Inclusion scolaire : la Défenseure des droits délivre une mention à peine passable

Dans un rapport consacré à l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap, la Défenseure des droits souligne les résultats quantitatifs positifs enregistrés ces dernières années. Mais déplore une inadéquation entre les moyens mis en œuvre et les véritables besoins des élèves.

En matière d'inclusion des élèves handicapés à l'école, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Lors de sa conférence de presse de rentrée, vendredi 26 août 2022, le ministre de l'Éducation nationale s'est voulu optimiste. Pap Ndiaye a rappelé que plus de 430.000 élèves en situation de handicap seraient accueillis cette année à l'école, un chiffre en augmentation d'environ 6% par an depuis 2017. Il a également mentionné les 300 Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire) supplémentaires ouvertes lors de cette rentrée, portant leur total à plus de 10.200 sur l'ensemble du territoire, ainsi que le recrutement de 4.000 nouveaux AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap).

À rebours du ministre, la Défenseure des droits alerte sur l’accès à l’éducation des enfants handicapés. Dans un rapport intitulé "L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap", publié le 29 août, Claire Hédon en appelle à une école "davantage inclusive". Et pour cause : les réclamations relatives à des difficultés d’accès à l’éducation d’enfants en situation de handicap représentaient en 2021 près de 20% des saisines qui lui ont été adressées dans le domaine des droits de l’enfant.

Si la Défenseure des droits juge "indéniable que l’accès à la scolarisation des enfants handicapés a progressé ces dernières années et qu’une impulsion a été donnée à l’école inclusive", elle estime que "ce bilan ne suffit toutefois pas à effacer les difficultés persistantes rencontrées encore par trop d’enfants en situation de handicap pour accéder à l’éducation".

Une inclusion "coûte que coûte" ?

Ce bilan quantitatif pourrait même être en partie responsable de certaines de ces difficultés. Claire Hédon relève en effet que "trop d’enfants ne bénéficient pas d’un parcours scolaire adapté […] et ne voient pas leurs besoins pris en compte du fait de l’impréparation du système éducatif qui les a pourtant accueillis au nom de l’inclusion". Des manquements qui touchent notamment les temps périscolaires, dont la cantine.

Résultat : "La transformation de l’offre médicosociale, faute d’être suffisamment pensée, accompagnée, conduit à de la discrimination, et paradoxalement à de l’exclusion." Et la Défenseure des droits de rappeler que "l’inclusion […] ne consiste pas à faire entrer, coûte que coûte, les enfants handicapés dans des environnements inadaptés. Elle implique au contraire des moyens suffisants et adaptés […]."

Plus en détail, il ressort des saisines de la Défenseur des droits que "la rigidité des programmes et objectifs scolaires […] réduit la réussite aux performances scolaires [et] laisse peu de place à la singularité de chacun", que "les importants effectifs scolaires par classe, outre la limite du parc immobilier, sont des freins à l’accessibilité matérielle", ou encore que "le manque, voire, l’inexistence de formation des professionnels de l’Éducations nationale à l’inclusion scolaire les met en difficulté pour envisager d’autres aménagements de la scolarité que le recours à l’aide humaine".

Carences d'AESH en zone rurale

"Si pour certains enfants, poursuit la Défenseure des droits, l’accompagnement humain constitue davantage une solution 'par défaut' de nature à pallier les défaillances institutionnelles, pour d’autres cet accompagnement est indispensable à leur inclusion." Sur ce sujet, Claire Hédon constate la "persistance de difficultés". Ainsi, malgré des notifications d'attribution d'AESH par les MDPH (maisons départementales pour les personnes handicapées) en constante augmentation, "beaucoup restent lettre morte". Les académies invoquent régulièrement "un budget insuffisant" ou "une pénurie de candidature" en raison du statut "peu attractif" des AESH. Si ces difficultés se rencontrent sur tout le territoire, "certains départements, notamment en zone rurale, apparaissent particulièrement sinistrés", note la Défenseure des droits.

Quant aux Pial (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), mis en place en 2018 afin de coordonner l’ensemble des aides à destination de l’enfant (humaines, pédagogiques, éducatives et thérapeutiques) et de mobiliser les enseignants pour identifier au mieux les besoins de l’enfant, leur bilan apparaît "très mitigé". La Défenseure des droits les juge "extrêmement flous en pratique, ce qui conduit à un fonctionnement très disparate en fonction des territoires, sans qu’une coordination appropriée n’ait été pensée". Surtout, "un certain nombre de Pial font primer la gestion des ressources humaines sur la réponse aux besoins de l’enfant".

Toutes les carences relevées précédemment convergent vers une conclusion implacable : "La qualité de l’accompagnement ne répond pas toujours aux besoins de l’enfant." Outre la formation "insuffisante et inadaptée" des AESH ou leurs missions "insuffisamment définies", la Défenseure des droits fustige "un manque de concertation" entre les acteurs. S'il ressort des saisines que "les frontières entre le rôle de l’AESH et celui de l’enseignant sont souvent poreuses", se pose également la question de l’accompagnement humain sur les temps périscolaires, laquelle implique directement les collectivités, que ce soit au titre de l'attribution des aides ou de leur financement.

Mieux articuler temps scolaires et périscolaires

Ainsi, la décision d'une CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) d'attribuer un AESH ne peut concerner que le temps scolaire. Il revient donc à la collectivité de décider des mesures à mettre en place sur le temps périscolaire. Pour faire face aux difficultés que cela pose, la Défenseure des droits "considère qu’une évolution de la compétence des CDAPH pour statuer sur les besoins d’accompagnement de l’enfant sur tous ses temps de vie, notamment les temps périscolaires, est indispensable".

En ce qui concerne le financement des AESH sur le temps périscolaire, qui relève également de la compétence des collectivités, la Défenseure des droits regrette une "absence d’harmonisation des relations entre les collectivités locales et l’État afin de garantir la continuité de l’accompagnement [qui] conduit parfois à une rupture dans la prise en charge de l’élève". En guise de proposition, la Défenseure des droits met en avant l’adoption, dans certains territoires, "de solutions temporaires de soutien de l’État dans la prise en charge de l’accompagnement (mise à disposition d’un personnel dédié, moratoires accordés par la direction académique) pour maintenir l’accompagnement des enfants, dans l’attente d’une réponse pérenne à cette problématique".

Plus généralement, Claire Hédon invite les services de l'État compétents à "déterminer avec les collectivités territoriales, et pour chaque enfant qui en aurait besoin, comment l’accompagnant intervenant sur le temps scolaire peut également intervenir durant le temps périscolaire, de façon à assurer, si cela se révèle dans l’intérêt de cet enfant, la continuité de l’aide qui lui est apportée".