Congrès AMF - Jacques Chirac place les maires "en première ligne"
"Vous êtes en première ligne", a d'emblée lancé Jacques Chirac aux maires réunis en masse ce 21 novembre dans le grand auditorium de la Porte de Versailles lors de l'ouverture officielle du 89e Congrès des maires. En première ligne face "aux mutations économiques, à l'insécurité, aux mutations sociales"... ainsi que face aux multiples "tensions" que traverse la société française.
C'est d'ailleurs à cette thématique des "tensions" sociales que le président de la République a consacré une bonne partie de son intervention, en se focalisant sur les questions de laïcité et de citoyenneté - des questions sur lesquelles Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France (AMF), s'était lui aussi exprimé en accueillant son hôte. "Le principe de laïcité ne se négocie pas", avait d'ailleurs conclu Jacques Pélissard, suscitant de vifs applaudissements.
Rappelant diverses étapes déjà franchies, telles que la création de la Halde ou le vote de la loi sur la laïcité à l'école de mars 2004, Jacques Chirac a ainsi annoncé l'installation dans les prochaines semaine de l'Observatoire national de la laïcité. Rattaché au Premier ministre, cet observatoire s'intéressera permettra de "rester vigilants" sur des terrains tels que "les hôpitaux, les services publics, les équipements sportifs", a précisé le chef de l'Etat.
Le président de la République a en outre annoncé qu'il souhaite "instituer une cérémonie de citoyenneté" qui "s'adressera à tous les jeunes Français majeurs". Cette cérémonie pourrait par exemple prendre la forme d'un "accueil en mairie, où chacun se verrait remettre sa carte d'électeur ainsi qu'un Code républicain, qu'il signerait pour exprimer son adhésion aux valeurs de la République", a-t-il précisé, tout en soulignant que "la plus grande liberté" sera laissée aux maires dans l'organisation de ce nouveau rituel.
Enfin, rappelant l'importance qu'il accorde au service civil volontaire, Jacques Chirac a invité les maires, non seulement à mieux "faire connaître" ce dispositif, mais aussi à accueillir largement de jeunes volontaires dans leurs services.
"Le temps de l'exode rural est révolu"
La thématique de la sécurité a évidemment été évoquée, avec la nécessité, "en étroite liaison avec les élus", de faire travailler ensemble police, justice, travailleurs sociaux et acteurs de l'éducation. Dans cette logique, Jacques Chirac a estimé que le projet de loi dont vient de se saisir l'Assemblée nationale donnera réellement aux maires "des moyens supplémentaires" pour prévenir la délinquance. Sur ce sujet, Jacques Pélissard, tout en estimant que les maires "adhèrent à l'idée directrice du texte", s'était montré réservé. Le président de l'AMF a mis en garde contre le risque de glissement vers le maire des fonctions régaliennes que sont "la répression, la sanction". "Nous ne sommes ni des maires fouettards, ni des maires shérifs", a-t-il martelé. Là encore, les applaudissements n'ont pas manqué.
Bien conscient de s'adresser à une majorité de maires ruraux, Jacques Chirac a décliné sa vision de "l'unité du territoire national" - autrement dit de l'aménagement du territoire. "Nous devons prendre la mesure d'un mouvement en profondeur de notre société : le temps de l'exode rural est révolu." Sur la base de ce constat, le chef de l'Etat a passé en revue les diverses mesures qui vont selon lui permettre le développement de l'innovation sur tout le territoire : pôles de compétitivité, pôles d'excellence rurale, soutien aux biocarburants, haut-débit, grands projets d'infrastructures...
En matière de services publics en milieu rural, il a entre autres mis en avant "l'acquis irremplaçable des sous-préfectures" et s'est déclaré formellement opposé à "tout ce qui pourrait remettre en cause la qualité du service postal".
Enfin, le président de la République a passé en revue une kyrielle de sujets ayant des incidences pour les maires. On citera pêle-mêle l'article 55 de la loi SRU (qu'il juge toujours "essentiel pour la mixité sociale"), le succès des zones franches urbaines, la parité dans les exécutifs locaux ou encore, en écho aux derniers chiffres publiés par l'Insee, les négociations à venir sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires (lire notre article de ce jour). Côté finances, il a estimé que les associations d'élus ont eu raison de saisir le Conseil économique et social pour mener "une réflexion d'ensemble nécessaire sur la fiscalité locale".
Claire Mallet
Services publics en milieu rural : faire appliquer la Charte, coûte que coûte
Comme à l'accoutumée, la première séance plénière du 89e congrès des maires était dédiée ce mardi 21 novembre aux maires des communes rurales. En question : "comment assurer l'égalité des chances dans le monde rural ?". Et ce, qu'il s'agisse de développement économique local, de TIC, d'éducation ou de santé. Les débats ont principalement porté sur les difficultés de faire appliquer la Charte des services publics en milieu rural signée en juin dernier par l'Etat, l'Association des maires de France (AMF) et une quinzaine grands opérateurs de services, organismes de protection sociale ou réseaux consulaires.
Participant à une partie des débats, le ministre délégué à l'Aménagement du territoire a lui-même reconnu que l'application de cette charte rencontre certaines difficultés : "Les opérateurs ont accepté de signer cette charte, mais il faut sans cesse intervenir, car certains essaient de se dérober. On rentre alors dans un rapport de force, le préfet étant l'instance d'appel", a déclaré Christian Estrosi, incitant les maires à saisir leur préfet dès qu'ils constatent le non-respect des règles fixées par la charte. "Avant, c'était la jungle. On a fixé les règles du jeu. Il n'est pas question de laisser à nouveau le désordre s'installer", a-t-il ajouté, en rappelant par exemple que désormais, un inspecteur d'académie qui prévoit de fermer une classe en raison d'une baisse du nombre des élèves, doit alerter le maire deux en en amont.
Alors que plusieurs élus se sont offusqués du brusque projet de fermeture par la SNCF de la liaison Paris-Rodez le ministre délégué a indiqué qu'il allait demander à Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, de "suspendre la décision prise" : "Cela doit être une décision concertée, pas imposée par le haut". Il a, plus globalement, rappelé son principe d'action : "pas une politique égalitariste, mais une politique d'équité", consistant à "donner plus à ceux qui ont moins".
C.M.