Investissement locatif : les parlementaires rendent enfin leurs conclusions

Le très attendu rapport parlementaire remis ce 30 juin à Valérie Létard propose un électrochoc fiscal pour relancer l’investissement locatif de longue durée. Menée par le sénateur Marc-Philippe Daubresse et le député Mickaël Cosson, la mission prône des mesures fiscales devant selon eux permettre de créer 90.000 logements supplémentaires par an d'ici 2030, de reconnaître le rôle crucial des propriétaires-bailleurs et de restaurer l'attractivité d'un secteur vital.

Le constat est alarmant : la construction neuve n'a jamais été aussi basse depuis les années 1950, avec des niveaux inférieurs de 30% à ceux d'avant la crise sanitaire. Les transactions dans l'ancien sont également à leur plus bas depuis 2013. L'investissement locatif privé dans le neuf a chuté de 41% au premier trimestre 2025 par rapport à 2024, atteignant un niveau historiquement bas. Cette désaffection des investisseurs privés, qui logent 25% des Français et 58% des locataires, a des conséquences graves sur l'ensemble du parcours résidentiel, bloquant même la production de logements sociaux et en accession à la propriété.

Plusieurs facteurs désincitent aujourd'hui à investir dans la location longue durée. Tandis que les prix de l'immobilier ont doublé en 25 ans, les salaires n'ont eux augmenté que de 30%. Par ailleurs, la rentabilité est affectée par l'encadrement des loyers, les obligations de rénovation énergétique et la hausse des impayés (4% des locataires en 2025, contre 1,25% en 2019) et de la taxe foncière. La fiscalité actuelle pèse aussi lourdement sur l'investissement locatif, et la location nue est moins intéressante que la location meublée de courte durée, malgré les récentes corrections. Résultat : les investisseurs particuliers, qui représentent 99% du parc locatif résidentiel et dont 70% n'ont qu'un seul logement, se tournent vers des placements financiers plus attractifs.

Cinq propositions clés pour une relance durable

Sur la base de cette situation, la ministre du Logement a missionné le sénateur Marc-Philippe Daubresse (Nord) et le député Mickaël Cosson (Côtes-d’Armor) pour repenser en profondeur l’investissement locatif. Après plusieurs mois d’auditions des acteurs du secteur, leur rapport très attendu vient de livrer ses conclusions, en proposant un cadre pérenne couvrant le neuf et l'ancien, tout en assurant l'équilibre des finances publiques. 

Une première mesure vise à ouvrir l’amortissement et réhausser l’abattement micro-foncier, c’est-à-dire rendre l’investissement locatif plus attractif fiscalement en permettant plus largement d’utiliser l’amortissement (réduction de l’impôt via régime réel élargi), et en augmentant la déduction automatique pour ceux qui préfèrent la simplicité. Ainsi, pour les mutations à partir de décembre 2025, il serait possible de déduire un amortissement fiscal forfaitaire du bien mis en location longue durée, qu'il soit nu ou meublé. Le taux serait de 5% par an pour le neuf et 4% pour l'ancien (sous condition de 15% de travaux), calculé sur 80% de la valeur du bien. Le régime micro-foncier verrait son abattement passer de 30% à 50% pour les locations nues, dans la limite d'un plafond de revenus annuel rehaussé à 30.000 euros (contre 15.000 euros actuellement).

Un bonus de rentabilité serait également instauré pour les loyers abordables : un bonus d'amortissement de 0,5% à 1,5% pour les biens loués à un loyer abordable (intermédiaire, social ou très social) sous le régime réel ; et un bonus d'abattement forfaitaire de 5% à 15% sous le régime microfoncier pour les loyers abordables. L'obligation de conventionnement avec l'Anah serait supprimée pour les investissements avec travaux.

L’augmentation du plafond d’imputation du déficit foncier constitue une autre proposition : le plafond actuel de 10.700 euros, inchangé depuis 25 ans, serait rehaussé à 40.000 euros pour être plus en phase avec les investissements actuels. 

Les biens mis en location de longue durée (nue ou meublée) se verraient exclus de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), reconnaissant ainsi les propriétaires-bailleurs comme des acteurs économiques et non des rentiers. 

Enfin, la durée de détention avant exonération totale de la plus-value serait ramenée à 20 ans (contre 22 ans pour l'impôt sur le revenu et 30 ans pour les prélèvements sociaux actuellement), s'alignant sur la durée d'amortissement proposée et encourageant la détention à long terme pour la préparation de la retraite.

90.000 logements neufs et anciens créés d’ici 2030

Cette réforme, dont le nouveau cadre fiscal s'appliquerait aux mutations intervenant à partir de décembre 2025 pour éviter les effets d'aubaine et stimuler rapidement le secteur, est projetée pour avoir un impact positif et rapide. La mission prévoit notamment une augmentation annuelle de la production de l'ordre de 90.000 logements neufs et anciens d'ici 2030, incluant 40.000 investissements locatifs neufs, 30.000 dans l'ancien, et 20.000 logements neufs débloqués indirectement.

Les parlementaires insistent sur le fait que la réforme serait également bénéfique pour le budget de l'État, générant un gain de +0,5 milliard d’euros en 2026, +1,1 milliard en 2027, et +1,9 milliard par an en moyenne sur 2026-2032, grâce notamment à la TVA sur le neuf et les droits de mutation sur l'ancien.

Le secteur du bâtiment, qui connaît l'une de ses pires crises, verrait la création de plus de 100.000 emplois d'ici 2030, générant plus d'un milliard d'euros de recettes de cotisations sociales.

Au-delà de la fiscalité, le rapport souligne la nécessité de moderniser le décret sur les charges récupérables et d'améliorer les garanties contre les impayés. La mission insiste sur l'urgence d'agir, appelant le gouvernement à intégrer ces propositions dès le prochain projet de loi de finances pour 2026, afin de donner un cadre "de bon sens, efficace" pour relancer l'investissement locatif et répondre aux besoins des Français en matière de logement.

 

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