Instruction dans la famille : en cas de manquement, l'administration peut-elle ordonner l'inscription de l'enfant dans un établissement scolaire ?
Contexte :
Selon la loi, l'instruction est obligatoire pour les enfants de 3 à 16 ans. Elle peut être effectuée selon 3 modes différents : dans les établissements ou écoles publics ou privés ou, par dérogation, être dispensée dans la famille (parents ou par toute personne de leur choix), sur autorisation. Le contrôle de l'instruction dans la famille permet de garantir, d'une part, pour les parents, le droit de choisir le mode d'instruction de leur enfant et, d'autre part pour l'enfant, le droit de bénéficier d'une instruction.
Réponse :
Lorsque les personnes responsables d'un enfant décident que l'instruction se déroulera dans la famille, elles doivent faire une déclaration auprès du maire et de l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale (IA-Dasen), qui est par délégation du recteur d'académie, l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation.
L'autorisation de l'instruction en famille est accordée pour des motifs précis :
- L'état de santé de l'enfant ou son handicap ;
- La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ;
- L'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
- L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Une enquête est réalisée par la mairie afin de vérifier la réalité des motifs de la demande d'instruction, pour déterminer si elle est compatible avec l’état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué au DASEN.
Chaque année, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l'obligation d’instruction. Lorsque le maire a connaissance d’un manquement à l’obligation scolaire (ni inscrit dans une école, ni autorisé à suivre une instruction à domicile), il doit en informer sans délai le DASEN. Ce dernier procède en urgence à un contrôle (sans délai).
L'absence de déclaration au maire d’instruction en famille constitue une infraction pénale qui peut être sanctionnée par une amende du montant prévu pour les contraventions de la cinquième classe. Le procureur de la République sera ensuite saisi, soit par le DASEN, soit par le maire, pour constater et sanctionner l’infraction.
Un contrôle pédagogique prescrit par le DASEN a lieu au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction dans la famille.
Pour les enfants relevant du niveau primaire, le DASEN procède au contrôle ou désigne à cette fin un inspecteur de l'éducation nationale.
Pour les enfants relevant du niveau secondaire, le DASEN saisit le recteur d'académie pour qu'il désigne des membres des corps d'inspection.
Lorsque l'enfant reçoit l'instruction dans la famille, le contrôle de l'acquisition des connaissances et compétences se déroule sous la forme d'un entretien avec au moins l'une des personnes responsables de l'enfant, le cas échéant en présence de ce dernier. Dans le cas où le comportement des parents révèle des tentatives de faire obstacle au bon déroulement du contrôle de l'instruction dispensée à leur enfant, le lieu du contrôle peut être fixé dans les locaux de l'administration (TA Limoges, 6 février 2014, n° 1201087). En cas de refus de déplacement, en dehors du domicile, sauf impossibilité avérée, cela équivaut à une opposition de la famille au déroulement du contrôle.
L'opposition (refus ou entraves manifestes au déroulement du contrôle) de la famille aux contrôles pédagogiques prévus par la loi constitue une infraction qui fait l’objet d’un signalement au procureur de la République.
Lorsque les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l'enfant sont averties. Il doit leur être précisé en quoi l'instruction donnée n’est pas satisfaisante au regard de la progression de l'enfant dans le socle commun. Un deuxième contrôle est prévu pour améliorer la situation ou fournir des explications. Les personnes responsables sont également avisées des sanctions auxquelles elles s'exposent en l'absence de prise en compte des observations émises lors du premier contrôle. L'octroi d'un délai avant l'intervention de la mise en demeure d'inscrire l'enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé est obligatoire (TA Dijon, 12 janvier 2017, n° 1602088).
À l'issue de ce second contrôle, si les résultats sont toujours insuffisants, les parents sont mis en demeure par l'IA-Dasen d'inscrire l'enfant, dans les quinze jours qui suivent la notification, dans un établissement d'enseignement public selon les règles habituelles d'inscription et d'affectation, ou dans un établissement d'enseignement privé de leur choix (Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06/02/2024, 476988).
Les parents doivent communiquer au maire de la commune de résidence le nom de l'établissement dans lequel est inscrit l'enfant. Le maire en avise alors le DASEN.
Lorsque, mis en demeure de scolariser leur enfant, ils refusent délibérément, sans excuse valable, de l'inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, ils s'exposent à une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Le DASEN signale alors les faits au procureur de la République.
Lorsque des parents qui ont fait l’objet d’une mise en demeure font une déclaration d'instruction dans la famille l’année suivante, un nouveau contrôle est réalisé. S’il est constaté qu’un enfant n'a jamais reçu une quelconque instruction, malgré la déclaration, ceux-ci risquent deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Un enfant considéré en danger peut faire l'objet d'une information préoccupante auprès du président du conseil départemental. Le président du conseil départemental en informe le DASEN, qui peut alors suspendre ou abroger l'autorisation qui a été délivrée aux personnes responsables de l'enfant. Dans cette hypothèse, ces dernières sont mises en demeure de l'inscrire dans un établissement d'enseignement scolaire.
Références
- Code de l'éducation : articles L.131-1 et suivants, L.131-5-1 et articles L.131-9, L. 111‑1 et articles R.131-1 et suivants
- Code des relations entre le public et l'administration : article L. 231-1
- Code pénal : article 441-7 ; articles 227-17 et suivants
- Code de procédure pénale : article 40
- Code de l'action sociale et des familles : articles L. 226-2 et suivants
- Décret n° 2016-1452 du 28 octobre 2016 relatif au contrôle de l'instruction dans la famille ou des établissements d'enseignement privés
- Circulaire n°2017-056 du 14 avril 2017
- CE, 6 février 2024, n° 47698
- TA Dijon, 12 janvier 2017, n° 1602088
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