Issy-les-Moulineaux (92) : les appels d'offres seront protégés de la poussière !

La ville-pilote des Hauts-de-Seine poursuit son avancée en matière de dématérialisation des marchés publics, avec le dernier chaînon manquant: l'archivage électronique des documents d'appels d'offre et la transmission électronique des pièces justificatives de paiement à la Trésorerie.

Finis les vieux papiers jaunis, les pages écornées ou la pièce justificative égarée. Le 14 novembre dernier, la commune d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et le trésorier principal de la ville ont signé une convention autorisant l'archivage électronique des documents dématérialisés d'appels d'offre et la transmission électronique des pièces justificatives de paiement. La ville a signé le même jour un contrat avec les deux sociétés Omnikles et Cecurity.com pour le déploiement de la solution technologique sécurisée d'ici la mi- février.
"L'objectif est de poursuivre jusqu'au bout la chaîne de la dématérialisation des marchés publics initiée par la ville depuis 2002, de l'avis d'appel à la concurrence jusqu'à la notification du marché, en passant par le dépôt des offres par voie électronique et les enchères inversées", explique Olivier Haumant, le directeur général adjoint d'Issy-les-Moulineaux.
A ce jour, environ 20% des marchés sont attribués par voie électronique. Autant seront concernés par l'archivage électronique. Les avantages de ce dernier chaînon de dématérialisation des marchés sont loin d'être négligeables selon Olivier Haumant : facilité de stockage avec un gain d'espace par rapport au volume des archives papiers et facilité de transfert des pièces, exploitation plus aisée des archives courantes avec un gain de temps à la clé, meilleure traçabilité des événements et plus grande fiabilité des documents conservés.

Un coffre-fort pour les marchés

Concrètement, comment cela se passe ? Le service achat récupère, via une nouvelle plate-forme en ligne, tous les documents dématérialisés du marché pour les archiver sur un serveur dédié, véritable coffre-fort électronique. Ce dispositif permet d'entreposer les documents de façon ordonnée et sécurisée car la signature électronique garantit l'authentification du déposant (certification électronique), la date du dépôt (jeton d'horodatage) et l'intégrité du document (algorithme).
Conformément à l'article R.1421-4 du Code général des collectivités territoriales qui impose de conserver les archives dans des bâtiments publics et de les traiter par des agents publics, le coffre-fort électronique est installé au centre administratif municipal. Selon le niveau d'habilitation préalablement défini, les agents du service achat pourront, grâce à un accès sécurisé, y déposer ou déplacer une nouvelle pièce (par exemple un avenant au contrat), retirer un document pour lecture seule ou encore intégrer des modifications au document originel et rajouter alors cette nouvelle version au dossier.

Accès contrôlé du Trésor et de la CRC

Parallèlement, la ville transmet par voie électronique les pièces justificatives dans un second serveur sécurisé affecté à la Trésorerie afin que celle-ci procède au paiement des mandats et titres. La chambre régionale des comptes aura également un accès à ces données lors de ses contrôles, soit sur le serveur de la Trésorerie, soit directement sur celui de la mairie. Le projet a été développé en suivant les recommandations définies par la Direction générale des impôts dans le cadre du programme Hélios de dématérialisation des données comptables. L'adoption de normes communes de classification des différentes données dématérialisées permet ainsi à chaque partenaire de retrouver facilement les documents recherchés.
Il aura quand même fallu plus d'un an pour mener à terme ce projet d'archivage électronique. Le temps d'obtenir l'agrément de la cour des comptes régionale, le temps d'imaginer avec la Trésorerie la façon de gérer l'archivage et la transmission des pièces justificatives, le temps de négocier les prix avec les prestataires. Des mois de discussion et d'explication pour vaincre surtout les appréhensions et les réticences face aux nouvelles technologies et au changement des habitudes de travail. Comme dit Olivier Haumant, "il faut savoir faire preuve de ténacité..."

