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Airbus - Huit régions cherchent à devenir actionnaires d'EADS

Les collectivités sont bien décidées à donner de la voix dans le dossier Airbus. Huit régions françaises demandent à entrer dans le capital d'EADS, tandis qu'en Picardie, le conseil régional, le conseil général de la Somme et la ville d'Albert font cause commune pour proposer un "partenariat direct" avec l'avionneur.

Outre-Rhin, cette possibilité existe depuis longtemps : au côté de l'Etat, les collectivités telles que les villes importantes et, surtout, les länder peuvent prendre des participations dans les grands groupes. Le 9 février, cinq länder (Bade-Wurtemberg, Brême, Basse-Saxe, Hambourg et Bavière) ont ainsi obtenu de prendre un peu moins de 2% du capital d'EADS sur les parts cédées par DaimlerChrysler, l'un des trois actionnaires du groupe, avec l'Etat français et le groupe Lagardère. Montant de la transaction : 400 millions d'euros. Partant de ce constat, les régions françaises, désireuses de conforter leur rôle économique, ont à leur tour pris l'initiative. Après un tour de table mené par Martin Malvy, président de Midi-Pyrénées, les huit présidents des régions où Airbus est implanté ont cosigné un courrier adressé jeudi 1er mars au Premier ministre, Dominique Villepin, lui demandant de définir dans quelles conditions elles pourraient elles aussi entrer dans le capital du groupe. Une opportunité s'ouvrira en effet au moment de la cession en juillet prochain des parts du groupe Lagardère. Celles-ci passeront alors de 15 à 7%. Ce serait une première en France.

 

Pas de droits de vote

Dans une interview au Figaro du 2 mars, le président de Midi-Pyrénées a laissé entendre que les régions espéraient ainsi prendre "entre 5 et 10% du capital". Pour l'heure, ces huit régions (Midi-Pyrénées, Loire, Picardie, Aquitaine, Centre, Ile-de-France, Poitou-Charentes et Paca) pensent réunir 150 millions d'euros. Premier problème : cette enveloppe représente moins d'1% du capital. Le montage, pour lequel la Caisse des Dépôts devrait être sollicitée, risque donc d'être compliqué d'autant que la législation actuelle ne permet pas cette possibilité, les discussions sur l'actionnariat des collectivités menées au moment de la loi de décentralisation du 13 août 2004 n'ayant pas abouti. "La concertation entre le gouvernement, EADS et les régions est à présent ouverte mais on pourra difficilement trouver une solution avant la constitution d'une nouvelle assemblée le 17 juin", explique Claude Gewerc, le président de la région Picardie. L'autre question qui se pose est celle du pouvoir de décision, car les parts cédées par Daimler ne sont pas accompagnées de droit de vote et il en sera de même pour celles de Lagardère. "L'argent public est en permanence au rendez-vous des grandes entreprises, pourquoi faudrait-il que les collectivités soient laissées à l'écart lors des grandes décisions ?", tempête Claude Gewerc.

 

"Partenariat industriel" à Méaulte

La Picardie, qui ne devrait pas être touchée par le plan de restructuration Power 8, connaît toutefois bien le problème. "Nous avons traversé une crise importante avec Arcelor, rappelle son président. L'Etat français a mis beaucoup d'argent dans l'affaire mais il n'est pas présent au conseil d'administration alors que le Luxembourg y est représenté, de même que la région wallonne." Signataire du courrier du 1er mars, la Picardie est également présente sur un autre front : le site de Méaulte, spécialisé dans les pointes d'avion. Sur ce site, le passage du métallique au composite qui équipera les avions de demain nécessite un investissement de 150 millions d'euros. En début de semaine, le président d'EADS, Louis Gallois, a clairement dit qu'il ne les avait pas. La région s'est alors associée au conseil général de la Somme et à la commune d'Albert, près de Méaulte, pour envisager un partenariat industriel avec l'avionneur. "Toute tendances confondues, nous avons dit à Airbus que nous étions prêts à accompagner le développement de cette plateforme composite avec nos moyens traditionnels comme les prêts à taux zéro", indique Claude Gewerc. Selon lui, au-delà des supressions d'emplois qu'il entraîne (4.300 en France), le dossier Airbus soulève quantité de questions. "On est face à un problème d'argent à court terme, mais derrière, il y a la question de l'avenir de la filière aéronautique en Europe, un problème politique et la question de l'Europe", souligne Claude Gewerc qui rappelle que "pour dix cents de dépréciation de l'euro par rapport au dollar, il en coûte un milliard d'euros à Airbus. Il faudra bien qu'un jour la Banque centrale européenne s'occupe d'autre chose que de l'inflation".

Michel Tendil

 

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