Elus locaux - Indemnités des maires des petites communes : l'automaticité du barème maximal, une fausse bonne idée ?
Le maire de Tréogat, commune de 600 habitants dans le Finistère, voudrait renoncer à une partie de ses indemnités de fonction. Pierre Le Berre veut s'en tenir aux 576 euros mensuels validés par le conseil municipal en début de mandat, relate le quotidien régional Le Télégramme dans son édition du 4 mars dernier. Pourtant, il a droit à 382 euros supplémentaires.
Le cas de cet élu local n'est pas rare. Depuis le mois dernier, la presse locale et régionale se fait l'écho de nombreux maires désireux de renoncer partiellement ou totalement à leurs indemnités de fonction - 646,25 euros bruts mensuels dans les communes de moins de 500 habitants et 1.178,46 euros bruts mensuels dans celles qui dépassent ce seuil mais n'atteignent pas 1.000 habitants. Certains édiles en avaient pris l'engagement en début de mandat. Problème : depuis le 1er janvier dernier, ils doivent toucher l'intégralité de leurs indemnités, sous peine d'être en infraction avec la loi.
De possibles pressions
L'obligation a été fixée par la loi du 31 mars 2015 visant - paradoxalement, diront certains - "à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat". L'article 3, dont la rédaction a fait l'unanimité au Parlement, prévoit que dans les communes de moins de 1.000 habitants, l'indemnité de fonction des maires est fixée automatiquement au taux plein. En outre, le conseil municipal ne peut plus, comme auparavant, déterminer un montant inférieur.
L'intention du législateur est louable : il s'agit d'accorder aux élus concernés les moyens d'exercer leur fonction, en reconnaissant que celle-ci génère des frais et requiert beaucoup de temps et, parfois, de sacrifices. Certes, il arrive qu'un maire n'ait pas besoin de toucher ses indemnités, ayant par ailleurs des revenus ou une pension suffisants. Mais c'est loin d'être le cas de tous les maires. Certains comptent parfois sur leurs indemnités de fonction pour boucler leurs fins de mois. Ils ont donc besoin d'être à l'abri d'éventuelles pressions qui les conduiraient à baisser leur indemnité. Des pressions qui peuvent s'exercer notamment lors des négociations qui précèdent l'élection du premier magistrat. A cette occasion, il arrive que l'on fasse remarquer à celui qui est candidat qu'il touche déjà une pension de retraite ou que l'élu auquel il doit succéder avait renoncé à ses indemnités. La sénatrice UDI-UC Jacqueline Gourault qui, avec son collègue socialiste Jean-Pierre Sueur, est à l'origine de la loi du 31 mars 2015, conclut que l’automaticité du versement des indemnités est un moyen d'ouvrir la fonction de maire à des personnes qui, faute de ressources suffisantes, pourraient y renoncer. Bref, elle permet de "démocratiser la fonction de maire".
Baisser les indemnités des adjoints ?
Alors qu'ils auraient pu se réjouir du dispositif, c'est pourtant contre le principe de l'automaticité du versement des indemnités que s'insurgent aujourd'hui des maires. Car les communes dont ils président la destinée ont parfois très peu de moyens, d'autant que les dotations de l'Etat sont en forte baisse. Dans un tel contexte, les édiles considèrent qu'une augmentation des indemnités du maire est de trop. La règle de l'attribution au maire d'une indemnité à taux plein aurait en outre des effets pervers. Sans marges de manœuvre, les communes pourraient en effet être amenées à prendre des décisions paradoxales, comme l'affirme le groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale. Ainsi, si le montant global des crédits dédiés aux indemnités ne peut évoluer, le conseil municipal n’a d’autre choix que de baisser le niveau des indemnités des adjoints pour porter l'indemnité du maire à son niveau maximal.
Alertés par de nombreux maires, des députés et des sénateurs ont tenté à l'occasion de l'examen, en ce début du mois de mars, de plusieurs textes sur les collectivités territoriales, de modifier la règle établie il y a moins d'un an. Leur objectif : étendre à toutes les communes la faculté réservée aujourd'hui aux communes de plus de 1.000 habitants de baisser les indemnités du maire. En sachant que la dérogation serait discutée par le conseil municipal à la seule demande du maire. Selon eux, l'esprit de la loi du 31 mars 2015 serait ainsi respecté. Mais leurs amendements ont tous été repoussés. Sauf un, dont la portée est limitée, puisqu'il applique les modifications souhaitées aux seules communes déléguées qui constituent les communes nouvelles (voir l'amendement).
Don au CCAS
Les amendements rejetés sont identiques à une proposition de loi déposée en février par le sénateur LR Jean-Baptiste Lemoyne. Une initiative à laquelle l'Association des maires de France (AMF) a apporté son soutien. Celle-ci "défend depuis de nombreuses années le principe du versement de l’indemnité maximale aux maires, sauf avis contraire de leur part", a-t-elle précisé à ses adhérents. Ce qui l'amène à critiquer "le distinguo fait par la loi entre les communes de moins de 1.000 habitants et celles de plus de 1.000 habitants". Elle demande par conséquent que "l'égalité de traitement entre tous les maires" soit rétablie.
De son côté, le ministre en charge de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales s'est déclaré ouvert à ce qu'une solution soit trouvée dans le cadre de la discussion au Parlement d'un prochain texte sur les collectivités territoriales. Mais, selon Jean-Michel Baylet, il ne faut pas modifier en hâte la loi du 31 mars 2015. "Une évaluation est nécessaire", a-t-il plaidé le 8 mars au Sénat.
Dans l'attente d'une modification législative, les maires qui ne souhaitent pas percevoir intégralement leur indemnité ne sont pas sans solution. Ils peuvent la reverser sous forme de dons à une association paramunicipale ou au centre communal d'action sociale. Ce faisant, ils doivent s'acquitter des cotisations liées à l'indemnité.