Conservation et lisibilité jusqu'à 30 ans

Question coût, le projet se chiffre à de 26.300 euros TTC pour l'investissement sur la solution technologique, hors serveur (3.000 euros). Le contrat de trois ans signé avec les prestataires prévoit également une enveloppe annuelle de 7.948 euros TTC pour la maintenance et l'évolutivité des serveurs d'archivage de façon à assurer les conditions d'une conservation et d'une lisibilité des documents jusqu'à trente ans, date maximum de recours pour certains marchés de travaux. Une clause garantit la réversibilité des données archivées si la collectivité choisit à terme un nouveau prestataire. "C'est un coût qui reste supportable pour une collectivité moyenne mais il est possible aussi d'avoir recours à des solutions mutualisées, dans le cadre d'opérateurs de dématérialisation par exemple", précise le DGA.
Issy-les-Moulineaux n'entend pas s'en tenir au seul archivage électronique des documents des marchés publics, mais accueillir ensuite dans son coffre-fort électronique les archives dématérialisés de l'état-civil ou encore de l'urbanisme.
Avec l'archivage électronique, la ville boucle ainsi la boucle de la dématérialisation des marchés publics. Ne manque plus que la transmission électronique au contrôle de légalité de la préfecture. Futur chantier de la e-administration?...

"Une utilisation plus pratique et moins coûteuse que le papier"

Jérôme Mendiela est directeur de Cecurity.com, société spécialisée dans le "coffre-fort électronique" dont l'une des applications est la conservation sécurisée des réponses aux appels d'offres dématérialisés. Il fait le point sur les enjeux de l'archivage électronique.

Quels avantages présente l'archivage électronique par rapport à l'archivage papier ?

Au risque de surprendre certains, je pense que s'il s'agit simplement de conserver des archives dans la durée, il n'y a rien de mieux que le papier! D'autant plus que l'archivage électronique coûte plus cher que l'archivage papier. Par contre, l'utilisation d'une archive électronique est beaucoup plus économique que son traitement papier. Et c'est justement dans l'exploitation courante des "archives vivantes" (durée inférieure à 6 ans) que résident les gains de productivité de l'archivage des documents dématérialisés avec verrouillage par signature électronique : réduction du volume papier, facilité de transfert des pièces justificatives, moindre ressaisie, possibilité de partage des documents archivés, gestion de nouvelles versions tout en garantissant l'intégrité du document originel, conservation de la chaîne de signature électronique.
L'avantage aussi, c'est bien évidemment la possibilité de poursuivre jusqu'au bout la chaîne de dématérialisation des marchés publics.

Quelle sécurité juridique apporte l'archivage électronique ?

L'archivage par signature électronique utilise le cadre légal de la signature électronique qui garantit une authentification forte, un contrôle d'intégrité, un horodatage et une gestion de la confidentialité. La signature électronique donne à l'archive dématérialisée la même valeur probante qu'une signature manuscrite, conformément aux lois et directives concernant les factures dématérialisées (directive du 20 décembre 2001, transposée en droit interne par l'article 17 de la loi de finances rectificative pour 2002 et le décret du 18 juillet 2003).
De plus, la solution de "coffre-fort électronique", qui prend la forme d'un logiciel sur un serveur dédié installé dans un bâtiment municipal, répond au cadre réglementaire qui impose aux collectivités publiques de conserver leurs archives dans des bâtiments publics et par des agents publics (article R.1421-4 du CGCT).

Les solutions technologiques proposées aujourd'hui sont-elles pérennes ?

Il faut dire d'emblée que la signature électronique est maintenant une technologie maîtrisée et qu'il existe des prestataires capables de la déployer. De plus, les solutions d'archivage électronique s'appuient sur des protocoles standards ouverts qui garantissent le principe de réversibilité. Ainsi, la collectivité publique n'est pas tributaire du prestataire choisi. Elle a la possibilité de récupérer toutes ces archives dématérialisées originelles avec tous les éléments de certification le jour où elle souhaite recourir à une nouvelle technologie d'archivage ou à un autre prestataire.

