM) ne pouvait être qualifiée de mandat que dans le cas où ce contrat a "pour unique objet la réalisation pour le compte de la personne publique d'ouvrages destinés à lui être remis dès leur achèvement ou leur réception". Le CE précise également que lorsque la convention ne peut être qualifiée de mandat, les marchés lancés par la SEM pour aménager la zone sont des contrats de droit privé relevant de la compétence du juge judiciaire.
Dans cette affaire, la communauté d'agglomération du Grand Toulouse souhaitait créer une zone d'aménagement concertée (ZAC). Afin d'aménager cette zone, elle conclut avec la SEM de Colomiers une convention publique d'aménagement pour une durée de douze ans. Pour choisir son maître d'oeuvre, la SEM lance une procédure d'appel d'offres négociée qui permet de retenir l'offre d'un cabinet. Une entreprise candidate dont l'offre n'a pas été retenue demande au tribunal administratif (TA) de Toulouse d'annuler la décision d'attribution du marché ainsi que les décisions par lesquelles la communauté d'agglomération avait rejeté ses recours gracieux et d'annuler le contrat lui-même. L'entreprise estimait en effet que la convention d'aménagement, dans la mesure où elle avait notamment pour objet de réaliser des ouvrages destinés à être remis dès leur achèvement ou leur réception à la personne publique, devait être qualifiée de mandat. Et que dans ce cas, la SEM aurait dû respecter le CMP en passant un appel d'offres classique et non une procédure négociée. Le TA ne fait pas droit à cette demande. La cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux, en revanche, considérera que les règles du CMP auraient dû être respectées.
Cette affaire permet au CE d'apporter des précisions sur la notion de mandat et, par extension, sur la distinction entre contrat administratif et contrat privé.
Lorsqu'un contrat est conclu entre deux personnes privées, en l'occurrence la SEM et son maître d'oeuvre, il s'agit en principe d'un contrat privé qui ne relève pas du champ d'application des juridictions administratives. Le Tribunal des conflits (TC), dans son arrêt Société entreprise Peyrot de 1963, apportait une exception à ce principe : il s'agit de l'hypothèse où l'une des deux personnes privées agit pour le compte de la personne publique. C'est la théorie du mandat.
Les juges du CE rappellent toutefois qu'un aménageur privé n'agit dans le cadre d'un mandat que lorsque la convention "a pour unique objet la réalisation pour le compte de la personne publique des ouvrages" destinés "à lui être remis dès leur achèvement ou leur réception". En revanche, lorsque l'on se trouve dans une situation "mixte" où l'aménageur privé est chargé, d'une part, de réaliser des infrastructures et des équipements publics destinés à être remis dès leur achèvement à la personne publique (ou à d'autres personnes publiques ou concessionnaires de services) et, d'autre part, de réaliser des bâtiments à usage privé destinés à la vente ou à la location au profit de l'aménageur, la théorie du mandat ne peut être retenue. Dans cette hypothèse, l'aménageur privé n'a pas à appliquer les règles du droit public et notamment celle du CMP lorsqu'il lance une opération d'aménagement. Et le contrat étant privé, le contentieux des contrats entre la SEM et les entreprises candidates ne relève pas de la compétence des juridictions administratives mais des juridictions judiciaires.

L'Apasp

Références : CE, 11 mars 2011, Communauté d'agglomération du grand Toulouse, n° 330722 ; TC, 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot, Rec., p.787


Définition du mandat
On parle de mandat lorsqu'une collectivité, le mandant, fait réaliser l'opération en son nom et pour son compte par un tiers, le mandataire. Dans ce type de relation, le mandataire est transparent, il doit appliquer l'ensemble des procédures qui s'imposeraient à la personne publique, notamment celle de veiller au respect du CMP. C'est la théorie que soutenait le requérant, en l'espèce, pour demander, d'une part, l'annulation de la décision par laquelle la communauté d'agglomération avait retenu l'offre du cabinet Dumons et, d'autre part, l'annulation des décisions de la communauté d'agglomération rejetant ses recours gracieux, ainsi que l'annulation du contrat. Un tel contrat est donc administratif, peu importe que le concessionnaire soit une personne publique ou privée. Les règles du CMP, qui auraient du s'appliquer si la personne publique était intervenue par elle-même, doivent être respectées par la personne privée mandataire. Le contentieux entre cette SEM et les entreprises chargées de réaliser les travaux relèvent du champ d'application du juge administratif. C'est ce que soutenait la CAA de Bordeaux dans cette affaire.

 

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