Aujourd'hui les collectivités locales qui ont opté pour l'archivage électronique de leurs documents de dématérialisation des marchés publics se comptent sur les doigts d'une main. L'échéance du 1er janvier 2005 ne les oblige d'ailleurs pas à procéder à l'archivage électronique.

La plupart des collectivités commencent à peine aujourd'hui à se poser la question de la dématérialisation des processus de passation et d'exécution des marché. L'archivage étant le dernier maillon de la chaîne, il est compréhensible qu'elles n'aient pas encore intégré la question de la conservation du fruit de leurs procédures dématérialisées. Pourtant, c'est une question incontournable : à partir du moment où une collectivité fait le choix de la dématérialisation, elle est obligée de conserver les documents sous format électronique pour garantir leur valeur probante. Pour toutes les collectivités qui se lancent aujourd'hui dans ce processus, je leur donnerais deux conseils : accepter le fait que la dématérialisation est un investissement et saisir, du coup, l'occasion de repenser leurs procédures d'achat existantes pour voir comment améliorer les gains de productivité.

Issy-les-Moulineaux tisse sa toile

Précurseur en matière de nouvelles technologies, la ville d'Issy-les-Moulineaux a mis en place une plate-forme de marchés en ligne dès la sortie du décret du 30 avril 2002 sur la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics.

La ville a ouvert en juillet 2002 sa plate-forme de dématérialisation des marchés, en partenariat avec la société Omniklès, qui assure le rôle de tiers de confiance pour le système d'authentification de la signature électronique et héberge le système technique.

70% des entreprises retirent leur dossier en ligne

Cette plate-forme gère l'intégralité des procédures de passation des marchés pour tous les appels d'offre ouverts et restreints : mise en ligne des avis de publicité et des documents de consultation des entreprises, retrait en ligne des dossiers d'appel d'offre, information automatique par mail de toutes modifications sur un appel d'offre en cours à l'adresse des candidats ayant déjà retiré un dossier, réception électronique des candidatures avec signature électronique, chiffrement des différentes pièces dans les deux enveloppes et horodatage automatique, séquestre des offres dans un boîtier sécurisé  puis ouverture et consultation en commission d'appel d'offres, notification des résultats au différents candidats par mail.
Si environ 70% des entreprises retirent le dossier de candidature en ligne, la plupart déposent ensuite leur offre sous format papier. "Malgré nos efforts de communication et d'explication, les entreprises sont encore réticentes", note Isabelle Franchi, responsable du service des marchés publics. Pour autant, les avantages de la dématérialisation des procédures sont déjà notables, en terme de gain de temps comme de frais de reprographie et d'envois.

Enchères inversées sur le net

La ville a procédé à deux enchères inversées en mai et décembre 2003 pour l'achat de mobilier de bureau, de papier et de produits d'entretien.

L'intranet de la ville : un guide sur les marchés

La ville a par ailleurs élaboré un guide de la commande publique interne à l'attention de tous les acheteurs de la collectivité. Il détaille les procédures à respecter, de l'inscription budgétaire jusqu'à l'exécution du marché, pour tout achat de 0 à 230.000 euros TTC, avec des paliers intermédiaires (5.000 euros, 50.000 euros et 100.000 euros), comme pour les achats supérieurs à 230.000 euros H.T. Ce document, de plus de 100 pages, est mis en ligne sur l'intranet municipal. Avec la sortie du nouveau Code des marchés publics, une remise à jour de ce guide est prévue. "Nous nous focaliserons notamment sur les petites commandes en procédant à un recensement annuel du moindre besoin de chaque service de façon à les regrouper pour des achats transversaux", précise Isabelle Franchi.

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